19701970 - 1979Akira KurosawaAsieCritiqueJunzaburô BanKin SugaiKiyoko TangeShinsuke MinamiToshiyuki TonomuraYoshitaka ZushiYûko Kusunoki
Dodes'Kaden
d'Akira Kurosawa
Comme
je viens de le dire, ce film est différent des autres à bien des
égards.
C'est
en premier lieu un film choral qui voit se croiser les vies d'une
douzaine de personnes dans un bidonville à la fin des années 60. Il
y a entre autre un père seul avec son fils qui vivent dans une deux
chevaux; une mère et son fils en proie à des problèmes
psychiatriques qui conduit toute la journée un tramway imaginaire,
une adolescente exploitée par son oncle pendant que sa tante est à
l’hôpital et tant d'autres...
ce
film est le dernier de la tétralogie sur la misère qui compte Les bas fonds, Entre le ciel et l'enfer, et
Barberousse. Il est
par bien des aspects le plus dure . En premier lieu de par sa forme
« chorale » qui ne nous aide pas à nous identifier ou à
nous attacher aux personnages si nombreux qu'ils ont une
exposition limitée. De plus les choix de couleurs audacieux nous
sortent parfois de l'histoire, même s'ils ont tous un sens, que les
choix sont mûris; ils m'ont de temps en temps décontenancés.
J'ai
vu les trois autres films que je viens de citer et aussi Un merveilleux dimanche qui est
dans la même veine qui convoque douleur et malheur et pourtant ils
ne m'ont pas fait le même effet. Celui ci est un cumul de malheurs ,
même le bonheur des plus heureux est relatif. Quant à ceux qui ne
le sont pas; c'est dure de soutenir ce qui leur arrive. On peut
assister entre autre à l'agonie d'un enfant , au viol d'une jeune
femme, voir des gens qui noient leurs quotidiens dans les limbes du
saké... L'une des scènes a plus particulièrement était dans l’œil
du cyclone ou plutôt de la Toho, une scène ou un enfant d'à peu
près six ans fouille les poubelles pour se nourrir et nourrir son
père. Cette scène le studio voulait qu'il la coupe. Le réalisateur
a toujours refusé.
Le ton était donné, car la position de Kurosawa sur cette misère
est claire et éminemment politique. Pour lui cette pauvreté est
provoquée par les choix et l'industrialisation massive du pays.
C'est le revers de la médaille de ce changement de mode de vie, ces
constructions qui dévisagent le Japon pour lui, lui font
perdre son identité et ses croyances. On est très loin des « feel
good movies» qui sont sur les écrans au moment de sa sortie. On est
face à la cruauté de la situation que l'on cache. Pendant
les scènes de nuit on voit au loin les lumières minuscules de la
ville.
Mais cette cruauté n’empêche pas la poésie. Je dirai même
que dans l'univers toujours nuancé de ce réalisateur une telle
horreur ne va pas sans quelque chose qui le contrebalancera, ici
c'est de l'onirisme; car il n'y a pas d'ombre s'il n'y a pas de
soleil. Et là c'est du bonheur pour nos yeux.
Le choix des couleurs principalement vives, y est pour beaucoup.
il les décline de différentes manières. Il les fait se répondre
en assortissant les habits des femmes avec leurs maisons et leurs
rares équipements. Mais pas seulement, les pantalons de leurs époux,
et les foulards qu'ils nouent autour de leurs têtes sont accordés.
Ou encore lors d'une scène de viol, il couche délicatement la jeune
femme sur un tapis d’œillets en papier rouges. Mais le plus
surprenant est peut être, le maquillage quasiment le masque que l'on
peint sur le visage d'un enfant et d'un adulte malade. Quelque chose
entre un masque mortuaire et une décomposition. On oscille entre
stupéfaction et fascination. Moi ce qui m'a le plus séduite, ce
sont les dessins de tram du jeune homme qui sont magnifiques avec un
éclairage normal, mais lorsqu'ils sont rétro éclairés ils se
transforment en vitraux. C'est de la magie. Ces dessins à l'aspect
enfantins ont été effectués par Akira Kurosawa. Je savais que sur
certains films il avait peint ses storyboards, mais là
l'investissement est colossal. Il y a un magnifique crépuscule qu'il
a peint, et il y a tant d'autres choses.
