Dans la chaleur de la nuit
DANS LA CHALEUR DE
LA NUIT
de Norman Jewison
La
première fois que j'ai entendu parler de ce film, c'est dans
l'excellent I am not your negro.
On y racontait combien l’accueil de ce film, qui est bardé de
récompenses, et est un plaidoyer contre la crétinerie et l'horreur
de la ségrégation, fut mitigé de la part de la population afro
américaine. Du coup je ne savais pas trop à quoi m'attendre en le
regardant, et je pense que s'il ne nous avait pas été conseillé
on ne lui aurait pas donné sa chance.
Ce
film est avant tout un thriller, de facture correcte mais déjà vu.
Une personnalité est tuée. La police locale n'est pas de taille à
mener l’enquête. Le vieux flic du coin, qui a un gros problème de
testostérone se retrouve a faire équipe avec le petit jeune bien
plus intelligent que lui. Ils ne s'aiment pas, mais chacun fera
évoluer l'autre. Le postulat est simple et lisible. Et ici, c'est
logique, car l'histoire est le vecteur voire le révélateur d'autres
enjeux. Cependant elle n'est jamais oubliée ou reléguée au un
second plan, elle n'est pas très compliquée dans sa forme pour
qu'on ne puisse pas oublier ce dont ce film parle. Néanmoins on ne
devine pas qui est le coupable dans les premières minutes, loin s'en
faut, la révélation de la fin m'a beaucoup étonnée. C'est très
équilibré, et extrêmement bien pensé.
En
effet le scénario nous
montre la ségrégation appliquée au quotidien.
Pas une séquence ne nous démontre pas quelque chose. Les premières
nous expliquent comment un homme afro-américain est forcément
suspect, et lorsqu'il est reconnu on remet toujours en doute ses
capacités. La scène de l'examen du corps par Virgil est tellement
édifiante qu'elle en est drôle. Et si on le considère pour l'homme
qu'il est il devient une cible voire un bouc émissaire. Rajouter à
cela la violente condescendance de presque tous les blancs et le
portrait est complet.
Mais ce film se nuance. On s’aperçoit que des gens comme
l'épouse de la victime voit les qualités de cet homme. Les
policiers et certains malfrats voient les aptitudes de Virgil et les
reconnaissent, ils sont gênés par les attitudes ségrégationnistes
qui perdurent. je ne pense pas qu'à un seul moment ça implique pour
l'ensemble de ces personnages qu'ils le considèrent comme leur égal.
La preuve en est que l'un des policiers les plus confiants en Virgil
fait un détour pour qu'il n'aperçoive pas une femme blanche qui
s’exhibe. Cette situation embrumée ne serait pas complète sans
des milices qui essaient de le tuer à cause de sa couleur de peau.
C'est le tableau complexe que dessine le film. Un tableau qui laisse
transparaître de grosses différences dans la manière de vivre pour
un afro américain, en fonction que vous viviez dans tel ou tel état;
à la campagne ou à la ville.....
Ce
film sort en 1967, et il est intéressant de le replacer dans son
contexte et dans la chronologie du mouvement des droits civiques
américains. Ce
mouvement avait pour but d'abolir la ségrégation raciale et
d'obtenir une égalité des droits. Tout commence en 1955
avec Rosa Parcks et le boycott des bus d'Alabama qui s'en suit. En
1963
martin Luther King fait son fameux discours «I have a Dream» lors
de la marche sur Washington. En juillet 1964
la loi Civil Right Act
est adoptée. Toute
forme de discrimination est interdite dans les lieux publiques. En
1965
six cents défenseurs des droits civiques partent de Selma pour
rejoindre la capitale de L 'Etat Montgoméry. Ils sont arrêtes
sur le pont Pettus par des policiers et des ségrégationnistes.
C'est le Bloody Sunday. Les reportages ou l'ont voit la violence
policière en action font vaciller l'opinion publique. Quelques
semaines après des marcheur repartent et c'est au cours de cette
marche que naît le terme «Black power». Et une militante blanche
des droits civiques est assassinée par des hommes du KuKlux Klan.
En
1967 une partie du
mouvement se radicalise et rejoint les black panther qui se sont
créés fin 66.
L'année
qui suivit ce film, en 1968
, le 4 Avril, Martin
Luther King fut assassiné.
Évidemment
c'est une chronologie minimaliste mais elle permet de nous apercevoir
à quel point ce film
est en phase avec son époque et à quel point il s'empare d'un sujet
qui ébranle son pays.
Il
met en scène un policier exceptionnel qui est Virgil
Tibbs. Il est
l'incarnation de l'intelligence. Il a des notions de médecine
légale,bien plus avancées que le médecin, il est fin psychologue
et ne se fait aucun doute sur le lieu où il est. Il est le héros
dans toute son intégrité. De plus il est interprété par Sidney
Poitier qui investi
pleinement son personnage . Il y a une scène au début du film ou il
fixe le chef de la police. Son personnage est silencieux, mais
l'intensité de son regard est telle qu'elle déchire l'écran. C'est
un des regards les plus puissant que j'ai vu au ciné.
