After The Storm
AFTER THE STORM
de Hirokazu Kore-Eda
After
the storm a une histoire assez singulière. L'histoire germe dans
l'esprit de Kore-eda en 2001 alors qu'il rend visite à sa mère.
Après la mort de son mari, elle a décidé de s'installer dans un ensemble d'appartements. puis cette idée a pris du temps pour cheminer.
Si ce
film est sorti après, il a été filmé quelques mois avant notre
petite sœur, et bien que sur
un ton totalement différent il prouve à quel point le réalisateur maîtrise tous ses sujets.
À quelques jours du passage d'un typhon, Ryota décide d'aller
rendre visite à sa mère qui vit dans un petit immeuble, et qui gère
avec bonne humeur et joie de vivre le deuil de son mari. Un mari qui
fut un père aux talents mitigés, joueur invétéré, et un époux difficile à vivre. Ses enfants passent la voire régulièrement, lui
mentant plus ou moins sur leurs réalités. Surtout ce fils, qui il y
a quelques années a gagné un prestigieux prix littéraire, et qui
gagne, aujourd'hui en étant détectives privés, l'argent
qu'il joue
aux courses et qu'il perd le laissant dans l'impossibilité de payer
la pension alimentaire ou d'acheter un gant de base ball à son fils
de onze ans.
Même
si ce n'est jamais présenté comme cela, vu de mon bout de nez, ce
film ressemble à une fin alternative à Still Walking. D'abord
car Hirokazu Kore-eda décide d'utiliser les mêmes acteurs centraux
dans la même position. Kirin Kiki est à nouveau la mère, ici
libérée d'un mariage qui lui pesait, elle profite de ce que la vie
lui donne chaque jour. Et son fils s'appelle toujours Ryota et
encore joué par Hiroshi Abe. Ici il est moins fin, plus au bout du
rouleau, et traverse une période où il doit faire des choix. Par
exemple choisir de s'investir dans une collaboration avec une mangaka
à la carrière fleurissante, ou être un détective à la petite
semaine. Ils sont tous les deux aussi spectaculaires que dans Still Walking, mais leur relation plus tendre est moins rigide et codifiée
qu'elle pouvait l’être dans Still Walking. Kirin Kiki est encore
plus formidable dans cette position, et sa conversation en tète à tète avec son petit fils est un des moments les plus émouvants du
film. Hiroshi Abe prouve quant à lui l'étendu de son talent, et la
finesse avec laquelle il peut faire passer les choses sans avoir à
les expliciter.
Autre point communs entre ces deux film, ils sont les deux seuls
films dans l'oeuvre de Kore-eda a avoir pour titre en japonais ceux
de chansons pop et old school. Le titre original qui est Umi yori mo
mada fukak se traduirait par plus profond que l'océan. Et comme dans
le précédent film il fait écho à l'histoire et souligne une
partie de la vie des personnages.
Kore-eda
récite son cinéma, ses lumières naturelles sont extra ordinaires.
Les cadres sont peut être encore plus audacieux que d'habitude, avec
des plans plein de poésie, comme certains qui illustrent
parfaitement un homme qui se perd. Les appartements qui remplacent
les maisons sont les clefs de compréhension des personnes, par
exemple le personnage de la sœur est la seule qu'on ne voit pas dans
son chez elle. Et elle est la personne la plus difficile à cerner,
elle a une perspicacité extraordinaire et doit gérer le paradoxe
amour familial, et les faiblesse de ces gens. Car ici, et plus que
dans n'importe quel autre film de ce réalisateur les objets sont des
grilles de lecture des personnages. C'est par exemple la collection
de produit tuperware de la mère, au bordel sans nom de l'appartement
de notre personnage central et finalement jusqu'à un encrier.
La
paternité à un rôle important dans ce film. Il est un thème
récurant dans l'oeuvre du réalisateur, mais c'est aussi le marqueur
de l'évolution de l'homme derrière la caméra. Ce n'est pas anodin,
si certains, sont prompts à conseiller aux parents de couper les
liens avec la belle famille pour l'ex femme de Ryota; ou à ce
dernier de cesser d'avoir des contacts avec son fils pour lui. Comme
une facilité, ou un objet dont on ce serait lassé. Et malgré
toutes les maladresses de ce dernier, l'ex couple fait preuve d'une
intelligence et d'un amour constant.
Mais
ce n'est qu'un point, très important de l'histoire mais pas le
principal. Kore-eda répond même à la question qui a tarauder la
majorité de sa filmographie «survivons-nous à nos rêves d'enfants». Dans des interviews le réalisateur explique qu'il
voulait se pencher sur ces hommes qui pourchassent leurs passés,
leurs réussites, leurs ambitions et qui finissent par perdent leur
quotidien. Il y a une analyse intéressante même si je ne suis
pas sure d'y souscrire totalement à propos de la différence entre
les femmes et les hommes faces à leurs passés et leurs futurs, le
tout imagé par une jolie métaphore sur la peinture à huile.
Il
est bon aussi de remarquer la place particulière dans les films de
ce réalisateur des « talents qui éclosent tardivement» qui
sont souvent des artistes qui ont beaucoup de mal à être sur le même rythme que leur famille, mais qui sont des gens très aimant.
Ce film est une œuvre aboutie, maîtrisée, douce et suave, qui
donne envie de regarder le futur avec bienveillance. Sa sortie en
salle lui a donné la place ingrate du film entre deux de mes
préférés. Évidemment il me séduit un tout petit peu moins, mais
quel plaisir de le voir.
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