Et si son investissement dans chacun des chapitres de son œuvre
est légendaire, ce film a un écho particulier. Il signe la fin
d'une période, jette les bases de la prochaine. Ce que le
réalisateur teste sur la couleur, il l'utilisera sur d'autres films.
Il
ne fait pas seulement la transition entre ses noirs et blancs
somptueux et la couleur. Mais formellement il anticipe l'importance
que va prendre la télévision et change sa manière de tourner. Il
lâche prise aussi dans sa manière de diriger ces acteurs et
d'aborder les variations de ses décors par apport à ce qu'il en
attend. Si ce film nous parle d'une transition industrielle Il
témoigne aussi sur celle d'une société ou les gens en habits
traditionnels vivent d'une certaine manière avec des principes et
des rigidités et ou d'autres très occidentalisés sont en mini
jupes, tenues très colorées et se perdent dans l'alcool et ce
qu'ils croient être la vie. Bizarrement le long métrage montre que
ce sont ces gens coincés dans une périodes et des valeurs
ancestrales qui sont les moins heureux.
Alors que ce sont eux qui ressemblent le plus a Kurosawa. Et même le vieil homme sage ne prend pas la place qu'il devrait. C'est ce jeune homme désorienté qui semble être son personnage principal. C'est lui qui chantonne le titre du film comme si le grand cinéaste se reconnaissait dans cet enfant qui conduit un tram imaginaire, et qui est la risée des autres. Ce grand homme a failli mourir à cause de ce film. son premier non succès et la fin de sa collaboration avec la Toho le pousseront à tenter de ce suicider. Lorsqu'il reviendra au cinéma, il refusera de tourner sur la misère, il percevra se thème comme un porte malheur.
Alors que ce sont eux qui ressemblent le plus a Kurosawa. Et même le vieil homme sage ne prend pas la place qu'il devrait. C'est ce jeune homme désorienté qui semble être son personnage principal. C'est lui qui chantonne le titre du film comme si le grand cinéaste se reconnaissait dans cet enfant qui conduit un tram imaginaire, et qui est la risée des autres. Ce grand homme a failli mourir à cause de ce film. son premier non succès et la fin de sa collaboration avec la Toho le pousseront à tenter de ce suicider. Lorsqu'il reviendra au cinéma, il refusera de tourner sur la misère, il percevra se thème comme un porte malheur.
Sa
direction d'acteurs a changé aussi lors du film. Kurosawa les laisse
improviser au maximum, et ils vont vers un jeu forcé quasi
artificiel qui entre en résonance avec ces couleurs vives. Il met
moins d'un mois à tourner ce film dont la première version durera
plus de quatre heures. Il s'amuse des décors qui se détériorent et
les utilisent. Et une bonne humeur assez inhabituelle envahit le
plateau.
Tout cela donne à ce film un aspect très différent, et difficile. Il n'est pas aisé de rentrer dans son histoire, mais une fois qu'on y arrive c'est magnifique. Ce n'est pas avec ce film qu'il faut aborder l’œuvre de cet homme. Mais quand on aime sa maestria, et quand on aime le cinéma, il est fascinant quasiment hypnotique. Il est même difficile de se détacher de la voix du jeune homme répétant «Dodes'kaden» ce qu'on traduirait par tchou tchou.
Ce
film est rare, il fait partie des rencontres qui vous enrichissent.
Ce
film est dure, mais le magnifique travail qui est fait sur l'image,
et la couleur lui permettent de faire passer un message en douceur.
Et je suis infiniment reconnaissante de l'avoir vu dans ces
conditions
0 commentaires