Nobody Knows
NOBODY KNOWS
de Hirokazu Kore-eda
Ce
film démontre la nécessité pour moi de créer un point « le
tombeau des lucioles ». il représentera un film qui me laisse
une boule de larmes au creux du plexus, une haine chevillée au corps,
et une envie de quitter cette planète car je ne suis pas adaptée à
ce monde. Un film au demeurant excellant et qui est à la fois plein
d'une poésie cruelle, et d'une horreur palpable.
Il
va donc m’être difficile d'écrire sur ce film. Je vous avoue que ça
fait une semaine que j'ai vu ce long métrage et je suis toujours
prisonnière de ce ressenti. Ma critique sera surement passionnée
et probablement courte.
Nobody Knows met en scène un fait divers qui a secoué le Japon. En 1988 sont retrouvés, dans un appartement laissé à l'abandon, quatre enfants.
Sans électricité, sans eau, sans argent, ils survivent sous la
coupe de leur grand frère. Le plus jeune de la fratrie a
disparu, et un autre est très malade. Leur mère est partie neuf mois
au par avant, pour quelques jours et n'est jamais revenue préférant
rester avec son nouveau petit ami. Seul l’aîné de
quatorze ans, a une existence légale. Lors de son aménagement dans
un petit appartement dans un quartier pauvre de Tokyo, elle n'a
déclaré qu'un seul fils. On apprendra que le plus jeune est mort
dans d'horribles conditions. La mère finit par se rendre après avoir
vu la tète de ses enfants à la télé. Elle fut condamnée à trois
ans de prison, et pendant quatre ans lui furent enlever ses
« droits parentaux » comme on le dit ici. Et elle obtint finalement la garde de ses deux dernières filles au début des années
90.
lorsque
ce fait divers éclate Hirokazu Kore-eda à vingt six ans, il est
choqué, comme tout son pays par ce qu'il apprend et ce que ça révèle de la société japonaise. Il va laisser maturer son idée pendant quinze ans,
pour au final s'appuyer sur ce fait divers sans jamais l'utiliser.
Le
film commence sur l'aménagement d'Akira et sa maman dans leur nouvel
appartement, et quelle surprise lorsqu'on ouvre des valises à peine sorties du camion et qu'on y trouve des enfants souriants, à qui on dit de ne pas faire de bruit.
Puis c'est akira encore, qui va pendant la soirée chercher Kyoko fillette d'une dizaine
année qui attend seule devant la gare. Et si on se
demande pourquoi, elle s'intéresse tant à la machine à laver et
son installation, on comprend vite que c'est parce que ce sont son
grand frère et elle qui gèrent la maison et leurs petits frère et
sœur, et qu'aucun n'est scolarisé. Puis un jour leur
mère dit qu'elle va s'absenter quelques temps pour son travail....
Ce
film parle de
l'enfance abandonnée et de la négligence parentale, plus que des enfants abandonnés de Nishi Sugamo. Au delà de
cette femme qui a laissé ses enfants pour un mec pendant neuf
mois, pour laquelle je n'ai aucune mansuétude, compréhension, ou
empathie. Jugez moi je m'en fiche, déjà du mépris c'est beaucoup
trop à mon avis. Il parle aussi de ces pères absents, qu'elle
énumère à ses enfants, et probablement qu'elle invente.C'est une collection d'hommes qui ont de bonnes raisons
de ne pas donner un billet pour leur fils ou filles. Ils sont tous absents, aucun d'eux ne s’intéressent à leurs progénitures, ils ne veulent ni les rencontrer, ni payer. Bien peu de
personne s'inquiètent pour ces petits. Seuls les jeunes gens qui
travaillent dans un magasin ou akira faisait des courses se sentent
concernés, lui donnant les produits qui périment ou essayant de
l'inciter à appeler les autorités.
Il
est intéressant de remarquer que dans l'histoire originelle ce sont
des commerçants qui ont tiré le signal d'alarme. Dans le film ni
les propriétaires, ni les diverses administrations, ni les voisins
préviendront les gens sensés les protéger.
Les enfants dans
l'oeuvre de Kore-eda ont souvent une liberté qui étonne et
questionne notre société. On sent le cri du réalisateur derrière
ce film, face au désintérêt des adultes pour leurs enfants. Ici
c'est assourdissant
Pour
filmer ces petits, il a changé plusieurs choses à sa méthode. Il
avait tout pouvoir sur ce film où il est scénariste, réalisateur,
et producteur. Il a favorisé les liens entre les enfants, faisant naître une vraie complicité entre eux, et cherchant aussi à tisser une complicité avec eux. Il installe son film sur le temps, il a
été tourné entre l'automne 2002 et le printemps 2003, permettant aux jeunes acteurs de grandir et de changer. Il a bien sure été filmé de
manière chronologique, et avec une caméra plus petite pour ne pas gêner les enfants, et pour qu'ils soient plus naturels. Ça donne un
film plus rapide à hauteur d'enfants, avec un coté moins
protocolaire. Il y a une facette
poétique à ce long métrage lorsque par exemple on sort avec
Akira et sa petite sœur en pleine nuit. Les lumières, le bruit, le
passage, on retrouve notre cœur d'enfant. Jusqu'à ce que le
réalisateur nous le brise à coup de petits gâteaux.
Il
adapte aussi son scénario aux enfants, favorisant le fait qu'ils
disent les dialogues avec leurs mots au lieu de réciter les siens.
Ou changeant la marque de friandise pour que l'une de ses petites
interprètes soit plus heureuse.
Les
acteurs sont formidables, sachant que c'est un casting d'enfants et
qu'ils tournent tous leur premier film.
Akira qui a douze ans est
interprété par Yuya Yagira. Pour ce premier film,et du haut de ses
quatorze ans il a gagné le prix d’interprétation masculine à Cannes.
C'est un adolescent d'une beauté pure, et d'une force qui emporte
son rôle.
Kyoko
est jouée par Ayu Kitaura qui restera, pour moi, cette petite fille qui se met
en boule dans la penderie de sa mère, et celle qui veut mettre son
vernis. Elle est bouleversante et tellement maline.
Hiei
Kimura est la bouille à bisous du casting, petit garçon au sourire
permanent quelque soit la situation. j'ai eu peur pour lui tout le
film.
Momoko
Shimizu est Yuki, petite dernière qui a cinq ans. Tant de candeur,
de finesse de jeu, et de mignonnerie dans les attitudes d'une si
petite fille devrait être interdit. Elle est incroyable.
Il
faut voir ce film. Il faut le voir car on n'en sort pas indemne, car
il fait forcément de nous des êtres différents, voire meilleurs.
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