Un Merveilleux Dimanche
UN
MERVEILLEUX DIMANCHE
de Akira Kurosawa
j'ai
vu plusieurs films de Kurosawa depuis que j'ai eu la chance de
rencontrer celui ci. Mais il est probablement celui qui m'a le plus
marqué.
Au
lendemain de la guerre, lors d'un dimanche comme les autres, un jeune
couple se retrouve pour passer la journée ensemble. Ils ont trente
cinq yens, beaucoup de rêves et autant de désillusions.
Parlons
rapidement de la forme, j'aurai tendance à dire, c'est un film
d'Akira Kurosawa, c'est parfait, il faut le voir pour le croire. Mais
je vais aller un peu plus loin.
La
photographie est très riche. Il y a un coté très graphique des
décors qui ajoute à la complexité des sentiments que traversent
nos protagonistes. Un écran qui est réduit par l'architecture et la
manière de la filmer. Et tout d'un coup on ne fait plus qu'un avec
notre héros, on est relégué dans l’arrière salle d'un cabaret.
Comme un sous homme, on subit le contraste avec ce grand hall blanc
que l'on traverse. Tout est étudié pour être le reflet d'une
sensation.
Mais
elle est encore plus riche car la réalisation met en corrélation ce
que traverse les personnages et le temps qu'il fait, un soleil
éclatant lorsque l'un d'eux se projette dans une maison ou quand il
joue avec des enfants. Une pluie torrentielle, lorsqu'ils se
découragent ou traversent une crise. Puis c'est au sein de la nuit
éclairée par la lune qu'ils nourrissent leurs projets et réparent
leurs passés. Chaque moment à son graphisme, la voûte d'un théâtre
en plein air, les paysages dévastés et désertiques...
chaque
scène est en complètement différente de la précédente mais
chacune a un équilibre parfait et elles donnent un tout des plus
émouvants.
Contextualisons
un peu cette histoire. Lorsque après les deux bombes atomiques le
Japon capitule, le pays est exsangue. L'inflation galope, les villes
sont en ruines, et la misère est partout. Du coup le marché noir,
la prostitution et le chômage augmente, et une partie de la
population est déplacée.
Et
des milliers de « jeunes couples » sont dans la situation
de nos protagonistes.
Des jeunes couples dont l'homme vient d’être
démobilisé, et qui n'ont pas assez d'argent pour se loger. Ils sont
ce que l'on appellerait aujourd'hui des travailleurs (très) pauvres.
Ils ont vécu la guerre et n'arrivent pas à avoir un présent et
désespèrent d'avoir un avenir.
Ce
film est bouleversant, il ne m'a pas laissé une emprunte sur mon âme
de cinéphile, il a laissé une cicatrice sur le cœur. D'abord car
ce film rentre salement en collision avec ce que l'on vit soixante
dix ans après. La peur du lendemain, les écarts monumentaux entre
les salaires, les travailleurs pauvres.
Tout ce qui peut nous
effrayer est là. Puis il y a l'universalité du sentiment de
séparation avec la personne que l'on aime. L’empathie que l'on a
pour le couple est quasi innée. Sentiment amplifiée par le discours
face caméra ou Mazako s'adresse au spectateur. Elle lui mendie un
peu plus de sentiment, de compassion, d'aide.
Les
deux acteurs qui portent le film Chieko Nakakita (Mazako) et Isao
Numasaki (Yuzo) sont extrêmement expressifs. Ils traversent cette
journée et tous ces sentiments sans jamais faire de faux pas. Ils
ont bouleversants.
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