1980 - 19891989Cinqué LeeCritiqueJim JarmuschMasatoshi NagaseNicoletta BraschiScreamin' Jay HawkinsSteve BuscemiTom NoonanYuki Kudo
Mystery Train
MYSTERY TRAIN
de Jim Jarmusch
Je
sais je me suis souvent exprimée ici sur mes sentiments et sur ce
que je pensais du cinéma de Jim Jarmusch. Mais je ne peux m’empêcher de le redire. J'ai une relation passionnelle avec cette œuvre.
Certains de ses films font partis de mes petits trésors. Je les
chéris, je les vois, et je les revois. D'autres sont cloués à mon
piloris personnel. Je tache de les éviter comme la peste. Vous ne me verrez jamais dire qu'ils sont mauvais (d'ailleurs je pense que vous
ne lirez quasiment jamais cela de ma part). Mais soyons francs je les
supporte mal.
Ces
sentiments extrêmes sont les marqueurs de la relation dont je vous
parlais. Mais s'il y a une constante qui toujours fait mouche sur
moi, c'est sa vision artistique marquée ainsi que tout ce qu'il
brasse comme thèmes et notions. Pour moi, c'est l'une de ses
principales qualités. Comme ses premières œuvres ressortent au
cinéma, j'ai eu l’immense plaisir de découvrir son mystery train.
Empruntant
son titre à une chanson qu'Elvis Presley a popularisé. Mystery
train se compose de trois histoires: Far from Yokohama, A ghost
story, et lost in the space. Ce film raconte trois histoires qui se
passent simultanément à Memphis, avec pour point commun un hôtel peu reluisant.
Il y
a d'abord ce que l'on pourrait appeler une griffe,une marque ou une
signature.
Une
manière de filmer l'histoire, de filmer une certaine déambulation
dans la ville qui amène chaque personnage à ce petit hôtel ou
chaque chambre est ornée d'un portrait d'Elvis. Ce sont toujours des
déambulations illustrées par des travellings ,de droite à gauche pour
une grande partie d'entre eux. Le spectateur découvre la ville grâce à eux. Et au milieu de tout ça Jim Jarmusch a l'intelligence
d'introduire des lieux et des personnages que nous retrouverons après. Ce réalisateur sait filmer ces paysages urbains comme peut
d'autre, ces vieux bâtiments, ces villes entre deux époques de
gloires, toute une histoire laissée à l'abandon se révèle grâce à
la poésie qu'il sait en tirer.
Le début de la première histoire a donc pour l'une de ses composantes, les travellings ! Ce qui implique plusieurs choses, un réalisateur génial qui sait les utiliser, deux acteurs charismatiques, soit deux
jeunes japonais soooooo cute qui portent une valise rouge "pimpée" portée à deux avec un bâton. Et on en parlera plusieurs fois, une image impactante, et des ressorts qui permettent d’empêchent la monotonie de s'installer. Là c'est la recherche des lieux qui ont marqué la vie musicale de Memphis. Graceland évidemment, mais qu'on ne verra pas. Un studio où les plus grands ont enregistré. La visite est totalement à l'opposé de cette déambulation. Elle se fait au pas de charge. Ou la contemplation d'une statue qui est presque aussi poétique que drôle.
Cette
ambiance «low tempo»permet de dessiner un cadre parfait à chaque
histoire, et donne un timbre commun, une filiation à l'ensemble du
long métrage.
La
poésie est présente à tous les étages. Je n'arrive pas à me
souvenir et quelque soit la qualité de l'établissement, un hôtel exploité de tant de justesse. Les portraits d'Elvis, les tapisseries
improbables et échappées des années soixante dix.. Le réceptionniste qui irradie la classe et son groom et sa tenue violette. Tout nous
amène un peu plus loin que dans notre terne réalité. La poésie
est présente partout je vous assure, même dans les dialogues des
personnages. Elle est partout. Comme le train qui transporte beaucoup
plus que des personnes.
Cet
acteur a pour particularité de jeter un pont avec une autre œuvre
de Jim Jarmusch, mon adoré, Paterson. Vous y retrouvez un personnage
qui pourrait s'appeler Jun trente ans après. S'il n'est plus sur les
pas de musiciens mythiques, il est dans ceux de William Carlos
Williams un poète qui a une vision très personnel de cet art. Il est
l'ouverture de ce film. Plus encore son positionnement sur la poésie et sa traduction est un parti pris qui devrait être médité.
Cependant
la distribution de ce film est le seul petit bémol, car la troisième
partie où m'on retrouve Steve Buscemi est beaucoup plus faible que
les deux autres, avec des acteurs qui peinent à trouver un jeu
juste. Mais ce n'est qu'un petit détail qui ne prend de l'importance
car tous le reste flirte avec la perfection.
L'univers
de ce réalisateur est si riche qu'il n'est pas rare de le voir se
rappeler, se compléter. Il se cite au grès d'un plan, au détour
d'une situation, se complétant ou approfondissant un thème. Son
dernier film the dead don't die, étant le symbole suprême de cette
manière de faire. Et une volonté de poser un œil critique sur la
société, sur son évolution, sur notre évolution. et ce film porte lui aussi une critique franche de la société.
Je
terminerai par vous parler d'une des caractéristiques du cinéma de Jim Jarmush est un amour de la musique. Si ici c'est une déclaration
d'amour au rock, si la bande originale est très bonne, il y a
l'incarnation de la musique en elle même. Les musiciens prennent
place face à la caméra,. Dans ce film c'est Screamin' Jay Hawkins
qui joue cet employé si charismatique, chef d'orchestre de l’hôtel.
Hotel où tout se passe.
Ce
long métrage est un bonheur à découvrir. J'aurai voulu suivre plus
longuement le voyage de Mitsuko et Jun, on aurait pu sans problème
faire un film que sur eux deux. Mais tout le voyage est un petit
bonheur, et il serait dommage de ne pas le faire
0 commentaires