19801980 - 1989Akira KurosawaAsieCritiqueDaisuke RyuHideji OtakiJinpachi NezuKen'ichi HagiwaraTakashi ShimuraTatsuya NakadaiTsutomu Yamazaki
Kagemusha
En
1965, Akira Kurosawa sort certainement mon film préféré le
concernant, il s'agit de l'excellent « Barberousse » !
Un film magnifique sur la vie d'un apprenti médecin et de son
maître, dans une clinique pour personnes en difficultés. Le
réalisateur fait preuve d'un grand talent, déroule ces thèmes et
réalise un film profondément humain. Hélas c'est aussi la fin
d'une ère, celle du contrat d'exclusivité avec la Toho, celle de sa
collaboration avec Toshiro Mifune et surtout c'est le milieu de sa
carrière, une carrière qui s'annonce désormais plus compliqué. La
télévision à désormais le vent en poupe et fait plus d'audience
que le cinéma, de ce fait les revenus des studios baissent et ils
sont de moins en moins enclin à financer les gros projets
qu'affectionnent Kurosawa. La décennie qui suivra sera assez
difficile pour lui !
Les
USA lui tendent les bras avec appétit, mais rien ne se passera
jamais comme prévu, son premier projet ne verra le jour que vingt
ans plus tard , tandis que « Tora, Tora, Tora » le
marquera profondément, par la violence de l'implacable machine
hollywoodienne. Puis vint le retour au Japon, avec son premier film
en couleur, le touchant « Dodes'kaden »(1970), qui fut
un échec, malgré le bon accueil qui lui fut réservé à
l'étranger. Après une tentative de suicide en 1971, Akira Kurosawa
se relance en Russie avec « Derzou Ousala » (1975) avec
un oscar du meilleur film en langue étrangère, avant de devoir
faire appel à un certain George Lucas et Francis Ford Coppola pour
finir de produire son film, l'imposant « Kagemusha » !
« En
1573, le Japon est le théâtre de guerres incessantes entre clans
rivaux. Le plus puissant de ces clans est commandé par Shingen
Takeda. Au cours du siège du château de Noda, Takeda est blessé à
mort par un tireur embusqué. Pour éviter que son clan perde de sa
cohésion dans des luttes intestines, Shingen demande que sa mort
reste cachée pendant trois ans. Un ancien voleur, épargné pour sa
ressemblance avec le seigneur de la guerre, fait alors office de
doublure avec la complicité des généraux, afin de duper leurs
nombreux ennemis à l'affût. »
Avec
« Ran » qui sortira 5 ans plus tard (Et que je vous
conseille fortement), « Kagemusha » fait partie des deux
grandes épopées de son créateur et même si je préfère le
premier nommé, ce dernier n'en est pas moins excellent ! Un
jidai-geki ambitieux, avec des thèmes forts, mais surtout une
volonté de s'interroger sur l'héritage que l'on laisse lègue et
qu'elle trace il en restera !
A
contrario de « Ran » qui s'inspire du « Roi Lear »
de Shakespeare, le scénario du film va prendre ses racines dans la
culture japonaise, notamment la période Sengoku, une époque
relativement instable et riche en conflit. Pour cela Akira Kurosawa
retrouve Masato Ide, l'un des brillants scénaristes qui l'avait
accompagné sur « Barberousse » et ensemble ils
s’intéressent au personnage historique de « Takeda
Shingen », à sa mort et à « La Bataille de Nagashino ».
Notamment sur la période qui suit son décès et sur l'utilisation
d'une « doublure », d'un « Kagemusha » pour
donner le change vis a vis des autres seigneurs. On découvre au
début, le seigneur avec ses fils, débattant sur un individu qui
pourrait être la doublure idéale, et cela malgré son comportement.
C'est une décision très dure à prendre, mais lorsque le seigneur
est touché, le temps presse car l'une de ces dernières volontés
c'est d'attendre trois ans, avant d'annoncer sa mort ! Une
manœuvre essentielle pour préserver son clan des querelles et des
trahisons.
Mais
l'essentiel n'est pas là, car avec la figure du « Kagemusha »,
le réalisateur nous donne la chance de vivre une seconde fois !
La doublure de « Takeda Shingen » symbolise la vie
qu'aurait pu avoir son seigneur, une vie sans conflit, ou il aurait
pus s'occuper des siens, de ses fils et de son petit fils. Une vie
joyeuse, loin du terrible chef de guerre qu'il était. Avant de
basculer sur le plus terrible, voir l’œuvre d'une vie se
désagréger sous ses yeux. Et très honnêtement comment ne pas voir
Akira Kurosawa, s'interroger sur lui, sur son œuvre, sa vie et son
héritage. « Kagemusha » n'est pas que le double du
personnage de « Takeda Shingen », mais aussi celui de son
réalisateur, qui trouve ici un terrain idéal pour s'exprimer et
laisser s'épanouir ses thèmes de prédilections, particulièrement
celui du « double » !.
On
retrouve dans ce film, le même intérêt que le réalisateur à pour
la couleur et que l'on pouvait voir dans « Dodes'kaden ».
Une richesse picturale que le film nous transmet avec la générosité
propre au réalisateur, c'est à la fois riche, expérimental et
détaillé, un œil qui fascine et qui nourrit à coup sur la
direction artistique de « Kagemusha » ! Que cela
soit les décors majestueux, en passant aux costumes de Seiichiro
Hagakusawa, le film respire la tradition et l'authenticité, de plus
le travail de la lumière (Takao Saito) est fabuleux. Un détail à
ne pas négliger pour un film de ce genre. Et Akira Kurosawa en
profite pour livrer une magnifique fresque, presque épuisante dans
sa version d'origine (180 min) et qui laisse la part belle aux
intrigues de pouvoirs dans un premier temps, avant de la
contemplation, jusqu'aux batailles, avec un rythme assez calme, ou
l'on profite autant de la musique de Shinishiro Ikebe, que des plans
larges sublimes, des demeures et autres paysages; avant de laisser
place à la fureur des guerriers, notamment lors de la dernière
bataille qui est dantesque et tragique à la fois.
Quant
au casting, il est impeccable ! On notera la dernière
apparition de Takashi Shimura dans un film de Akira Kurosawa, hélas
coupée de la version internationale. On trouve ensuite Tsutomu
Yamazaki dans le rôle de Nobukado Takeda, Ken'ichi Hagiwara dans
celui de Katsuyori Takeda,les fils de Takeda Shingen ! Deux
acteurs qui en imposent et livrent une belle performance. Puis il y a
aussi Jinpachi Nezu, Hideji Otaki ou encore Daisuke Ryu dans le rôle
de Nobunaga Oda. Mais celui qui porte tout cela, c'est Tatsuya
Nakadai ! Un acteur talentueux, à l'aise avec un sabre, qui ici
joue deux rôles, celui de « Takeda Shingen » et celui du
« Kagemusha ». Et c'est une bénédiction pour lui, car
on peut voir l'étendu de sa palette de jeu, qui est aussi bon dans
l'un que dans l'autre. On passe d'un personnage puissant, fort et
autoritaire, à quelqu'un de plus frêle, plus couard et lâche, que
l'acteur s'approprie à chaque fois, pour composer deux performances
hautes en couleurs, expressives et surtout irréprochable.
Kagemusha - 26 Avril 1980 - Réalisé par Akira Kurosawa |
0 commentaires