2000 - 20092006CritiqueKeanu ReevesRichard LinklaterRobert Downey JrRory CochraneWinona RyderWoody Harrelson
A Scanner Darkly
A SCANNER DARKLY
de Richard Linklater
"A Scanner Darkly" est l'adaptation d'un roman de Philip K. Dick qui en
français s'appelle "Substance Mort" et en anglais... A Scanner Darkly.
Et rien que pour cela, ça devrait attirer toute votre attention.
Dans une société pas si éloignée de la notre, mais qui se
rapproche toujours un peu plus d'une dystopie. Un homme, un policier
en infiltration, se débat avec une drogue, la substance M.
Si cette histoire se passe en Californie, la société ou il
évolue diffère sur certains points de la notre le plus souvent sur
des détails, des réglementations ou des outils. L'histoire bouge
doucement les lignes sans pour autant tout bouleverser. Par exemple
les policiers ne se connaissent pas.
Il passent leurs journées avec
des « scramble suit » une espèce de combinaison extrêmement
difficile à décrire. C'est donc une combinaison intégrale qu'ils
enfilent sur leurs habits ou se projettent des images de personnes,
jamais dans leurs intégralité. La moitié d'un visage de l'une
accolé à celle de l'autre... et qui «switch» tout le temps. Autre
particularité, même leurs voix sont changées. Pour enfiler ses
tenues et les ôter il y a un système de vestiaire élaboré. Jamais
ils ne se croisent. Et si dans leurs vies de tous les jours ils sont
amenés à le faire. Il serait impossible pour eux de se reconnaître.
Au rayon des drogues, on retrouve la cocaïne, l'herbe, mais aussi
des petites pilules rouge, la substance M. Sa particularité est que
l’accoutumance et la surdose provoque une désynchronisation des
hémisphères du cerveau; et une foule de maladie mentale.
Ou
est notre policier dans tout ça? il se perd! Il est a visage
découvert avec les toxicomanes qu'il héberge chez lui et qui sont
ses amis. Il sort avec une accro à la cocaïne. Mais il est caché
quand il est avec ses collègues lorsqu'il débriefe avec son
supérieure. En résumé il est un policier, mais c'est aussi un
dealer, et un drogué. Et comble de l'exercice on lui confie la
mission de se surveiller lui même. Il est coincé dans un cercle
vicieux.
Comment le réalisateur raconte t-il tout cela? Il prend un
casting qui fait rêver, et fait un film en vingt six jours. Puis il
le rotoscope. À l'origine la rotoscopie consiste à prendre une
image et à en dessiner les contours et les visages. Si Linklater
avait déjà utilisé cette technique sur un de ses films précédents
pour lequel l'un de ses amis avait créé un logiciel permettant de
le faire avec une dose de photoshoot et de freezing. Ici il a préféré
une approche plus artisanale, chaque image a été redessinée et une
minute de film représente cinq cents heures de travail.
Cet univers que je ne saurai pas bien qualifier avec à la fois
des jeux d'acteurs très efficaces et des images toutes travaillées
avec ce procédé, permet de raconter l'histoire de cet homme
fred/bob. Il créé un paysage légèrement étiré. Accentuant quand
il le faut la sensation de vertige ou de désorientation. Ça casse
le rythme de la narration et laisse le spectateur dans le même
inconfort que nos personnages. Sans trop en dévoiler à force de
consommer de la substance M , il devient accro. Cette manière de
filmer permet d'intégrer tous les symptômes, et nous permet de
voir les moment ou il est confronté à du morphisme ou à de
l'onirisme en passant par la perte de son identité (n'étant pas
sure d’être marié ni sure d’ avoir des enfants).
Je vous parlais plus haut des petites choses que créaient le
réalisateur et le romancier pour enrichir notre univers et ajouter
du réalisme à l'histoire. La rotoscopie permet de donner vie à une
foule d'outils et de les rendre crédibles. C'est le deuxième film
que je vois, à quelques semaines d’intervalles, inspiré d'un
roman de Philip K.Dick. Et je suis toujours aussi fascinée par les
petits objets qui sont créés, ils ont souvent un coté steampunk
plaisant. Ici, on le retrouve au niveau de l'appareillage médical
avec lequel on surveille la santé de Fred , mais aussi au niveau des
systèmes de surveillance que ce soit celui de la police ou celui
bricolé par James, même le scramble suit n'aurait pas été
crédible sans un coup de pouce technique. Toutes ces petites choses
qui font un tout.
Si
la rotoscopie rend l'histoire crédible, le scénario la rend
lisible. Car l'histoire est complexe et cruelle. Mais la manière
dont elle est racontée, permet de garder de la légèreté. On voit
la déchéance de cet homme que la schizophrénie gagne. On est
témoin de son combat pour se raccrocher à la vie . Il est
bouleversant quand il récite un épitre ou quand il se perd dans
les méandres de son cerveau. Cet homme est émouvant alors que tout
le reste autour de lui nous amène à sourire. Un mélange qui ne
laisse pas le spectateur indifférent.Pour
servir cette histoire, le casting est luxueux Keanu Reeves tient le
rôle de Fred/bob. Il est touchant et expressif. Il passe d'une
facette à l'autre avec aisance et sans que son interprétation
vacille. Les moments ou il revêt le scramble suit sont l'occasion de
scènes face caméra particulièrement fortes et dépouillées.
Ces
colocataires sont interprétés par Robert Downey Jr et Woody Harrelson.
Ils ont des interprétations survitaminées. Le jeu très maniéré
du premier sied parfaitement à l'exercice. Il lui donne un coté
cartoonesque, hors sol. Puis quand Woody Harrelson joue le fou. Je
jubile. Il est parfait je me suis délectée de chacune des minutes
ou il était présent à l'écran. Rory Cochrane m'a fascinée lors
de la première scène du film. Il est très bon
La fille est Winona Ryder qui gagne en épaisseur avec ce process.
Ce
film n'est pas qu'une jolie chose et une histoire bien menée. Il est
aussi porteur de message et de réflexions sur le monde qui nous
entoure. Le réalisateur met ses pas dans les pas de l'écrivain. Il
décide de reprendre, à la fin de film la postface du livre mot pour
mot.
Une dédicace bouleversante qui nous questionne sur l'usage de
drogues. Et sur notre société qui créée des drogues qui tue ou
aliène ses enfants. Enfants qu'on condamne , qu'on envoie dans des
lieux mi hôpital-mi prison.
Elle nous interroge aussi sur la notion de sacrifice humain «pour
le bien de tous». Sacrifices qui sont le fruit de manipulation et
culpabilisation
Mais au final vient le sujet de ceux qui produisent ces substances
sachant qu'ici ces mécanismes sont poussés à leurs maximums.
Ce film est une surprise de par sa forme soignée et cet aspect si
différent. Mais ce n'est pas que ça. Son discours et sa post face
m'ont laissée avec la chaire de poule fixant un écran noir. Il
fait, sans aucun doute, parti des films préférés que j'ai
découvert cette année.
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