2000 - 20092006Alex AnguloAriadna GilCritiqueDoug JonesFederico LuppiGuillermo del ToroIvana BaqueroMaribel VerduSergi Lopez
El Laberinto Del Fauno
EL LABERINTO DEL
FAUNO
de Guillermo Del
Toro
«A fairy tale, horror story, and wartime period piece , with an
innocent girl at is circle».
c'est ce que Guillermo del Toro dit de son film et c'est dans ses pas que nous
allons nous mettre pour en parler.
Ce
film est un conte de fée.
Un
conte de fées est, pour faire simple, une histoire où interviennent
des composantes surnaturelles ou féeriques, des opérations magiques
ou merveilleuses propres à enchanter les spectateurs, lecteurs, les
personnes qui le reçoivent.
Dès
les premières minutes du film, Guillermo del Toro créé une
atmosphère typique. Nous plongeant dans une réalité assez rude ,
et ouvrant la porte au surnaturel.
Pendant
la guerre d’Espagne en 1944, Ofelia et sa maman enceinte jusqu'au
fond des yeux traversent une foret. Conduites dans de grosses
voitures noires rutilantes, elles vont retrouver le capitaine Vidal,
nouvel époux de sa mère, père du petit frère qu'elle porte.
L'enfant se perd dans les livres de conte de fées qu'elle a amené.
Sa maman, lui dit doucement qu'elle est trop grande pour ses livres
qu'elle tient serrés contre son cœur. Alors que la voiture est
obligée de s’arrêter car sa mère est malade. L'enfant furète
dans la foret et trouve, une pierre plantée dans le sol, plus grande
qu'elle, où un visage est gravé. Il manque un œil. Elle le trouve
au pied de cet étrange monument, le remet en place, et de la bouche
béante sort un gros phasme.
Ofelia
est une héroïne dans laquelle chacun se retrouvera un peu. En tout
cas moi, je m'y suis beaucoup retrouvée. Des le départ elle est
dans une position hautement inconfortable. Un nouveau lieu de vie où
elle est là seule enfant, dans un monde très masculin, le tout avec
une mère affaiblie. Elle tient ses livres, comme elle porterait un
bouclier. Serraient contre son cœur, face à l’extérieur. On
comprend que tout ce qu'elle connaissait est derrière elle. Et que
le futur n'est pas lumineux.
Rapidement
elle rencontre celle qui sera son soutien, Mercedes. A noté que leur
première rencontre se fait autour de ses livres, qu'elle avait
laissé tomber et que la douce Mercedes lui ramène. Puis ces livres
laisseront la place au Livre. Une version upgradée The Book Of
Crossroads que lui offrira le faune. Un artefact magique qui a
traversé les temps et qui sera toujours là pour lui dire ce qui va
se passer et ce qu'elle devra faire. Dans sa quête, comme dans sa
vie.
Sa
quete? Dès la première nuit dans cette caserne. Une ancienne ferme
réquisitionnée, le phasme qu'elle a libéré vient la trouver alors
qu'elle dort avec sa maman. Maman trop épuisée et faible pour
partager la couche de son époux. Il la conduit au centre d'un
labyrinthe un peu plus loin. Ils y retrouvent un vieux faune qui lui
dira, qu'elle est la réincarnation de la princesse Moana. Elle est
morte il y a des milliers d'années. Sont père a créé des portails
partout pour qu'elle puisse les rejoindre. Mais pour pouvoir passer
de l'autre coté, elle doit franchir trois étapes. Trois quetes à
achever.
Les
trilogies, trinités, le chiffre trois; sont très importants
dans ce film. Pour le réalisateur c'est une constante dans la
mythologie et il le décline tout le temps. Si je m'appesantirai sur
certains d'entre eux, je ne peux pas le faire pour tous. Je le
souligne ici par ce que c'est avec ces quettes que ça commence (puis
dans les minutes qui suivent vous verrez les trois gouttes de
somnifères que doit boire sa maman, les trois cailloux qu'elle doit
faire avaler au crapaud, les trois portes, les trois trônes, trois
fées...
