Mystery Train

by - août 20, 2019


MYSTERY TRAIN
de Jim Jarmusch

Je sais je me suis souvent exprimée ici sur mes sentiments et sur ce que je pensais du cinéma de Jim Jarmusch. Mais je ne peux m’empêcher de le redire. J'ai une relation passionnelle avec cette œuvre. Certains de ses films font partis de mes petits trésors. Je les chéris, je les vois, et je les revois. D'autres sont cloués à mon piloris personnel. Je tache de les éviter comme la peste. Vous ne me verrez jamais dire qu'ils sont mauvais (d'ailleurs je pense que vous ne lirez quasiment jamais cela de ma part). Mais soyons francs je les supporte mal.
Ces sentiments extrêmes sont les marqueurs de la relation dont je vous parlais. Mais s'il y a une constante qui toujours fait mouche sur moi, c'est sa vision artistique marquée ainsi que tout ce qu'il brasse comme thèmes et notions. Pour moi, c'est l'une de ses principales qualités. Comme ses premières œuvres ressortent au cinéma, j'ai eu l’immense plaisir de découvrir son mystery train.

Empruntant son titre à une chanson qu'Elvis Presley a popularisé. Mystery train se compose de trois histoires: Far from Yokohama, A ghost story, et lost in the space. Ce film raconte trois histoires qui se passent simultanément à Memphis, avec pour point commun un hôtel peu reluisant.

Ce film est un peu un concentré de tout ce que j'aime dans le cinéma de Jim Jarmusch.
Il y a d'abord ce que l'on pourrait appeler une griffe,une marque ou une signature.
Une manière de filmer l'histoire, de filmer une certaine déambulation dans la ville qui amène chaque personnage à ce petit hôtel ou chaque chambre est ornée d'un portrait d'Elvis. Ce sont toujours des déambulations illustrées par des travellings ,de droite à gauche pour une grande partie d'entre eux. Le spectateur découvre la ville grâce à eux. Et au milieu de tout ça Jim Jarmusch a l'intelligence d'introduire des lieux et des personnages que nous retrouverons après. Ce réalisateur sait filmer ces paysages urbains comme peut d'autre, ces vieux bâtiments, ces villes entre deux époques de gloires, toute une histoire laissée à l'abandon se révèle grâce à la poésie qu'il sait en tirer.

Le début de la première histoire a donc pour l'une de ses composantes, les travellings ! Ce qui implique plusieurs choses, un réalisateur génial qui sait les utiliser, deux acteurs charismatiques, soit deux
jeunes japonais soooooo cute qui portent une valise rouge "pimpée" portée à deux avec un bâton. Et on en parlera plusieurs fois, une image impactante, et des ressorts qui permettent d’empêchent la monotonie de s'installer. Là c'est la recherche des lieux qui ont marqué la vie musicale de Memphis. Graceland évidemment, mais qu'on ne verra pas. Un studio où les plus grands ont enregistré. La visite est totalement à l'opposé de cette déambulation. Elle se fait au pas de charge. Ou la contemplation d'une statue qui est presque aussi poétique que drôle.
Cette ambiance «low tempo»permet de dessiner un cadre parfait à chaque histoire, et donne un timbre commun, une filiation à l'ensemble du long métrage.
La poésie est présente à tous les étages. Je n'arrive pas à me souvenir et quelque soit la qualité de l'établissement, un hôtel exploité de tant de justesse. Les portraits d'Elvis, les tapisseries improbables et échappées des années soixante dix.. Le réceptionniste qui irradie la classe et  son groom et sa tenue violette. Tout nous amène un peu plus loin que dans notre terne réalité. La poésie est présente partout je vous assure, même dans les dialogues des personnages. Elle est partout. Comme le train qui transporte beaucoup plus que des personnes.


Quant aux personnages, ils sont hyper attachants et majoritairement bien portés. Mais Jun et Mitsuko volent clairement la vedette aux autres protagonistes. Figures phares du premier segment, ils imprègnent le film d'un accent de naïveté et de douceurs dont le long métrage ne se départira pas. Les deux acteurs sont brillants . Yuki Kudo est géniale. Entre moues, et sourire ultra craquants elle est irrésistible. Il y a quelque chose du jeu d'Audrey Hepburn chez elle. Et elle embarque tout le monde, il est impossible de ne pas succomber. Face à cette lumièreinterprété par Masatoshi Nagase, ténébreux, mais pas tant que ça. Avec une banane improbable qui lui va à ravir, un jeu de zippo et de cigarettes comme on ne verra plus. Il donne un accent rock à Billy dont le scénario ne se départira pas. Je suis toujours fascinée par les personnages taiseux, je trouve qu'ils sont souvent es plus difficiles à incarner. Mais quand c'est réussi, quand on trouve le bon acteur. Ça porte un film. Et c'est le cas ici. Il faut rajouter que Masatoshi Nagase, s'il est taiseux et quand même très lumineux. Et vous avez une idée de la dimension solaire de ce couple.

Cet acteur a pour particularité de jeter un pont avec une autre œuvre de Jim Jarmusch, mon adoré, Paterson. Vous y retrouvez un personnage qui pourrait s'appeler Jun trente ans après. S'il n'est plus sur les pas de musiciens mythiques, il est dans ceux de William Carlos Williams un poète qui a une vision très personnel de cet art. Il est l'ouverture de ce film. Plus encore son positionnement sur la poésie et sa traduction est un parti pris qui devrait être médité.
Cependant la distribution de ce film est le seul petit bémol, car la troisième partie où m'on retrouve Steve Buscemi est beaucoup plus faible que les deux autres, avec des acteurs qui peinent à trouver un jeu juste. Mais ce n'est qu'un petit détail qui ne prend de l'importance car tous le reste flirte avec la perfection.
L'univers de ce réalisateur est si riche qu'il n'est pas rare de le voir se rappeler, se compléter. Il se cite au grès d'un plan, au détour d'une situation, se complétant ou approfondissant un thème. Son dernier film the dead don't die, étant le symbole suprême de cette manière de faire. Et une volonté de poser un œil critique sur la société, sur son évolution, sur notre évolution. et ce film porte lui aussi une critique franche de la société.

Je terminerai par vous parler d'une des caractéristiques du cinéma de Jim Jarmush est un amour de la musique. Si ici c'est une déclaration d'amour au rock, si la bande originale est très bonne, il y a l'incarnation de la musique en elle même. Les musiciens prennent place face à la caméra,. Dans ce film c'est Screamin' Jay Hawkins qui joue cet employé si charismatique, chef d'orchestre de l’hôtel. Hotel où tout se passe.

Ce long métrage est un bonheur à découvrir. J'aurai voulu suivre plus longuement le voyage de Mitsuko et Jun, on aurait pu sans problème faire un film que sur eux deux. Mais tout le voyage est un petit bonheur, et il serait dommage de ne pas le faire

You May Also Like

0 commentaires

Rechercher dans ce blog