Le Procès

by - mars 07, 2017



LE PROCÈS d'Orson Welles

J'ai un souvenir particulier de Kafka, c'était en été, affalée devant mon livre au soleil. Je me souviens d'avoir frissonné en lisant une scène de torture. Il a laissé en moi une emprunte particulière. Ce souvenir d'avoir été déstabilisée par sa manière de construire son récit, surtout à cause d'une absence d'explication.
Alors lorsque j'ai lu que Orson Welles avait adapté Le Procès, j'ai été curieuse de connaître sa vision


Un matin alors qu'il dort, Joseph K voit surgir dans sa chambre un policier. Celui-ci l'interroge sur ce qu'il fait et pose des questions jusqu'à l'absurde dans leurs formulations. Sans jamais dévoiler autre chose que le fait qu'il est policier. Sans jamais l'interroger sur le méfait qui lui est reproché. Finalement on lui annonce qu'il est en état d'arrestation et perquisitionne.
Des témoins surgissent dans la maison de sa logeuse. K ne les connaît que de vue car il travaille avec eux. Il n'est pas proche d'eux. D'ailleurs joseph n'est proche de personne. Ces hommes s'en vont comme ils sont arrivés, et ils le laissent juste en lui disant qu'il est mis en accusation et que la procédure est mise en route. K va se perdre dans ces arcanes judiciaires, en rencontrer ses protagonistes ou croiser des intervenants. Sans jamais ne savoir de quoi il est accusé , ni comprendre ce qui va se passer.

Pour s'immerger dans un livre de Kafka il faut accepter de perdre pied. Orson Welles en tant que réalisateur applique parfaitement les préceptes de l'écrivain. Pour cela il déstabilise le spectateur. En premier par le visuel et les choix de photographie. Il joue avec les perspectives. Il transforme un ensemble d'immeubles récents du début des années 60, en paysage désertique et sans âme. Donnant un aspect de labyrinthe hypnotique ou seul nous, nous perdons.

Lorsque k est confronté à la justice, il va au tribunal et là les décors sont gigantesques et démesurés. Les colonnes semblent monter vers le ciel toujours gris. Les salles sont infiniment grandes, et parfois elles s’étendent sur différents niveaux. Les hommes semblent tellement petits, des fourmis qui égarent leurs âmes et leurs personnalités... des insectes qui se perdent dans le gigantisme de ce bâtiment dont certains ne sortent plus.
Quant au lieu ou travaille Joseph K , pour lui donner vie, Welles choisit la gare d'Orsay. Il créé une grande salle ou tous les employés sont habillés de la même manière. Ils semblent interchangeables quasiment non identifiables. On le reconnaît que parce qu'il ne cesse de gesticuler. Chaque moment a son esthétisme propre dans ce film. Il fait son identité. Mais ce qui ressort est cette impression de non individualité et un coté labyrinthique.

Tout cela participe à notre perte de reperds, mais pas seulement! elle se joue aussi au niveau des personnages. Ils passent et ont un rôle indéfini, tant dans l'histoire, dans la vie du personnage, ou dans la procédure judiciaire. Même le rôle de son avocat est indéterminé. On ne comprend que sur le tard qu'il n’est pas là pour le défendre mais pour faire traîner la mise en accusation. Chaque personnage a une fonction dans l'histoire et un sens plus profond. L'exemple le plus représentatif est Léni. Elle est l’infirmière et la maîtresse de l'avocat. Mais comme le dit son amant «elle aime les accusés», et couche avec tous les clients de son patron.
A chaque moment de ce film rien n'est ce que l'on voit, tout est plus riche.
Les acteurs sont mythiques. Anthony Perkins est Joseph K. Il est perdu dans son propre dynamisme. Ça longue silhouette, et sa grande taille lui donne l'allure parfaite pour se fondre dans les tableaux que dessine le réalisateur. Il compose un jeu qui évolue de la retenue guindée à la perte de contrôle hystérique.

On croise aussi la lumineuse Romy Schneider qui illumine le film et dont l'allure frêle contraste avec le monstre sacré Oscar Welles à qui elle donne la réplique. Deux icônes qui soufflent le jour et la nuit sur une même scène. Je finirai par Jeanne Moreau qui si elle a un petit rôle est tout simplement envoûtante.


Ce film est plus qu'un film, il est une expérience. Il est tout autant un matériel de réflexion qu'un manège qui vous laisse vacillant sur vos bases.

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