Mr. Holmes
de
Bill Condon
1949, Sherlock Holmes vit au milieu du Sussex dans une petite
maison où Mrs Munro tient le rôle de gouvernante, elle est là avec
son fils qui observe avec intérêt tout ce qui gravite autour de
Holmes. Ce petit tellement plus intelligent que la moyenne a déjà
dévoré tout ce qu'a écrit Watson sur le détective.
Avant tout parlons de l'écrin. Ce film est vraiment
quelque chose de joli. Il semble presque avoir été peint. Quelques
soient les époques, les décors, les lieux tout est fait avec
délicatesse et intelligence. Une excursion à Hiroshima quatre ans après l'explosion de la bombe est d'un minimalisme qui tranche avec
le reste du film, mais dans ce dépouillement ne ressort que ce qui
est important que ce soit pour le spectateur ou pour l'Histoire. Les
cadres sont tous bien dessinés, la camera majoritairement posée,
semble s'adapter au rythme de ce nonagénaire. Mais aussi à
l'univers du roman de Mitch Cullin, les abeilles de Mr
Holmes dont il est issu. Le scénario semble aussi
adapter son rythme à celui de son personnage, si jamais on ne
s'ennuie, si jamais je n'ai ressenti de longueur; Jeffrey Hatcher
prend cependant le temps de dérouler son histoire, sans
précipitation, ni énervement, en développant chaque moment, l'un après l'autre,
Il y a aussi une élégance folle dans ce film, si ça
semble presque naturel dans la période des flashbacks qui ramène
notre personnage au début des années 1900. Cette élégance persiste
au fin fond du Sussex, même dans cette maison rustique, dans toute
la panoplie d'apiculteur du dimanche, voire dans l'improbable
chapeau melon du personnage d'Hiroyuki Sanada.
Et l'incarnation de l'élégance est Ian McKellen, notre
Sherlock Holmes âgé. Il est exceptionnel, en tant qu'acteur ça
on le sait tous, mais là il joue encore plus finement sa partition
qu'à l'accoutumée. Il interprète un homme de plus de 90 ans, a un
maquillage qui le vieillit à la perfection, au point de nous
demander au début du film, si l'acteur n'avait pas pris un petit
coup de vieux. Non c'est juste un maquillage où l'on ne saurai
deviner où sont les vraies rides des fausses. Il adapte sa démarche
à celle de son personnage. Comme je l’expliquais plutôt on le voit
avec trente ans d'écart et c'est impressionnant de regarder le
travail qu'il a fait sur l'évolution de son corps, de sa posture et
la cohérence qu'il a mis dans cette réflexion.
Il joue donc un homme qui perd sa mémoire et qui cherche à
mettre sur le papier, l’enquête qui l'a décidé à prendre sa
retraite, il y a trente cinq ans, et à venir vivre dans le Sussex.
Mais il cherche aussi avec le goût pour les sciences, qui a été
l'une de ses armes pendant toute sa vie à contrer les effets de
l'age, et à maintenir sa mémoire.
Apres avoir vu ce film que j'ai beaucoup aimé je me suis
longtemps demandée pourquoi on passait à Hiroshima, il
aurait pu aller n'importe où, si le passage de ce qui sera surement
son dernier voyage à l'étranger a une vraie importance, pourquoi
là? Et j'ai fini par comprendre. Ce que nous montre ce film, c'est
la fin d'une époque. L'age de grâce de la science ce moment où l'on
pensait qu'elle n'amènerait que de bonnes choses, sans envisager le
revers de la médaille. La fin de sa vision et de son
utilisation de la science qui résolvait tous ses problèmes.
maintenant ni la gelée royale de ses abeilles, ni le poivre japonais
ne lui rendront sa mémoire. C'est une nouvelle période pour le
monde et pour lui qu'il doit affronter .
Mais c'est plus que ça, ce film est riche de ce qu'il ne dit
pas. Sachez que je ne vous dévoilerai rien sur l'intrigue en elle même, ni sur l'histoire que Sherlock cherche à reconstituer,mais on
peut se poser les questions suivantes? Pourquoi oublier cette
histoire? Pour oublier ce qui s'est passé, pour oublier les leçons
qu'il aurait du en tirer? Ou pourquoi cette période de profond
changement, le ramène t-il vers le moment dans sa vie où il a
délaissé tout ce qui faisait de lui, Holmes c'est à dire son
aptitude à enquêter et son ami Watson?
Il y a d'autres points plus émouvants les uns que les autres
dans ce film, beaucoup autour de la filiation. Avec une absence
des pères, ou à minima de particulier. A aucun moment dans le
film, il y en a un qui tient la route. Ce sont les mères qui portent
le quotidien. Mère courage, mère désespérée, mère aimante, ce
sont elles qui font tourner le monde. Et même la belle relation
entre le jeune Roger et Holmes,et tout sauf une vague représentation
paternelle, et pas seulement à cause de l'age. Ils se reconnaissent
en tant que personnes plus intelligentes que la moyenne. Ils sont
les personnes ressources l'un de l'autre, les extrémités d'une même corde.
Il y a, et ce surtout dans le passage où il est au japon, une
diatribe sur la fiction et la réalité assez jubilatoire, qui
est renforcée par toute les représentation que Holmes voit de lui
alors qu'il est encore vivant, et qui dressent de sa personne un
portrait d'une absolue inexactitude.
Je
finirai pas ce qui sous tend le film, plus qu'une réflexion sur la
vie, ses buts, ses velléités. Ce long métrage est un film sur
l'autre, sur l'écoute, l'observation, l'empathie et sur les bons
cotés de la fiction.
Je vous ai parlé de Holmes parlons des autres protagonistes
Roger, ce petit garçon intelligent, futé, attachant est
interprété par Milo Parker. Il est extraordinaire, et a
fini par me faire pleurer.
Sa maman, qui est plus ou moins la gouvernante de cette maison est interprétée par Laura Linney . Absolument pas avantagée par
les costumes et les maquillages ce qui aurait pu vraiment faire
perdre toute crédibilité à son personnage, est transformé en
atout par son interprétation impeccable de femme coincée entre deux génies à deux stades d'évolution différente. Ce qui n'est pas une
sinécure.
Hiroyuki Sanada est Tamizi Umezaki. Il est le reste du
monde, celui qui ne vit pas dans le cocon du sussex et qui fait face
avec bienveillance à la bêtise et la cruauté. Le choix d'Hiroyuki
Sanada est fin, tant cet acteur semble pouvoir exprimer toute la
compassion du monde par un seul de ses regards.
Ce film sous un aspect policé, et sucré et une petite bombe, qui
ne vous lâchera pas sans que vous ayez matière à réfléchir sur
votre vie, ou que vous ayez laissé couler une petite larme
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