Les bas-fonds

by - mai 10, 2017


Dans les bas-fonds d’Edo, à l’écart du reste de la ville, se tient une auberge miteuse tenue par l’avare Rokubei et sa femme. Dans cette véritable cour des miracles vivent entre autres un acteur raté, un ancien samouraï, une prostituée et un voleur. Un jour, un mystérieux pèlerin débarque dans ce lieu de misère. À son contact, les habitants de l’auberge se mettent à rêver et à croire en de jours meilleurs…
Les Bas-Fonds – 1 Octobre 1957 – Réalisé par Akira Kurosawa

Loin d’être un spécialiste de l’œuvre de Akira Kurosawa, j'ai pour autant toujours apprécier les films que j'ai découvert. Si l'on peut distinguer dans sa longue carrière les polars, les films d'époques ou encore les adaptations, il y a aussi une forte veine sociale et sociétale dans une grande partie de ses films. Le réalisateur dissèque ainsi les entrailles de son pays avec un fort esprit critique et une belle justesse ! C'est par le prisme de l’œuvre du dramaturge russe Maxime Gorki que Akira Kurosawa va nous parler dans l'étroitesse des « Bas-Fonds » d'Edo; de la pauvreté …

A l'écart de tous, dans les bas-fond d'Edo vivent ceux dont la ville ne veut pas, ceux qui n'ont plus d'avenir, ni de travail, se convaincant les uns, les autres que leur vie est meilleure que celle de leur voisin, sans que le moindre espoir ne pointe le bout de son nez. Au milieu de ça, se trouve une auberge miteuse tenu par Rokubei et sa femme, qui loge les gens de cette partie de la ville. Un lieu haut en couleurs ou se croise un acteur raté, un samouraï qui ne l'est plus, une prostituée, un voleur, un artisan et bien d'autres personnes aussi intéressantes que caractérielles. Une assemblée bancale, joyeuse et parfois désespérée qui semble résignée à ne pas rêver, jusqu'au jour ou un vieux moine arrive et chamboule leur quotidien …

Des films que j'ai vu de Akira Kurosawa, c'est certainement l'un de ceux qui m'a le plus déstabilisé. Car on sent très vite l’exigence de l’œuvre qui est adapté à l'écran. Il s'agit d'une pièce de théâtre, celle du dramaturge russe Maxime Gorki. L'adaptation d'une œuvre peut de loin s’avérer facile en apparence, mais il n'en est rien, cela a nécessité à Kurosawa, minutie, rigueur et précision pour gérer en deux heures de temps, une multitude d'intrigues et de personnages sans que tout cela ne soit désordonné. Une performance qui me laisse admiratif et plus le temps passe, plus je trouve ça brillant … 

Comme dit plus haut, l'histoire du film est tirée de la pièce de Gorki que le réalisateur et le scénariste Hideo Oguni adapte en le transposant dans le Japon Féodal ! Une histoire qu'ils sortent de la Russie, pour l'amener vers des chemins plus universels et qui parleront à tout le monde. Parce que c'est là toute la particularité de ce film, c'est qu'il n'y a pas une histoire, il y en a plusieurs ! Elles sont plus ou moins longues, plus ou moins importantes, tristes ou tragiques et elles se croisent avec brio, au gré d'une porte qui se ferme, d'une ruelle étroite ou par l'entrebâillement d'une fenêtre.

Ces histoires forment une chronique sociale implacable, qui montre telle quelle la misère à une époque, avec les ravages que ça provoque et l'impuissance dans laquelle les personnes sont plongées. Un récit qui dans le fond n'a pas d'age et qui trouvera aussi son écho dans nos sociétés modernes qui broient de plus en plus les peuples et les gens qui les composent. Un pessimisme qui accable les hommes et les femmes qui composent ces bas-fonds et qui ont dit sans le voir adieu à tout espoir, se réfugiant derrière les bouts d'une vie lointaine, réelle ou rêver …

Une dualité chère au réalisateur qu'il cultive jusqu'à l'apparition de ce mystérieux moine. Point de bascule d'une histoire reste toujours aussi dure, mais qui laisse entrevoir une lumière dans la noirceur de ce purgatoire. Une humanité qui ne tient qu'a nous d'apporter à l'autre, comme le moine par exemple qui redonne confiance à ces nouveaux camarades, qui convainc le voleur Sutekichi de déclarer sa flamme et de partir avec la femme qu'il aime ou encore à l'ivrogne d'aller se soigner. Une façon qu'a Kurosawa de dire que derrière chaque personne en détresse ou dans le besoin, il y a un être humain à qui il ne faut peut être qu'un simple sourire ou une main tendu pour allez mieux …

Un brin d'optimisme entre le ciel et l'enfer des bas-fonds qui vient parachever une œuvre au combien réussit, mener par un excellent réalisateur qu'est Akira Kurosawa. Pendant deux heures, il orchestre un ballet avec une précision qui force l'admiration. Que cela soit par la caractérisation des lieux ou l'on se trouve, autant définie par leurs rôles dans l'histoire que par rapport à l'environnement qui nous entoures, ce qui renforce cette idée de purgatoire ! La composition des plans centrés sur l'humain principalement ne laisse pas de place au doute, les rares plans d'ailleurs qui montre de la vie hors des bas fonds sont lointains, comme des marionnettistes qui jouent avec leur pantin. Ou encore par la maîtrise qu'a le réalisateur à transcender son matériel d'origine, d'une par le naturel du casting qui a subit un énorme travail de préparation et qui connaît son texte sur le bout des doigts, que par cette capacité à créer beaucoup de profondeur, de variation et de rythme dans un environnement restreint ! Il faut ajouter à cela l'excellence du travail des décorateurs et des costumiers du film, qui ont rendu ça encore plus vrai que nature, ainsi qu'un casting d'un grande qualité. 

Exigeant et radical, les bas-fonds ne vous laissera pas indifférent 

Retrouvez cette splendide édition depuis le 3 Mai en blu-ray/dvd chez Wildside

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2 commentaires

  1. Bonjour. Un des moins bons Kurosawa en ce qui me concerne, à cause de cette théâtralisation à outrance et du caractère un peu répétitif du film. Il retrouvera ce thème de la misère dans son (extraordinaire cette fois) Barberousse.
    Strum

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    1. Je comprend mais j'ai vraiment aimer ça au final, surtout parce que les interprètes sont d'un naturel sans faille.

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