THE ASSASSIN
de Hou Hsiao-Hsien
Lors
de sa diffusion sur Arte, ce film fut décrit comme un wu xian pian
contemplatif . Donc sur papier je suis le parfait cœur de cible. Car
si vous réussissez à accoler l'un de ces qualificatifs à n'importe
quel film, vous verrez mon nez se retrousser et mes oreilles frémir.
Alors là le combo des deux a eu toute mon attention. Et c'est le
cœur léger et emballé que je me suis installée devant ma
télévision. Sans jamais me poser la question suivante. Est-ce que
dans mon expérience des Wu xian Pian en ai-je déjà vu un
contemplatif? N'est-ce pas antinomique?
L'histoire
se déroule au VIIeme siècle. Une jeune fille qui a été envoyée
dans un monastère pour étudiée est devenue le bras armé d'une
organisation qui tue les dignitaires qu'ils perçoivent comme
indignes. Après avoir laissé vivant un notable corrompu car elle a
été émue de le voir s'occuper d'un de ses enfants, elle est punie.
Elle est renvoyée dans sa famille, qui est tout a fait consciente de
ce qu'a été sa formation, avec pour mission de tuer son cousin qui
accède au trône.
Ce
long métrage qui a gagné la prix de la réalisation à Cannes de
2015, est basé sur une nouvelle écrite au IX eme siècle par Pie
Xing. A douze ans, Nie Yinniang (qui est le titre original de ce
film) est placée chez une tante, dans un monastère où elle devient
une combattante redoutable. Exactement comme le début du film que je
vous ai pitché plus haut. Et c'est après que le film sans pour
autant s'éloigner de l'histoire originelle, arrête plus ou moins de
raconter quoique ce soit, il effleure son sujet
tout au plus, laissant le spectateur deviner. Et je ne vais
pas vous mentir, pour moi c'est un gros problème.
Ma
première interrogation est, est-ce que l'on peut qualifier ce film
de wu xian pian? Car alors que le film déroulait ses beaux tableaux,
je disais au key maker de ce blog, que nan... c'en était pas un.
Lui
il me regardait avec ses grands yeux compréhensifs, et son joli
sourire me disait si, je crois que si. Et diantre, il avait raison.
Ce film, malgré une lenteur difficilement descriptible, répond
parfaitement aux critères de ce genre si particulier du cinéma
chinois. Ce long métrage reprend les thèmes caractéristiques de la
lutte entre le bien et le mal (et ça peut se décliner à plusieurs
niveaux). Quant à la lutte entre le devoir et le désir elle est
omni-présente.
La
seule variante est que le chevalier solitaire, est une combattante.
Tout y est sauf peut être le coté palpitant qui est inhérent à ce
genre. Ici le récit et les combats sont d'une lenteur improbable.
Mais ce n'est en aucun cas un critère. Je ne peux cependant pas m’empêcher de penser que ce film ressemble à tout sauf à un film
de héro martial.
Mettons
les choses au clair, dans ce long métrage, l'histoire est
secondaire. Ici ce qu'y est mis en avant, est la photographie et les voluptueux décors. Un prologue somptueux dans un noir et blanc aux
contrastes forts et très beaux. Puis une photographie majoritairement
vibrante, aux éclats de couleurs. Et comme transition entre ces deux
étapes? Une chanson accompagnée au shamisen. Ce moment est
magnifique, parfaite union entre un son sensuel et une image
soignée... mais vide de sens.
A la photographie Mark Lee Ping-Bin,
qui n'est pas un débutant. il a travaillé sous la direction
Christopher Doyle pour In The Mood For love, ou encore comme
directeur de la photographie d'à la verticale de l'été. Ça maîtrise ne pose pas de questions, et il est le point fort du film.
Mais à force de contempler, le cinéaste admirer sa photo, ça a
fini par beaucoup m'ennuyer.
L'un des meilleurs exemples est une
scène explicative, et elle n'est pas de trop, où le prince parle à
sa favorite. Il y a moult voilages, et bougies qui volent
doucement dans l'air doux et suave de la chine du VIIeme siècle.
Mais pour faire un effet de style, ils volettent devant la caméra,.
L'intensité du récit est sacrifiée au ballet des voilages, mais
surtout ça vous sort complètement de l'histoire. Quant aux dialogues, les rares qui existent, ils sont tous parasités par le
vent, les crépitements des bougies... mais est-ce que les dialogues
sont vraiment utiles quand on délaisse tant le récit?
Pour m’être intéressée à l'histoire qu'y a inspirée le scénario, je me suis
aperçue que tout un pan avait été passé sous silence, et plus
encore des personnages centraux sont présents à l'image, mais n'ont
aucun vrai rôle dans le film. Alors qu'ils avaient un sens dans le récit d'origine. D'autres protagonistes sont créés pour la photo, je
pense à la femme au masque d'or. Elle sort de nulle part, je n'ai
pas compris qui elle était, pourquoi elle était là, ni pourquoi
elle disparaissait. Je clôturerai ce problème autour des
personnages par leurs designs. J'ai eu un mal fou à distinguer deux
femmes. La mère de notre héroïne, et la femme de l'homme qu'elle
doit tuer (mêmes habits, mêmes coiffures, mêmes maquillage), il m'a
fallu la moitié du film pour remettre tout le monde à sa place....
Mais à la fin de ce long métrage, je me suis aperçue qu'il y avait
eu une troisième femme. Alors elles sont sublimes, mais c'est gênant. Car si on suit le film elles sont tout sauf
interchangeables. Et à plusieurs reprises je me suis retrouvée dans
cette situation à propos d'autres protagonistes.
C'est récurant je
trouve que les acteurs sont malmenés.
Shu
Qi tient le film sur ses épaules. Je l'ai vu dans le film du même réalisateur "Millennium Mambo" Ici
elle n'est pas à son avantage. Il est toujours difficile de
jouer les personnages taiseux et une intériorité, et elle n'y
arrive a aucun moment. Elle est coincée entre une posture de
combattante peu aboutie et un sourire inapproprié. De plus la
chorégraphie des combats et son rythme, donnent l'impression qu'elle
ne maîtrise pas du tout ce qu'elle fait. Ce qui est probablement
faux.
Meme
punition pour Chang Chen qui interprète sa cible. Il passe une partie du
film à entrer dans une pièce, s'asseoir, prendre une posture et
grogner. Evidemment à la maison c'est devenu un running gag. C'est
un acteur que j'ai vu dans les films Wong Kar-wai et je sais à quel
point il est brillant. Mais ici, il n'en a pas l'occasion
Je
vous laisserai sur une remarque d'une autre blogueuse. Elle disait que
ce film nous demandait quel cinéma nous touche le plus, celui qui
parle à vos yeux ou celui qui s'adresse à votre esprit? Evidemment
ce n'est pas aussi binaire. Mais ce long métrage permettra tout à
chacun de bouger le curseur sur sa toise personnelle.
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