Les
décors sont aussi une pièce maîtresse de ce conte. Si l'extérieur
de la maison renvoie à tout autre chose, les objets de la maison
nous parle du conte. Le réalisateur décide de graver partout où il
le peut des représentations du faune. On le voit très bien au
niveau de la tète du lit de la maman d'Ofelia. Mais il fait sculpter
aussi les pieds du lit de l'enfant avec des magnifiques petites
chouettes animaux qui font le lien entre les deux mondes. la
décision est prise aussi de faire des éléments démesurés. Le lit
où elle se blottit avec sa mère est immense. Elles semblent perdues
dans tant d'espace. Même son lit à elle, semble beaucoup trop
grand. La table ou se passe le repas des officiers ou avec les
invités est démesurée. Mais cependant
leurs couleurs sont toujours sombres. Elles ne deviennent plus
chaudes que chez l'homme pale, elles sont rouges sang. Dans un
contexte dont je vous parlerai dans quelques instants. Mais la
quintessence est lorsque notre petite héroïne entre dans la salle
des trônes à la fin du film. Ils sont si grands, si hauts. Et ici
tout est rouge, or, et lumière. Tout cela souligne le déséquilibre
entre elle et ce qu'elle doit affronter.
Del
Toro qui est au scénario comme à la réalisation imagine un vrai
bestiaire. Avec l'aide de la compagnie DDT FX (je vous laisse le lien de leur compte instagram, c'est un bonheur de s'y perdre) il lui donne
vie. Ce film est fait avec un budget minimal de 19 millions de
dollars, ce fut un travail compliqué et sous tension. Mais le
tempérament du maître, fit qu'ils restèrent amis, continuèrent à
travailler ensemble...et gagnèrent un oscars entre autre pour leur
travail sur ce film.
Si
le phasme et les fées, sont créés numériquement, le reste n'est
que maquillage et animatronique, . Je m'offre le petit plaisir
de commencer par ces derniers qui sont un peu mes chouchous. L'énorme
crapaud est créé comme ça. S'il n'est pas filmé en plan séquence
avec notre jeune actrice. Il est quand même réel, et ça rend à
l'image un coté encore plus dérangeant, inquiétant et dégouttant.
La
petite merveille est pour moi celui de la racine de mandragore. C'est
mignon cette petite chose. ça bouge ses petites racines. Mais
n'oublions on est chez Del Toro, et j’avoue que j'ai détourné les
yeux quand elle l'a nourrie.
Le
faune, est le gros morceau. Composé de maquillage et de
prothèses cette créature est spectaculaire sur bien des points.
D'abord car une partie de ses jambes sont effacées par effets
numériques ce qui explique leurs formes extraordinaires. Ensuite car
le personnage évolue au fil du film et que son maquillage évolue
aussi. Au début de l'histoire,
lorsqu'il est réveillé. Le faune est plus sombre qu'il ne le sera
jamais, il est courbé, on pourrait presque l'entendre craquer tant
il ressemble à un bout de bois sec. Mais à la fin; dans l'ultime
scène il est plus jeune . Son teint est plus clair, plus frais. Sa
corne qui était abîmée, est comme neuve. Il bouge avec avec
aisance. Quasi sautillant . Il semble presque avoir de petites joues.
L'interprétation
de Doug Jones est géniale. Il est capable de lui donner vie
et laisser transparaître toutes
les émotions qui le traversent. Il fait peur quand il se met
en colère. Il est incroyable lorsqu'il partage cette tranche de
viande fraîche avec les fées. Un moment typique du réalisateur. On
est à la fois fasciné, et dégoûté. Son interprétation passe par
tout son corps la manière dont-il bouge , dont il se cambre. Le jeu
de ses mains. Mais là, c'est encore plus frappant lorsqu'il
interprète l'homme pale.
Ce film est une
histoire d'horreur
Et
s'il y a un personnage emblématique de l'horreur dans ce film c'est
L'Homme Pale. Toujours imaginé par le réalisateur, mis au
monde par la compagnie DDT FX du couple Marti, et incarné par Doug Jones,
encore une trinité. Il a cette forme difficile à décrire. Se corps
flasque et distendu, se teint plus qu’émacié, blanc-gris. Ses
mains si effrayantes, que le jeu de Doug Jones met en valeur. Il est
terrifiant. Rien que son souvenir met les chocottes.
Il
incarne parfaitement le concept «eyes and mouth» de Del
Toro. Beaucoup de choses tourne autour d'eux,
et cela toujours en lien avec la fantaisy et le surnaturel.
Comme dans la première scène que je vous décrivais au début. Ou
encore ces organes démesurés quand ça concerne le crapaud. Mais
chez cet homme, c'est sa bouche qui s'ouvre sur des dents
carnassières et noires. Ce moment où il attrape une fée, qu'il lui
croque la tète, vous laisse stupéfait comme sidéré sur votre
siège, et la répétition avec la seconde ne fait qu'accentuer cet
état. Et c'est ses yeux hors de leurs orbites qui trouvent leurs
places dans les paumes de ses mains. C'est avant tout quelque chose
de parfaitement original. Qui a lui seul pourrait créer l'horreur
mais jumelé au design de la créature. C'est d'une efficacité à
toute épreuve.
