Le Boucher

by - mars 15, 2019


LE BOUCHER
de Claude Chabrol


Lors du mariage de l'instituteur du village et d'une fille du pays, le boucher tout juste démobilisé après des années à servir comme soldat pendant les guerres d'Indochine et d'Algérie, fait connaissance de la femme qui est à coté de lui. Hélene est la très jeune directrice de l'école du village, elle est indépendante et semble tout de suite fasciner Paul. Quelques jours après leur quotidien paisible est secoué par des meurtres de femmes, qui se produisent aux alentours de leur tout petit village périgourdin.

J'essaye d'éviter au maximum les spoilers, mais ici je pense qu'il sera facile de lire entre les lignes. Soyez prévenu si vous n'avez pas vu ce long métrage

Ce film est un petit bijou du cinéma français. Lorsque j'ai fait des recherches sur lui, j'ai trouvé de nombreuses occurrences qui le classaient des tops de films.
Il est au premier abord un thriller de très bonnes facture. Dans la petite bourgeoisie périgourdine de la fin des années 70, un meurtrier rode. Claude chabrol arrive avec aisance à créer une ambiance à la fois sereine voire bucolique, et à instiller l'inquiétude peu à peu par petites doses, voire même à désigner un coupable jusqu'à un climax qui ajoute un aspect psychologie intense.
Il faut dire que l'homme est maître en son domaine. Sa caméra virevolte autour de ses sujets avec maestria, lors de longs plans séquences elle est le marqueur de la relation qui s'affirme entre Paul et Hélène, lors d'un travelling circulaire elle est le témoin d'un cadeau extraordinaire, en plongé et entre contre plongée, elle rebat les cartes et on perd de vue qui est le gentil et le méchant, ou encore l'objectif fixé sur le bouton d'un ascenseur, elle nous coupe le souffle. La liste est loin d’être exhaustive mais l'aisance avec laquelle le réalisateur dessine le film, et le montage créé une ambiance irréaliste d'une sérénité antinomique avec la présence d'un serial killer dans les parages.

Ambiance à l'écran mais aussi lors du tournage, de nombreux habitants de ce village ont été enrôlés dans le film, comme figurants ou avec de petits rôles. Le tournage s'est si bien déroulé qu'il est dédié à ces villageois.
Tout cela met le spectateur dans une situation paradoxale. Il est à la fois sur le qui vive et aussi absolument détendu.

De nombreux thèmes sont abordés, qui sont toujours d'actualité aujourd'hui.
Autour d'Hélène, sont déclinés ceux de l'indépendance de la femme, le droit de choisir d'avoir ou pas une sexualité, d'avoir des amis, d’être en responsabilité, d’être belle à se damner, et peut être le plus perturbant de parler ou pas, si elle a des doutes.

Autour des hommes, ils sont trois l'inspecteur, le maître d'école, et Paul. Il transpire un problème d'adaptations aux temps qui changent. Le policier en fait trop, soucieux de montrer sa supériorité, il parle fort, met des réponses dans ses questions, personne ne lui parle car personne ne peut lui parler. Le maître d'école est l'opposé, il est effacé et interagit avec Hélène comme un enfant avec son institutrice.

La puissance novatrice de ce récit est ailleurs.
 En 1970 il était évident que les tueurs en série n'étaient pas français. On avait remisé les landru et autres tueurs de cette espèce bien loin. Ce n'était qu'une spécialité américaine. Et au cas où l'on devait le mettre en scène ce ne serait que dans une grande ville. Le contre pied ici est total.
Ensuite ici on parle de ce que certains appelleront les troubles post traumatique des soldats revenus de la guerre. Et ce que les guerres dites coloniales avec leurs lots d'horreurs justifiées et ordonnées par l'état, avaient pu faire sur un terreau fragile et sur une personne violentée par ses parents jusqu'à ce qu'il prenne les armes.
Stéphane Audran est formidable, hypnotique de beauté et charismatique en diable. Elle est toujours extraordinaire. Et ici elle tient la barre fièrement et fait face au monstre Jean Yann. Il bouffe l'écran, l'aspire et nous amène avec lui , où il veut comme il le veut.

Si je dois être franche et parler de ce que ce film a provoqué chez moi, je dirai qu'il a eu un écho incroyable. Alors que je n'ai pas connu cette période, les habits,
les couleurs , les papiers peints. Paul, sa chemise rouge et son tablier immaculé m'a violemment ramené à l'image de mon père qui fut boucher. Sa manière de parler au coin de la vitrine, les étales, les papillotes pour décorer... j'ai même cru que j'allais sentir l'odeur des frigos et son odeur à lui si je me jetais dans ses bras.

J'ai aimé ce film, peut être pour des mauvaises raisons. J'ai eu une empathie incroyable pour Paul et j'ai du grâce à ça comprendre toutes les décisions d'Hélène. Ce qui n'a pas été le cas du key maker de ce blog, même si ça ne l'a pas empêché de l'aimer. Si vous avez l'occasion rentrer dans cet univers.

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