La Flûte de roseau
LA FLÛTE DE ROSEAU
de Ermek Shinarbaev
Dans
le Kazakhstan en pleine perestroïka la bonne fée du cinéma a jeté
dans un chaudron une histoire coréenne, un grand écrivain, un
joueur de hockey russe parent de Bruce lee, de la poésie, de la
sagesse bouddhiste, beaucoup de beauté, un soupçon de Scorsese,
et une pointe de Cannes... et chling en est sorti ce petit bijou
unique dans son genre qui donne du fil à retordre à tous ceux qui
veulent écrire dessus.
A ma
question un peu désespérée, par où commencer? Le «key maker» de
ce blog m'a répondu par le début, alors commençons par le début.
A
l'origine de ce scénario il y a Anatoli Kim qui est un romancier,
dramaturge, scénariste soviétique puis russe. Il est né au
Kazakhstan. Sa famille est installée en Russie depuis le XIXeme
siècle, ils font parti des Koryo-sarams, l'histoire est longue et
passionnante mais pour faire court à la fin du XIX suite à une
guerre autour des frontières et un manque de terre des milliers de
coréens s'installent sur les terres russes. Et ceci va durer
jusqu'au début du XXeme siècle, jusqu'à ce que des colons russes arrivent.
Ils furent les premiers à subir la «déportation des peuples en
URSS» et furent majoritairement déportés au Kazakhstan. Ceci
expliquant cela notre écrivain situe les racines de son histoire en
Corée.
Et
des le début il esquisse le portrait d'une Corée dure. Montrant
comment un roi, fit de son fils un monstre de cruauté dans une
période lointaine. Et plus proche de nous un père qui transmit sa
haine et son devoir de vengeance à son fils unique. Fils qu'il
procréa uniquement dans ce but.
Ce
film est complexe à pitcher sans trop en dire, et à décrire aussi.
Il y
a d'abord un écrin: sa forme. Le rythme parfait, du chapitrage du
film, sept strophes qui racontent quelque chose de la vie et de
l'histoire; mais aussi bizarrement une bande son qui nous amène
presque à la méditation. La photographie est belle, avec une
composition d'images très réfléchie qui parfois peut sembler
minimaliste, mais qui est toujours juste. La scène du crime qui
engendrera la vendetta en est un parfait exemple. Ces enfants aux
bouilles angéliques avec leur professeur, les visages joueurs des
enfants, les yeux perdus de l'enseignant. Puis des poussières dans
un rayon de lumière, un reflet... peu de choses pour nous parler de
l'horreur. Mais c'est efficace. Parfois la photographie est juste
magique on avance dans
l'histoire,plus le film devient onirique et organique.
L'histoire
marche sur deux jambes décrites des le début du
scénario.
Le rapport père-fils et l'impacte des choix des
pères sur leurs garçons, sur ce qu'ils deviennent et comment ils
deviennent. Ceci mis en exergue par les mères du film absente,
fusionnelle, ou en deuil... allant jusqu'à celle qui sacrifiera sa
potentielle maternité dans un but précis.
Et sur un autre plan la
poésie, comme pendant, toujours présente et parallèle. Art à
chérir et protéger. Et pendant tout le film, l'un prendra le pas
sur l'autre chacun son tour. Formant en ying et un yang qui
deviendront une entité unique.
Ce
film brasse de nombreux thèmes pas seulement celui d'une vengeance
dont on hérite et qui vous détruit,
voire de la parentalité. Mais
aussi une perception biaisée du handicap, l'utilisation et la
perception des concubines et de la polygamie au milieu du XXe siècle,
l'exode en république soviétique.....
le
casting est majoritairement fait d'inconnus qui sont très
convaincants dont un joueur de hockey apparenté à Bruce lee.
Si
ce film est arrivé jusqu'à nous grâce à la world cinema
foundation, une fondation fondée par Martin Scorcese qui a pour but
de restaurer les films ignorés et négligés.
Ce
film est rare, c'est un filtre d'amour du cinéma. Un petit miracle,
une rencontre magique qui réveille notre curiosité et notre envie
de découvrir et de voir des films différents.
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