Le
décorum et tout ce que Del Toro met en place autour de ce personnage
est aussi très important.
Il
puise beaucoup dans l'imagerie de sainte Lucie. Si son histoire se
retrouve dans celle d'ofelia. On retrouve, dans cette partie du film,
l'imagerie autour de la
sainte et de ses yeux arrachés. Ce qui a pour effet de rendre ce
monstre presque envisageable. et de lui offrir une place dans nos
propres croyances et mythologies. Le rapport avec la religion n'est
pas que là, les peintures qui ornent le plafond et qui racontent
ce qu'a fait l'homme pale ressemblent à des peintures qui ornent les
plafonds de certaines chapelles ou basiliques. Et elles reprennent
des codes iconographiques de certains vitraux. De même le lieu où
ofelia se retrouve face aux trois portes ressemble fortement à
l'espace derrière la chaire où sont rangés les éléments servant
à l'eucharistie. Tout ceci rendant la salle aussi solennelle
qu'inquiétante.
Si
la table, riche en fruits et mets gourmands est l'incarnation
parfaite de la tentation pour une enfant en pleine guerre qui a subit
tant de restrictions et qui de plus n'a pas mangé depuis 24H.
L'horreur, quant à elle s'incarne dans un détail. Lequel? Un énorme
tas de chaussures. Symboles des enfants dévoraient par l'homme pale.
Et au moins partiellement, mais probablement majoritairement ceux
d'autres petites filles ayant affronté cette épreuve.
Le
sang, a un rôle dans différents moments, de ce film. Et il a une
couleur différente à chacun de ces moments. Par exemple on ne voit
pas celui des fées, le réalisateur jouant avec les contre-jours
pour mettre en scène ce moment. Mais il y a une scène forte. Une
qui reste, un peu à la manière de ces pièces se remplissant de
sang dans certains films. Là c'est Ofelia qui voulant connaître
l'étape 2 de sa quete, parcourt le «book of crossroads».
Elle
ouvre ce cahier aux pages toujours blanches et voit cette double
pages se tacher de ce rouge vif, se diffusant le long des veines du
papier. Ça ne dure que quelques secondes et on retrouve l'enfant
face à sa mère en train de faire une hémorragie. Sa chemise de
nuit, aussi rouge que son livre. Et ses mains ensanglantées. C'est
une véritable horreur, avec une violence intrasec. Une violence à
la del toro.
De
cette manière d'écrire et de filmer, Alfonson Cuarron dit qu'il n'a
pas «une violence hollywoodienne». Et de fait la violence de ses
films, et de celui-ci en particulier ne se situent jamais où nous
l'attendons.
Une période de
guerre.
Parler
en quelques lignes de la guerre d’Espagne est une gageure. Del Toro
dit d'elle qu'elle est comme un oignon. On n'en finit plus de
découvrir ses feuilles, mais plus on en sort plus ça
fait pleurer. Je vais essayer de le faire quand même. la
guerre se déroula de 1936 à 1939. il y a les républicains, orientés
à gauche et à l’extrême gauche, ils soutiennent le pouvoir en
place, avec … des anarchistes. En face des nationalistes orientés
à droite et à l'extrême droite menés par Franco. Après trois ans
particulièrement cruels ces derniers gagnent. Pendant la guerre ce
sont créés des zones nationalistes et des zones républicaines.
Dans les zones nationalistes naît la guérilla anti-fasciste. Son
but: le retour à la constitution d'avant guerre. Qui sont ces
guérilleros? Des gens qui ne peuvent pas rentrer en zone
républicaine, ou qui restent pour combattre. Ce film se passe en
1944. une partie des guérilleros a rallié la résistance française
pendant la guerre. L'autre partie s'est organisée et est
L'opposition au régime. Entre 1944 et 1948, c'est la période où
ils sont structurés et efficaces.
C'est
dans cette position que l'on se trouve. Dans la foret sombre et
impénétrable la guérilla, avec un relation très forte à la
résistance française. Au centre, la représentation nationale, bien
sure militaire, qui détient tout, et principalement la nourriture.
La
représentation de la gente militaire est symbolisée par trois
hommes le capitaine Vidal et deux lieutenants. Vidal qui emprunte son
nom à un historien spécialiste de cette guerre civile, prend les
traits d'un Sergi Lopez, quasi méconnaissable et fabuleux. Vidal est
le père de l’enfant que porte la maman d'Ofelia. Il est
l'incarnation de la rigidité. Les scènes où il se prépare,
pourtant courtes mais répétées, à elles seules auraient pu
suffire à le caractériser. Tant elles sont fortes et denses. Ça et
ses habits monochromes.
