La Flûte de roseau

by - juin 03, 2018




LA FLÛTE DE ROSEAU
de Ermek Shinarbaev

Dans le Kazakhstan en pleine perestroïka la bonne fée du cinéma a jeté dans un chaudron une histoire coréenne, un grand écrivain, un joueur de hockey russe parent de Bruce lee, de la poésie, de la sagesse bouddhiste, beaucoup de beauté, un soupçon de Scorsese, et une pointe de Cannes... et chling en est sorti ce petit bijou unique dans son genre qui donne du fil à retordre à tous ceux qui veulent écrire dessus.

A ma question un peu désespérée, par où commencer? Le «key maker» de ce blog m'a répondu par le début, alors commençons par le début.

A l'origine de ce scénario il y a Anatoli Kim qui est un romancier, dramaturge, scénariste soviétique puis russe. Il est né au Kazakhstan. Sa famille est installée en Russie depuis le XIXeme siècle, ils font parti des Koryo-sarams, l'histoire est longue et passionnante mais pour faire court à la fin du XIX suite à une guerre autour des frontières et un manque de terre des milliers de coréens s'installent sur les terres russes. Et ceci va durer jusqu'au début du XXeme siècle, jusqu'à ce que des colons russes arrivent. Ils furent les premiers à subir la «déportation des peuples en URSS» et furent majoritairement déportés au Kazakhstan. Ceci expliquant cela notre écrivain situe les racines de son histoire en Corée.
Et des le début il esquisse le portrait d'une Corée dure. Montrant comment un roi, fit de son fils un monstre de cruauté dans une période lointaine. Et plus proche de nous un père qui transmit sa haine et son devoir de vengeance à son fils unique. Fils qu'il procréa uniquement dans ce but.
Ce film est complexe à pitcher sans trop en dire, et à décrire aussi.
Il y a d'abord un écrin: sa forme. Le rythme parfait, du chapitrage du film, sept strophes qui racontent quelque chose de la vie et de l'histoire; mais aussi bizarrement une bande son qui nous amène presque à la méditation. La photographie est belle, avec une composition d'images très réfléchie qui parfois peut sembler minimaliste, mais qui est toujours juste. La scène du crime qui engendrera la vendetta en est un parfait exemple. Ces enfants aux bouilles angéliques avec leur professeur, les visages joueurs des enfants, les yeux perdus de l'enseignant. Puis des poussières dans un rayon de lumière, un reflet... peu de choses pour nous parler de l'horreur. Mais c'est efficace. Parfois la photographie est juste magique on avance dans l'histoire,plus le film devient onirique et organique.

L'histoire marche sur deux jambes décrites des le début du scénario

Le rapport père-fils et l'impacte des choix des pères sur leurs garçons, sur ce qu'ils deviennent et comment ils deviennent. Ceci mis en exergue par les mères du film absente, fusionnelle, ou en deuil... allant jusqu'à celle qui sacrifiera sa potentielle maternité dans un but précis. 
Et sur un autre plan la poésie, comme pendant, toujours présente et parallèle. Art à chérir et protéger. Et pendant tout le film, l'un prendra le pas sur l'autre chacun son tour. Formant en ying et un yang qui deviendront une entité unique.

Ce film brasse de nombreux thèmes pas seulement celui d'une vengeance dont on hérite et qui vous détruit,
voire de la parentalité. Mais aussi une perception biaisée du handicap, l'utilisation et la perception des concubines et de la polygamie au milieu du XXe siècle, l'exode en république soviétique.....
le casting est majoritairement fait d'inconnus qui sont très convaincants dont un joueur de hockey apparenté à Bruce lee.
Si ce film est arrivé jusqu'à nous grâce à la world cinema foundation, une fondation fondée par Martin Scorcese qui a pour but de restaurer les films ignorés et négligés.

Ce film est rare, c'est un filtre d'amour du cinéma. Un petit miracle, une rencontre magique qui réveille notre curiosité et notre envie de découvrir et de voir des films différents.

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