Les Plages d'Agnès
LES PLAGES D’AGNÈS
d'Agnès Varda
On
a tous connu le sentiment de zapper jusqu'aux tréfonds de ce que
permet notre télécommande, sans jamais rien ne trouver. Ça y est
vous ressentez aussi ce sentiment de dépit,et énervement teinté
de lassitude qui ne cesse de croître? J'en étais là, à mon second
effeuillage de chaines, à quatre et demi sur mon échelle de Richter
de l'énervement, et j'étais persuadée que ça allait être complexe, quand soudain est apparue, Agnes Varda dans le coin gauche
de ma télé, quelques minutes après allait commencer le
documentaire césarisé, les plages d'Agnès. Soit quelques minutes
bénies des Dieux à passer en compagnie de cette femme
extraordinaire à la voir faire le bilan des quatre vingts premières
années de sa vie.
Il faut que je vous dise, ces minutes
s'égrainaient entre le onze et le douze février, ce qui signifie que j'ai fini ce documentaire avec un an
de plus au compteur que je l'avais commencée. Jamais notre télé
n'avait été aussi raccord avec moi.
C'est
toujours compliqué de parlais d'un documentaire, ça l'est encore plus quand c'est un
moment de bravoure autobiographique d'un génie contemporain.
Il
n'a pas une forme unique. Agnès Varda est d'abord une photographe,
puis une cinéaste qui fait selon ce que l'air du temps lui indique
des documentaires, ou des films, mais elle est aussi « a visual
artist ». Et il y a une pincée de chaque chose dans la recette
de ce film. Il y a des tableaux émouvants, comme celui dans un
casino où quelqu'un perdit plus que son argent, mais aussi un peu
d'elle lors de l'une de ses expositions ou elle interpellait les gens
déguisée en pomme de terre.
Il
y a sa virtuosité avec la caméra quand elle disparaît au grès d'un
gros miroir.
Mais
il y a aussi les plages, les plages belges de sa petite enfance;
celle de Sète pendant la guerre, et les jouteurs qui lui vouent une
tendresse justifiée, les bretonnes, les américaines... toutes
celles qui rythmèrent sa vie. Les plages et sa voix son finalement
les seul fil blanc dont on a besoin.
Les
morts d'Agnès m'ont bouleversés, surement car ils m'ont ramené aux
miens. Une scène magnifique où deux fils poussent une carriole dans
les petites rues sétoises, permettant à un film de se projeter. Sur
ce film leur père marche dans les mêmes rues qu'eux. Ce moment m'a violemment
mordu l’âme, et j'ai rêvé cinq secondes qu'elle ait enregistrée
la voix de mon père. Avant de m'apercevoir pour la première fois
depuis vingt trois ans, qu'elle l'avait invité à mon anniversaire
une vraie fée cette femme.
Finalement
ce qui me reste de ce documentaire encore plus que l'envie de voir
encore plus de ses œuvres, quelle qu’elles soient, c'est l'amour. Son
amour pour son mari, et sa manière toute particulière et pleine de douceur qu'elle a de l'aimer le pleurer, le fleurir.
L'amour pour ses enfants, ça paraît toujours évident, mais ça ne
l'est pas, la tendresse pour ses œuvres, qui si elles ne
fonctionnent pas d'une manière se transforment en autre chose.
Grace
à Agnès Varda j'ai commencé cette année très différemment de
l'année dernière. La nuit lorsque je ne dors pas je m'imagine plus
vieille et c'est vrai que c'est beaucoup plus drôle. Je ne
photographie pas que les fleurs en pleines santé, je les photographie en train, de faner, et tant d'autres petites choses... ce
documentaire devrait être obligatoire à voir. Pas seulement pour les
femmes comme moi qui admirent cette artiste, mais pour nous toutes
tant que ces quatre vingts années si particulières qu'elles soient
parlent de nous toutes, nos combats, nos questions,nos peurs, nos
hommes, nos amis, nos vies....
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