La Château Ambulant
LE CHATEAU AMBULANT
de Hayao Miyazaki
Sophie
est une jeune chapelière, elle a hérité de la boutique de son
père. Un jour alors que les jeunes femmes travaillant avec
elles partent voir un défilé avec sa mère, toutes en plumes et en
toilettes somptueuses. Sophie, elle préfère finir son travail.
Lorsqu'elle sort pour retrouver sa sœur, elle fait
une étrange rencontre
Ce
film est celui que j'ai le plus aimé de Miyazaki. Je le trouve d'une
créativité foisonnante, d'un esthétisme bouleversant, et avec un
discours qui me parle. C'est bien simple j'ai l'impression qu'Hayao
Miyazaki l'a dessiné pour moi (moment d’ego hypertrophié qui va de
paire avec mon statut de blogueuse)
Ce
film brasse trois thèmes principaux.
D'abord
l'apparence, l'image que l'on a de nous même et sur ce qu'elle amène
dans nos vie .
Arrêtons-nous
sur le sort qui frappe Sophie. Cette jeune fille, toute mignonne est très peu sure d'elle, se révèle lorsque son corps devient celui
d'une vieille femme. Elle n'a plus peur de rien, elle s'impose, et se
libère. Sans rien vous spoiler, on s'aperçoit que jamais le sort
n'est levé en tant que tel, c'est Sophie, qui se libère. Moins elle
pense à ce que renvoie son corps, moins son avis est rude sur elle,
plus elle s'oublie, happée par sa réalité plus elle redevient
Sophie. Ce qui explique que lorsqu'elle dort, sa physionomie
originelle revient. Et que Hauru est parfaitement conscient de ce
qu'elle traverse, sans jamais le dire. Au final elle ne redeviendra
pas l'ancienne Sophie, elle est une nouvelle personne qui ne se
positionne plus en fonction de se qu'elle pense de son physique.
Hauru
et Sophie partagent d'ailleurs ce changement physique, et le risque
de rester bloquer dans une autre apparence. Hauru n'a pas peur de
cette transformation, alors qu'il est extrêmement pointilleux sur son aspect
physique. Il y a une scène autour de son changement de couleurs de
cheveux très drôle, et assez étonnante. Changement de couleur qui
prendra tout son sens à la fin de ce film. Car ce personnage aussi
revient à ce qu'il était, et se recréer.
Une
scène restera longtemps en moi, comme un marqueur de ce qu'est
l'importance de ce que l'on renvoie . Sophie et Marko (tout jeune
garçon jouant les apprentis de Hauru) partent faire des courses.
Sophie ressemble donc à une vielle dame. Et Marko porte une cape
magique qui le fait ressembler un vieillard avec une longue barbe.
Ce sont deux enfants et personne ne le sait, personne ne le devine, et
tout le monde interagit avec eux, avec le respect du aux aînés.
J'ai
lu ici et là des critiques sur l'écriture des personnages
secondaires que l'on pensait trop esquissés. J'ai trouvé ça intéressant, car j'avoue ne pas avoir eu ce sentiment, pour moi dans
ce film ce qui n'est pas explicité doit se jauger sur l'apparence et
ce qu'il renvoi. C'est l'image qu'en a Sophie.
Je
terminerai en soulignant que Miyazaki joue tout le long du film sur
l'apparence Calcjfer, la sorcière des landes, le roi et finalement même le château ambulant... tout n'est question que de reflet.
Ensuite
il y a tout un chapitre sur aimer et la place que l'on accorde à son
cœur.
Avant
tout c'est un film qui concerne des adultes ou de jeunes adultes,
donc oui il y a une charge sensuelle qui n'est pas habituelle chez
Miyazaki, qui est totalement légitimée par les personnages. mais
aussi par ce que je disais du travail sur l'apparence. Le corps prend
toute la place qui lui est accordée. Comme celui de Sophie qui
habite de plus en plus sa robe, grâce au travail de Miyazaki. Son
corps se redresse, elle a un port de tète de plus en plus fier. De même pour Hauru, qui est créé pour être attirant, et dont on apercevra
les fesses dans une scène rigolote. La manière dont ils
s'étreignent, dont ils s’enlacent sont celles d'adultes et sont
évoquées avec délicatesse
Le
foyer, le cœur de sa maison, qui ici est représenté par Calcifer.
