Rébellion

by - octobre 21, 2018


L'autre jour, sur le fameux réseau social aux gazouillis incontrôlés et incontrôlables, une personne posait une question simple. « Quelles sont les personnalités dans lesquelles vous avez une entière confiance pour vous déplacer les yeux fermés au cinéma ? ». Pour ma part il n'y en a qu'un qui me fait réellement cet effet la, c'est Guillermo del Toro. Mais voilà, je me suis rendu compte qu'il m'aurait été plus facile de vous citer des noms de personnalités du cinéma qui ne sont plus de ce monde désormais, comme celle présente ici, avec Toshiro Mifune, Masaki Kobayashi ou encore Tatsuya Nakadai qui lui est encore vivant. Trois immenses noms du cinéma japonais, réunis dans un film aussi calme en surface, que bouillonnant de rébellion en son cœur.

C'est un film qui pourrait presque sonner comme une suite a « Harakiri », une suite « spirituelle » ou le réalisateur approfondit, la thématique démarrer dans son précédent film, en parlant cette fois-ci de ce qu'il pouvait arrivait aux femmes au cours de l'époque Edo au Japon.

« Au cours de l'époque d'Edo au Japon. Un chef de fief décide de marier sa femme, qu'il vient de répudier, au fils du samouraï Isaburo Sasahara. Hostile à cette union forcée, la famille Sasahara se voit contrainte d'accepter et va se retrouver mêlée à des intrigues de cour qui vont amener Isaburo à affronter son propre clan. » 

Des trois films a ce jour que j'ai découvert de Masaki Kobayashi est celui que je trouve le moins accessible ! Pas parce qu'il est complexe, mais parce qu'il est un brin austère en comparaison d'un « Kwaidan » ou d'un « Harakiri » plus ouvert sur l'autre, celui qui aimerait s'essayer à son cinéma. Toutefois, je ne peux que vous le conseillez, car une fois de plus, c'est un film d'une grande qualité, sur de son histoire et de la façon idéale dont il doit la conter. Alors, oui c'est plus austère, plus long, mais c'est tout aussi fort et intéressant que ce qu'on pouvait imaginer.


Pour l'histoire de ce film, le réalisateur retrouve le scénariste Shinobu Hashimoto, qui adapte à nouveau une histoire de Yasuhiko Takiguchi du nom de « Hairyo tsuma shimatsu ». C'est l'histoire d'un clan, le clan Sasahara, mais plus encore celle d'une famille, la famille de Isaburo, un samouraï dévoué à son seigneur et excellent épéiste qui ne souhaite qu'une seule chose, une vie paisible. Des épreuves se dresseront toutefois devant eux, des choses qu'ils ne peuvent refuser, car cela serait allé contre le clan et contre le seigneur de la région (le daimyo). On prolonge ainsi ce que « Harakiri » nous montrait, le poids écrasant des traditions chez le samouraï, mais aussi désormais l'autoritarisme avec lequel on leur impose des décisions. L'intrigue nous montre aussi ce qui arrive aux femmes à cette époque, soit elles sont cantonnées dans le rôle de la bonne maîtresse de maison, ou alors elles ne sont que des objets, destinées au service d'un homme puissant, qui peut en faire ce qu'il désire.

Mais il s'agit aussi pour Masaki Kobayashi et Shinobu Hashimoto de nous montrer comme un système partial et injuste, peut pousser à bout une famille, quitte à se battre contre les siens et les autorités. Une leçon à tirer du passé, mais aussi une mise en garde sur la possibilité de telle dérive, car si des règles semblent essentielle pour vivre en société sans que cela ne dégénère; imposer, brimer ou sanctionner les personnes pour des règles qui vont à l'encontre des libertés les plus fondamentales, ne peuvent qu'engendrer des tensions, du ressentiment et des conflits.

La réalisation de M. Kobayashi est très élégante et surtout très épurée ! Loin d’être aussi belliqueux que le titre puisse le laisser penser « Rébellion » ou « Samouraï Rébellion » est surtout un film qui prend son temps, son temps pour laisser pousser les germes de la rébellion. C'est ainsi que le réalisateur nous tient, avec un rythme assez lent, loin d’être amorphe, ou peu à peu la quiétude va laisser place à l’incompréhension, la frustration, l'injustice et la colère. Et il nous conte tous ça dans le cadre si apaisant de l’ère édo, alternant entre des grands espaces et les demeures traditionnelles. Des décors magnifiques, tout en finesse et dans le respect de la tradition japonaise que l'on doit à Yoshiro Muraki. Et le réalisateur s'y déplace avec aisance, avec des travellings délicats, profitant de l'entièreté de l'image tournée en « Tohoscope », pour saisir ces moments de vies. Les compositions sont soignées, avec de la profondeur ou chaque personnages à sa place qui lui est propres sans que cela ne surcharge l'image. Pour enfin laisser parler les sabres et les samouraïs dans un dernier tiers intense, ou la furia des combats ne masque jamais le but final de l'intrigue, lutter contre les injustices.

Le casting quant à lui est excellent ! Celle qui m'a surpris, c'est Yoko Tsukasa dans le rôle de « Ichi » ! Une interprétation de qualité, pleine de subtilité et de puissance, pour un rôle qui sort des sentiers battus pour une actrice, notamment dans les films japonais de cette époque que j'ai pu découvrir jusqu'ici ou les femmes sont souvent cantonnées à des seconds rôles. Puis on trouve Go Kato dans le rôle de « Yogoro » le mari de Ichi. Un acteur qui s'affirme au fil du film, passant du fils au chef de clan avec brio. Une belle performance, qui tient la dragée haute à son partenaire à l'écran et père dans le film, je parle évidemment de Toshiro Mifune qui tient le rôle de « Isaburo ». Il joue tout en retenue, laissant ces éclats fantasques au vestiaire pour une composition qui est pleine d'humanité. Et enfin il y a Tatsuya Nakadai, dans un rôle moindre, mais essentiel, le meilleur ami « Tatewaki » qui à le rôle de conseiller et de ressort « comique » avec une interprétation décalée qui tranche avec ce monde si codifié.

"Rébellion - 3 Juin 1967 - Masaki Kobayashi"

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