Et
même si je le dis rarement dans mes billets ici il est beau comme un
dieu, et si je le précise c'est que je pense que c'est un choix
volontaire de la réalisation. Alors Sidney poitier est toujours beau
on est d'accord. Mais ici son élégance, ses costumes parfaitement
taillés, ce qui se dégage de lui, entre en collision avec son
partenaire le chef de police
Gillepsie, interprété
par Rod Steiger.
Lui et son racisme crasse, il est de premier abord tout sauf dans la
finesse, sa tenue de chef de la police ressemble plus a un bleu de
travail qu'a un uniforme. Il est le parfait opposé de Virgil.
Se
film dénonce, bien sure le racisme et ses idées préconçues. Mais
plus encore il montre à quel point il reste du travail à faire.
Il y a plusieurs moments où des personnes regrettent de ne pas
pouvoir fouetter le policier, et à chaque fois ça fait grincer des
dents. Puis il y a le maire qui regrette que le chef de la police
n'ait pas tuer Virgil, comme l'aurait fait son prédécesseur
quelques années au par avant. Des discours édifiants. Mais
cependant le scénario n'est pas manichéen, il prend le parti de
montrer aussi l’enquêteur être mené par ses idées préconçues
sur de fausses pistes, et le reconnaître.
Mais
ce long métrage aborde
un autre thème qui est celui des droits des femmes
de disposer de leurs corps en abordant le thème des avorteuses. Si
au milieu de toutes les luttes du mouvement des droits civiques, les
luttes féministes avaient leurs places, j'avoue être étonnée que
dans ce film qui est déjà si riche on arrive encore a soulever un
autre problème. La cours suprême avalisera le droit des femmes à
se faire avorter qu'en 1973. les choix qui sont fait autour de
l'avortement dans ce long métrage, et ce qu'ils disent de la société
, sans vouloir trop en dévoiler, sont enrichissants. Il embrasse la
manière dont sont considérés les femmes par les hommes, mais la
personnalité du faiseur d'anges ouvre une autre réflexion. Ce film
n’arrête pas de nous faire réfléchir. Et la manière dont le
réalisateur met cette histoire en image, y est pour beaucoup.
Norman
Jewison décide de filmer et de jouer avec les opposés. Je
vous parlais des personnages, mais de la même manière il utilise
les décors qui semblent toujours sales que ce soit le bureau de la
police crasseux au possible, les geôles sombres ou l'utilisation de
la lumière donne une impression de cloaque. Tout semble sale, sauf
Virgil.
Ce
qui m'a charmée est sa manière de filmer ses personnages,
jouant sur les focales, les zooms, les seconds plans, pour toujours
en faire apparaître un en premier plan et laisser l'autre dans le
cadre mais en plus petit, ou plus flou...
avec
le tandem chef
Gillepsie et Virgil,
ce procédé est super intéressant et poussé plus loin. Leur
première rencontre se joue en champs contre champs, puis les
réunissant dans un cadre un assis, l'autre debout. Mais quand ils
commencent à apparaître ensemble, il y a une alternance sur le
personnage sur lequel la caméra se focalisera, et qui sera derrière.
Ce procédé illustre assez bien leur relation. Il y a une scène où Virgil est sur le quai de la gare sur le point de partir et où
Gillepsie vient
le chercher. Elle est fascinante. D'abord car ils apparaissent toujours tous les deux dans le plan, le jeu avec les perspectives faisant varier leurs tailles celui qui est assis paraissant plus grand que celui qui est debout; puis il y a la manière de filmer les visages dont je vous parlais pendant qu'ils s'invectivent, moment ou chacun essaye de prendre le dessus sur l'autre; pour finalement s'achever sur un plan où ils sont assis sur un banc chacun à son extrémité, presque parallèle. C'est hypnotisant.
le chercher. Elle est fascinante. D'abord car ils apparaissent toujours tous les deux dans le plan, le jeu avec les perspectives faisant varier leurs tailles celui qui est assis paraissant plus grand que celui qui est debout; puis il y a la manière de filmer les visages dont je vous parlais pendant qu'ils s'invectivent, moment ou chacun essaye de prendre le dessus sur l'autre; pour finalement s'achever sur un plan où ils sont assis sur un banc chacun à son extrémité, presque parallèle. C'est hypnotisant.
Ce film se termine par une scène de nuit dont je ne veux pas
trop parler. Je dirai juste que pour moi c'est à ce moment que le
titre prend tout son sens.
Ce film est riche, il est probablement un reflet très juste de
son époque, et c'est pour ça que certains ne s'y sont pas
retrouvés, le trouvant pas assez radicale. Mais c'est une œuvre qui
soulève des problèmes avec intelligence, et qui en plus se refuse à
être manichéenne. Deux films ont suivit celui-ci mettant en scène,
l'inspecteur Tibbs, et je me languis de les voir, tout en me disant
qu'il ne réussiront sûrement pas à atteindre la richesse de
celui-ci.
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