Ce petit personnage si attachant est la force de la maison. Mais pas
seulement. La narration intelligente nous fait découvrir toute son
importance, au fil du film. Et la métaphore que je me refuse de
divulguer prend toute son importance et nous éclate au visage, nous
mettant face à notre réalité.
Puis
il y a le cœur et l'amour, avec cette magnifique phrase «un cœur
c'est lourd a porté». Et je me mets à penser que ce film, est
comme les chansons d'amour, il prend tout son sens une fois que vous êtes amoureux. Ce n'est que par la magie du key maker de ce blog que
je comprends le poids d'un cœur, sa décision de se battre et le
pourquoi il la prend, les raisons pour lesquelles il installe son
château pour Sophie à tel endroit, ou quand il le réaménage. Je
comprends ce qu'il voit en elle, tout comme ce qu'elle voit en lui.
Je comprends aussi l'évidence que perçoit la sorcière des landes.
Ce film est pour moi celui qui parle le mieux de ce qu'est l'amour
quand on est une personne peu sure d'elle. Et de la force qu'il
apporte.
La
guerre est souvent évoquée d'une manière ou d'une autre dans
l'oeuvre du maître, mais ici il écrit un vrai pamphlet contre elle.
Il n'en dessine pas les contours, ne cherche pas les tenants ou les
aboutissants. Il n'y a pas vraiment de cause, chaque partie veut un
magicien, chacun à ses sales secrets. Il y a un gros travail sur les
bombardiers. Ils sont différents mais le spectateur n'a pas la
possibilité de savoir de quel coté ils sont. Dans ce marasme, ils
semblent presque s'allier pour tuer les civiles à terre.
Le
plus impressionnant est le travail sur la forme de ces bombardiers,
ils ressemblent énormément à des dirigeables et pourtant Miyazaki
leur donne une forme quasi animale en utilisant des ailerons qui
ressemblent à des pattes de tortues. Et de leurs manières de
lancer des bombes, toujours filmées en contre plongée, et qui
donnent juste l'impression qu'ils défèquent ces saletés de bombes.
Ils deviennent juste des animaux qui sèment la mort.
Le
film a une esthétique parfaite.
Le château est un bonbon entre steampunk
et féerie, j'ai mis longtemps à m'apercevoir qu'il avait une forme
de cœur « anatomique », et que sa manière de bouger
pouvait faire penser à une pompe. C'est extrêmement bien fait.
J'ai
adoré toute la réflexion sur les costumes, l'apparence,sur les
couleurs de cheveux c'est somptueux. Miyazaki a rajouté une touche
d'infographie, ce qui permet un rendu très différent sur les cheveux
qui volent au vent, mais quelque chose d'assez incroyable au niveau
des plumages par exemple, vous avez presque l'impression que vous
pouvez toucher la texture de chaque plume.
Les
tableaux sont tous sublimes, les paysages sont beaux à s'en crever
les yeux. Vous avez envie de vous asseoir avec Sophie pour regarder
ces paysages sereins et tout oublier.
Je
finirai de me pâmer sur l'esthétique de ce film en vous parlant d'un
champs de fleurs que je ne veux pas trop vous situer pour que vous
ayez la surprise. Certains d'entre vous savent que je peins, j'avoue
avoir été émerveillée par les plans de ce champs. J'avoue avoir
eu envie d’arrêter le film pour pouvoir admirer chacune de ces
fleurs, chacune unique. Et je trouve que c'est à l'image de tout ce
film.
Je
sais que ce film est loin d’être le plus aimé de Miyazaki. Je n'ai
pas envie de trop analyser pourquoi, ce qui me porte est que cette
œuvre est une ode au pacifisme, à l'acceptation et à l'amour. Je
suis à peu près sure que je découvrirai d'autres choses lorsque je
le reverrai. Je ne suis pas certaine par exemple d'avoir percé tous
les secrets de Marko. Ce conte fut un charme, un moment suspendu dans
le temps.
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