Le Boucher
LE BOUCHER
de Claude Chabrol
Lors
du mariage de l'instituteur du village et d'une fille du pays, le
boucher tout juste démobilisé après des années à servir comme
soldat pendant les guerres d'Indochine et d'Algérie, fait
connaissance de la femme qui est à coté de lui. Hélene est la très jeune directrice de l'école du village, elle est indépendante et
semble tout de suite fasciner Paul. Quelques jours après leur
quotidien paisible est secoué par des meurtres de femmes, qui se
produisent aux alentours de leur tout petit village périgourdin.
J'essaye
d'éviter au maximum les spoilers, mais ici je pense qu'il sera
facile de lire entre les lignes. Soyez prévenu si vous n'avez pas
vu ce long métrage
Ce
film est un petit bijou du cinéma français. Lorsque j'ai fait des
recherches sur lui, j'ai trouvé de nombreuses occurrences qui le
classaient des tops de films.
Il
est au premier abord un thriller de très bonnes facture. Dans la
petite bourgeoisie périgourdine de la fin des années 70, un
meurtrier rode. Claude chabrol arrive avec aisance à créer une
ambiance à la fois sereine voire bucolique, et à instiller
l'inquiétude peu à peu par petites doses, voire même à désigner
un coupable jusqu'à un climax qui ajoute un aspect psychologie
intense.
Il
faut dire que l'homme est maître en son domaine. Sa caméra virevolte
autour de ses sujets avec maestria, lors de longs plans séquences
elle est le marqueur de la relation qui s'affirme entre Paul et
Hélène, lors d'un travelling circulaire elle est le témoin d'un
cadeau extraordinaire, en plongé et entre contre plongée, elle
rebat les cartes et on perd de vue qui est le gentil et le méchant,
ou encore l'objectif fixé sur le bouton d'un ascenseur, elle nous
coupe le souffle. La liste est loin d’être exhaustive mais l'aisance
avec laquelle le réalisateur dessine le film, et le montage créé
une ambiance irréaliste d'une sérénité antinomique avec la
présence d'un serial killer dans les parages.
Ambiance
à l'écran mais aussi lors du tournage, de nombreux habitants de ce
village ont été enrôlés dans le film, comme figurants ou avec de
petits rôles. Le tournage s'est si bien déroulé qu'il est dédié à
ces villageois.
Tout
cela met le spectateur dans une situation paradoxale. Il est à la
fois sur le qui vive et aussi absolument détendu.
De
nombreux thèmes sont abordés, qui sont toujours d'actualité
aujourd'hui.
Autour
d'Hélène, sont déclinés ceux de l'indépendance de la femme, le
droit de choisir d'avoir ou pas une sexualité, d'avoir des amis, d’être en responsabilité, d’être belle à se damner, et peut être le
plus perturbant de parler ou pas, si elle a des doutes.
Autour
des hommes, ils sont trois l'inspecteur, le maître d'école, et Paul.
Il transpire un problème d'adaptations aux temps qui changent. Le
policier en fait trop, soucieux de montrer sa supériorité, il parle
fort, met des réponses dans ses questions, personne ne lui parle car
personne ne peut lui parler. Le maître d'école est l'opposé, il est
effacé et interagit avec Hélène comme un enfant avec son institutrice.
En 1970 il était évident que les tueurs en
série n'étaient pas français. On avait remisé les landru et
autres tueurs de cette espèce bien loin. Ce n'était qu'une
spécialité américaine. Et au cas où l'on devait le mettre en
scène ce ne serait que dans une grande ville. Le contre pied ici est
total.
Ensuite
ici on parle de ce que certains appelleront les troubles post
traumatique des soldats revenus de la guerre. Et ce que les guerres
dites coloniales avec leurs lots d'horreurs justifiées et ordonnées
par l'état, avaient pu faire sur un terreau fragile et sur une
personne violentée par ses parents jusqu'à ce qu'il prenne les
armes.
Stéphane Audran est formidable, hypnotique de beauté et charismatique en
diable. Elle est toujours extraordinaire. Et ici elle tient la barre
fièrement et fait face au monstre Jean Yann. Il bouffe l'écran,
l'aspire et nous amène avec lui , où il veut comme il le veut.
Si
je dois être franche et parler de ce que ce film a provoqué chez
moi, je dirai qu'il a eu un écho incroyable. Alors que je n'ai pas
connu cette période, les habits,
les couleurs , les papiers peints.
Paul, sa chemise rouge et son tablier immaculé m'a violemment ramené
à l'image de mon père qui fut boucher. Sa manière de parler au
coin de la vitrine, les étales, les papillotes pour décorer... j'ai même cru que j'allais sentir l'odeur des frigos et son odeur à lui
si je me jetais dans ses bras.
J'ai
aimé ce film, peut être pour des mauvaises raisons. J'ai eu une
empathie incroyable pour Paul et j'ai du grâce à ça comprendre
toutes les décisions d'Hélène. Ce qui n'a pas été le cas du key
maker de ce blog, même si ça ne l'a pas empêché de l'aimer. Si
vous avez l'occasion rentrer dans cet univers.
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