THE LAKE HOUSE
d'Alejandro Agresti
The Lake House ou en français Entre deux rives (car oui comme vous
l'avez remarqué le traducteur fou a encore frappé) est un film
romantique. Il avait donc tout pour que je ne l'aime pas. Mais ça a
été tout le contraire, il m'a séduite et m'a fait passer un moment
hors du temps.
2006,
kate est médecin et doit intégrer un hôpital à Chicago. Elle est
obligée d'abandonner sa magnifique maison au bord d'un lac pour un
appartement de standing en pleine ville. Elle laisse une lettre dans
la boite aux lettres pour le prochain locataire dans laquelle elle
dit son amour pour cet endroit et sa nouvelle adresse. Il glisse sa
réponse dans la même «mail box» et commence une relation
épistolaire surréaliste.
Si
ce film est si touchant c'est que le réalisateur arrive à l'ancrer
dans une réalité et même dans un quotidien qui peut être le
notre, alors que le postulat que j'essaie de ne pas vous dévoiler
est impossible. Ce sont des petites choses que le cinéma asiatique
sait si bien faire, que ça ne m'a pas étonnée d'apprendre que ce
film est l'adaptation américaine du film coréen "Siworae".
Pour
s'enraciner dans une certaine réalité, le scénario fait échanger
les personnages par lettres. Et si vous avez vécu une relation
épistolaire (même si c'est du chat -bonjour, maître des clés de
ce blog-), vous allez vous reconnaître. Si vous êtes restés a
entendre devant votre boite à lettres ou si vous avez fixé pendant
des heures votre écran, vous allez revivre toutes ses émotions.
Jusqu'à sursauter lorsqu'un téléphone sonnera, en vous disant
«est-ce que c'est bien lui?». Vous retrouverez ce sentiment
extraordinaire d'ouvrir son cœur à quelqu'un que l'on ne touche que
par les mots.
Le
second point fort du scénario est qu'il arrive a reprendre le schéma
de la comédie romantique d'en garder le rythme mais de faire fi des
poncifs et des choses redondantes. Le film et sa chronologie étant
particuliers, ça nous permet de ne jamais être perdu par la
narration tout en étant surpris par ce que l'on nous raconte.
L'urbanisme
et l'architecture sont utilisés de manière différentes, ils
étayent le discours sur l'amour des protagonistes.
D'abord
l'architecture qui a pour avantage de rajouter du concret dans notre
scénario qui a toujours besoin de s'ancrer dans une réalité, pour
crédibiliser l'histoire et que le spectateur se sente confortable
face à elle. Ici elle est aussi un témoignage des sentiments d'un
père qui ne sait pas parler à ses fils mais qui leur transmet sa
passion pour cet art et tout ce qui l’entoure. Elle est leur point
de convergence.
Il
y a aussi une visite de Chicago très particulière; le réalisateur
arrive à mettre nos pas dans ceux de Kate. On partage une expérience
des plus séduisante, vous êtes à deux doigts de tomber amoureux de
la personne qui l'a imaginée mais avant tout vous avez envie de
visiter cette ville!
Quant
à la maison du bord du lac, elle est sublime, avec son arbre planté
en son milieu. Elle est irréelle et de fait elle a été construite
pour ce film et pourtant elle donne en vie d'y vivre dedans. Et sa
«mail box» si elle n'est pas virtuelle, est cependant un peu
magique. Cette maison parle d'amour. Celle d'un homme pour son
épouse. Il lui invente cette maison féerique mais il l'enferme à
l’intérieur et finit par la perdre. L'amour d'un fils pour ses
parents qui décide de racheter sa maison d'enfance pour réchauffer
ses souvenirs. Ou l'amour d'un homme pour une femme qu'il perd. Il
l'améliore pour qu'elle ne se sente pas enfermée. Et plus qu'une
perspective pour cette maison de verre, c'est l'incarnation de sa
vision de l'amour. Il accepte de la laisser partir si c'est ce
qu'elle veut, ou de l'attendre, tant que l'amour pour lui est une
considération supérieure il peut prendre le temps qu'il s'installe.
Jusque dans sa forme elle est la représentation du sentiments
amoureux. Elle a des formes épurées, sa transparence et ses
couleurs sont belles et simples, elle est protectrice et elle permet
à autre chose de fleurir, et on a tous envie de l'essayer.
Il y
a une vraie réflexion dans la manière dont s'est filmé. L'image
est légèrement dé saturée. Cela donne à l'histoire un coté
doux. Les couleurs sont aussi recherchées, il y a en particulier des
jolies palettes de vert et de bleu, tout en délicatesse et non sans
rappeler les couleurs du lac. Cette recherche se retrouve même dans
les tenues des protagonistes. Les éléments vestimentaires se
répondent, comme le bleu roi du gilet avec lequel Alex travaille et
la tenue bleue de docteur de Kate. Ou encore l'écharpe si
particulaire d'Alex en laine rouge et le manteau de Kate dans la
dernière partie du film. Un lien ténu entre les deux.
Le
réalisateur joue aussi énormément avec la symétrie. Parfois c'est
assumé et il matérialise l'axe de symétrie par une colonne ou un
arbre ou un virage; d'autres fois c'est invisible mais c'est quand
même là, présent dans notre esprit;un mur de verre. Puis lorsque
l'histoire s'emballe il utilise ces mêmes particularités pour
diviser l'écran et rajouter des actions à une image. Il arrive à
le faire en légèreté pas de split screen moches, juste des images
très étudiées. Comme lorsqu'il réduit la taille de l'écran en
multipliant les éléments architecturaux, se fondant parfaitement
dans le paysage et créant une intimité et faisant naître une
magie.
Il y
a aussi des manières ambitieuses de filmer ses personnages à
certain moment, un face caméra de Sandra Bullock qui ne laisse pas
la place pour la moindre faiblesse de l'actrice. Ou la manière dont
il filme Alex au début du long métrage, légèrement en hauteur,
l'habillant d'un mystère assez opportun.
Ce
film doit beaucoup à ses acteurs, mais vraiment beaucoup. Car ils
sont deux à tenir la baraque, et si les rôles secondaires sont
bien, ils n'apportent pas grand chose à l'histoire. Et nos deux
personnages doivent illustrer les mots, puis habiller avec finesse ce
qu'il se passe.
Kate
est incarnée par Sandra Bullock. Elle est subtile, et joue avec
délicatesse un petit coté revêche. Elle arrive a donner corps à
l'introspection de son personnage.
Alex
est interprété par Keanu Reeves il arrive à le faire paraître
super touchant et tout aussi solide. Son jeu irradie l'émotion
pendant tout le film.
Ce
long métrage m'a touchée, comme rarement un film l'a fait. Il est
délicat, fort, et plein de convictions sur l'amour, et la vie.
Autant de choses que je n'espérais pas trouver ici. C'est une
superbe surprise qui peut être va me donner envie de voir d'autres
films romantiques
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