Il
apparaît aussi comme un prince féodal, un prince capable de réduire
la dotation alimentaire de chacun de moitié. Et où il règne sur
ses notables; comme Lors de la scène du dîner, entouré des gens
de bonnes compagnie. Tous le référentiel de la petite bourgeoisie
est présente. Et comme tous les seigneurs d'antan, il s'octroie le
droit de vie et de mort sur ses sujets
Et
la réalisation en fait finalement le monstre du film. Dans
une scène typiquement «del toroienne», dans les premières minutes
on le voit tuer un homme de manière horrible à coté de son
père,avec un détachement glaçant. Alors qu'il va devenir père,
il semble s'affirmer comme de
plus en plus cruel. Lors des scènes de tortures, le
spectateur voit d'abord que ce n'est pas sa première valse, il
maîtrise l'exercice et y prend plaisir. La dernière de ces scènes,
semblant être pour lui la quintessence de l'extase. La blessure sur
le visage, signée Mercedes, fait de lui l’incarnation du «grand
méchant loup».
Le
fait qu'il n'éprouve aucune envie de partager la chambre de sa
femme, et n'a d’intérêt que pour son fils. Mis en corrélation
avec le fait que la seule
fois où le spectateur le voit prendre du plaisir et pendant les
scènes de tortures, où
il est particulièrement sadique . Parlent de lui. Tout comme sa
fixation sur la montre à gousset, laissée par un père avec qui il
avait de mauvaises relations. Ou encore la manière de ne voir son
enfant que comme une trace de lui.
Le
lieu choisit pour incarner son antre, n'est pas anodine. Imaginée
par le réalisateur d'après une cheminée pyrénéenne. Elle est
anguleuse et grise. Elle est brute, vue de l’extérieur. Et semble
froide.
Le
fascisme est pour del Toro quelque chose de masculin. Et c'est pour
cela qu'il voulait une héroïne
Une fille innocente au
centre de ce cercle
Ofelia
est notre héroïne. Si son nom la renvoie directement à l'Ophélie
de Shakespeare, à son destin tragique et à sa relation forte
avec son père. Guillermo Del Toro s'inspire aussi de sainte Lucie
pour créer son personnage. Martyre, appartenant à la noblesse
dont la mère saignait « des entrailles», sa foi sauva la maman.
Mais ofelia ne se résume pas à cela. Elle est présumée être la
princesse Moana. Dont le père puissant a construit des
portails dans tout le monde pour la retrouver. Alors qu'Ofelia n'a
presque pas connu le sien.
L'histoire
est celle d'un rite de passage. Elle doit affronter toutes ces
situations pour devenir qui elle veut être. Dans la réalité de
cette enfant, c'est les moments du choix. Bien sure elle a trois
possibilités devant elle. Devenir comme sa mère «la plus belle».
Être mère, mais aussi être assujettie à un homme, quitte à ce
que ça la tue. Devenir comme Mercedes cette combattante de
l'ombre, forte et sous estimée. Toujours sur la brèche.
Ou
alors Moana. Cette princesse, que ses parents attendent dans la salle
des trônes
Sa
quette lui permet aussi de comprendre ce qui se passe. Le faune
intervient dans sa vie, et ce qu'elle apprend de ses aventures lui
servent au quotidien. Il lui donne la mandragore. La craie lui permet
de sauver son petit frère, la visite chez l'homme pale lui apprend à
s'écouter.... le livre lui explique ce que traverse sa mère. La
meilleure illustration est le moment où, le crapaud trop gros tue
un arbre magique. Un arbre dont la forme rappelle un utérus.
Son
évolution est aussi actée par ses habits. Les costumes prennent
toute leur importance . Elle arrive habillée de gris et vert sombre,
puis sa robe devient plus brillante, et la fait ressembler à Alice
au pays des merveilles. Pour finir dans des habits rouges et or et
ses chaussures deviennent rouges rappel à celles de Dorothy.
Le
lieu d'Ofelia, est le labyrinthe, celui où elle rencontre le faune.
Celui où se finit le film.
Dans
l'esprit du réalisateur, un labyrinthe parle de se trouver, plus que
de se perdre. Il est la pièce majeure de la quette de son héroïne,
son vecteur.
Cette
histoire est très émouvante. Et cette émotion est portée par la
petite actrice Ivana Braquero. Elle et d'une humanité, sans nom.
Ce
film est un film sur les femmes. Sur les choix qu'elles doivent
faire. Mais c'est plus que ça. Ces différents niveaux de lectures
laissent une fin ouvertes en fonction de ce en quoi on veut croire.
De
plus il a changé la perception du grand publique sur les acteurs
comme Doug Jones. Ce film est un trésor
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