After The Storm

by - novembre 08, 2018

AFTER THE STORM
de Hirokazu Kore-Eda

After the storm a une histoire assez singulière. L'histoire germe dans l'esprit de Kore-eda en 2001 alors qu'il rend visite à sa mère. Après la mort de son mari, elle a décidé de s'installer dans un ensemble d'appartements. puis cette idée a pris  du temps pour cheminer. 
Si ce film est sorti après, il a été filmé quelques mois avant notre petite sœur, et bien que sur un ton totalement différent il prouve à quel point le réalisateur maîtrise tous ses sujets.

À quelques jours du passage d'un typhon, Ryota décide d'aller rendre visite à sa mère qui vit dans un petit immeuble, et qui gère avec bonne humeur et joie de vivre le deuil de son mari. Un mari qui fut un père aux talents mitigés, joueur invétéré, et un époux difficile à vivre. Ses enfants passent la voire régulièrement, lui mentant plus ou moins sur leurs réalités. Surtout ce fils, qui il y a quelques années a gagné un prestigieux prix littéraire, et qui gagne, aujourd'hui en étant détectives privés, l'argent
qu'il joue aux courses et qu'il perd le laissant dans l'impossibilité de payer la pension alimentaire ou d'acheter un gant de base ball à son fils de onze ans.
Même si ce n'est jamais présenté comme cela, vu de mon bout de nez, ce film ressemble à une fin alternative à Still Walking. D'abord car Hirokazu Kore-eda décide d'utiliser les mêmes acteurs centraux dans la même position. Kirin Kiki est à nouveau la mère, ici libérée d'un mariage qui lui pesait, elle profite de ce que la vie lui donne chaque jour. Et son fils s'appelle toujours Ryota et encore joué par Hiroshi Abe. Ici il est moins fin, plus au bout du rouleau, et traverse une période où il doit faire des choix. Par exemple choisir de s'investir dans une collaboration avec une mangaka à la carrière fleurissante, ou être un détective à la petite semaine. Ils sont tous les deux aussi spectaculaires que dans Still Walking, mais leur relation plus tendre est moins rigide et codifiée qu'elle pouvait l’être dans Still Walking. Kirin Kiki est encore plus formidable dans cette position, et sa conversation en tète à tète avec son petit fils est un des moments les plus émouvants du film. Hiroshi Abe prouve quant à lui l'étendu de son talent, et la finesse avec laquelle il peut faire passer les choses sans avoir à les expliciter.
Autre point communs entre ces deux film, ils sont les deux seuls films dans l'oeuvre de Kore-eda a avoir pour titre en japonais ceux de chansons pop et old school. Le titre original qui est Umi yori mo mada fukak se traduirait par plus profond que l'océan. Et comme dans le précédent film il fait écho à l'histoire et souligne une partie de la vie des personnages.

Kore-eda récite son cinéma, ses lumières naturelles sont extra ordinaires. Les cadres sont peut être encore plus audacieux que d'habitude, avec des plans plein de poésie, comme certains qui illustrent parfaitement un homme qui se perd. Les appartements qui remplacent les maisons sont les clefs de compréhension des personnes, par exemple le personnage de la sœur est la seule qu'on ne voit pas dans son chez elle. Et elle est la personne la plus difficile à cerner, elle a une perspicacité extraordinaire et doit gérer le paradoxe amour familial, et les faiblesse de ces gens. Car ici, et plus que dans n'importe quel autre film de ce réalisateur les objets sont des grilles de lecture des personnages. C'est par exemple la collection de produit tuperware de la mère, au bordel sans nom de l'appartement de notre personnage central et finalement jusqu'à un encrier.
La paternité à un rôle important dans ce film. Il est un thème récurant dans l'oeuvre du réalisateur, mais c'est aussi le marqueur de l'évolution de l'homme derrière la caméra. Ce n'est pas anodin, si certains, sont prompts à conseiller aux parents de couper les liens avec la belle famille pour l'ex femme de Ryota; ou à ce dernier de cesser d'avoir des contacts avec son fils pour lui. Comme une facilité, ou un objet dont on ce serait lassé. Et malgré toutes les maladresses de ce dernier, l'ex couple fait preuve d'une intelligence et d'un amour constant.
Mais ce n'est qu'un point, très important de l'histoire mais pas le principal. Kore-eda répond même à la question qui a tarauder la majorité de sa filmographie «survivons-nous à nos rêves d'enfants». Dans des interviews le réalisateur explique qu'il voulait se pencher sur ces hommes qui pourchassent leurs passés, leurs réussites, leurs ambitions et qui finissent par perdent leur quotidien. Il y a une analyse  intéressante même si je ne suis pas sure d'y souscrire totalement à propos de la différence entre les femmes et les hommes faces à leurs passés et leurs futurs, le tout imagé par une jolie métaphore sur la peinture à huile.
Il est bon aussi de remarquer la place particulière dans les films de ce réalisateur des « talents qui éclosent tardivement» qui sont souvent des artistes qui ont beaucoup de mal à être sur le même rythme que leur famille, mais qui sont des gens très aimant.

Ce film est une œuvre aboutie, maîtrisée, douce et suave, qui donne envie de regarder le futur avec bienveillance. Sa sortie en salle lui a donné la place ingrate du film entre deux de mes préférés. Évidemment il me séduit un tout petit peu moins, mais quel plaisir de le voir.



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