Voyage à Yoshino

by - septembre 25, 2019


VOYAGE A YOSHINO
de Naomi Kawase

Dernier film en date de Naomi Kawase, il est loin d’être son film le plus facile d'accès. Il est d'une richesse visuelle intense, vibrante, il amène ses spectateur sur un chemin où se côtoient mysticisme et recherche sur soi. Exercice complexe et rare au cinéma.

Tomo passe sa vie dans la foret de Yoshino. Il la protège avec son sublime chien blanc Ko. Il passe régulièrement chez Aki, femme mystérieuse et bienveillante, qui habite aussi ce lieu. Un jour il croise Jeanne et Hanna, une professeur et son étudiante à la recherche d'une plante médicinale: Vision.

Le cinéma de cette cinéaste est toujours plus ou moins contemplatif. Et ce film explore cette facette dans sa manière de filmer la foret. Elle s'attarde sur les feuilles qui poussent, sur un changement de temps, de couleur, sur un couché de soleil,et sur le calme d'un plan d'eau. Tout cela rapporté à la vie de tout un chacun, tout cela rapproché de nos quettes personnelles, et plus encore tout cela remis en perspective dans le monde où nous évoluons dans une scène de partage et d'enseignement entre Tomo et Rin.



Elle pousse cette contemplation, jusqu'à donner vie à certains arbres. Certains son tellement charismatiques qu'ils semblent danser, ou que les gens s'inquiètent de leur santé. Et cette foret prend encore une autre dimension,accentuant les aspects magiques de l'histoire.

Ce soucis d'appréhender ce qui nous entoure avec bienveillance et attention, s'applique aussi aux personnages. Le film prend le temps d'observer ces protagonistes. Ne dévoilant jamais purement les choses. Elle laisse le spectateur deviner une cécité, ou découvrir les causes de tel ou tel choix, ou simplement de la mort. Jamais il n'est sente cieux, Naomi Kawase raconte une histoire mais nous laisse créer ce qui l'entoure.

Jamais elle ne tranche sur la question centrale comment est-ce que l'on trouve le bonheur?
Jeanne crois que c'est grâce à vision qu'elle retrouvera le bonheur. Elle croit en cette fleur d'une manière quasi magique, tout en s'appuyant de manière cartésienne sur les éléments qui l'entourent. De l'autre coté il y a Tomo qui croit que le bonheur est dans le quotidien, dans ce que l'on vit et que l'on ressent . Le bonheur s'enracine dans le présent.


Ces positionnements sont à l'origine de l'aura mystique, philosophique, quasi religieuse de ce film. Avec en ligne de mire, un Graal, un espèce de Nirvana, où on ne serait plus fatigué par ce qui nous entoure;où on ne sentirait plus la douleur du chagrin.
Il y a visuellement des plans qui nous ramène à des éléments religieux. La manière de filmer ce tunnel sombre, dans des plans noirs et verts aussi interpellant que fascinant, mais aussi un personnage millénaire et tant d'autres choses complexes dont les chiffres premiers.
Faire se rencontrer les deux visions, par leurs incarnations, les voire se rapprocher, s'unir c'est presque créer une troisième voie qui unirait les deux paradigmes d'une même réalité. 
 Je vous le disais ce film est très riche et ne s'interdit rien. Et tout cela prend vie dans le terreau fertile qu'est cette foret vibrante et de ses changements saisonniers. Et c'est un régal pour les yeux. De nombreux plans sont beaux comme des peintures. Les couleurs vibrantes des plans de la foret dont le chaleureux rouge de certains arbres semblent l'incendier ou encore toutes les scènes autour de Ko, ce magnifique chien qui est un crush magistral pour moi.
Sans pour autant oublier des touches d'humour qui passe majoritairement par la forme dans ce film, ce qui est difficile à décrire mais qui est toujours bienvenu.


Ce film est incarné par des acteurs talentueux, dont deux monstres sacrés.
Juliette Binoche est Jeanne. Elle est sublimement filmée par Naomi Kawase qui sait mettre en valeur son regard triste. Mais aussi et c'est assez rare pour le remarquer, filmer son actrice avec un maquillage quasi inexistant et pour autant la magnifiant à chaque instant. Elle arrive à la faire appartenir à cette foret de manière très différente de Tomo cependant. Mon seul bémol est sa manière
d'habiter les silences que je trouve un peu trop posée. Mais c'est subjectif.
De l'autre coté il y a Masatoshi Nagase qui incarne Tomo. Il est évident pour ceux qui lisent régulièrement ce blog que c'est un acteur que j'apprécie beaucoup et que le duo avec Naomi Kawase m’entraînera en salle à la prochaine occasion. Là tout se joue sur son charisme. Si vous n'appréciez pas l'acteur passez votre chemin. Il est silencieux, mais débordant d'humanité et de bienveillance. Il est mystérieux, et pourtant toujours là pour aider. Ce personnage est profondément humain et le tout en un minimum de mots. C'est de l'acting à l'état pur, et c'est assez bluffant.
Au milieu des deux Takanori Iwata, qui tient fièrement sa place et forme un duo qui fonctionne divinement avec masatoshi Nagase et un peu plus difficilement avec Juliette Binoche. Sa prestation n'a pas du être facile, et pourtant il est lumineux et tout à fait à sa place.
Je finirai par souligner la présence Mari Natsuki dans le rôle d'Aki. Elle est une déesse qu'il est difficile d'appréhender en quelques mots.

Je ne vais pas vous mentir ce film est difficile. C'est probablement l'un des plus complexes de la cinéaste. Il est à la fois un manifeste de son cinéma, et la quette mystique d'une artiste. Il est probablement un tournant de son cinéma amorçait avec la Foret de Mogari. Car bien que ces films soient différents sur le fond, il est difficile de ne pas les rapprocher sur la forme. Donc si vous aimez l'artiste, laissez vous happer par ce film

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