L'Homme qui a surpris tout le Monde
L'HOMME QUI A SURPRIS
TOUT LE MONDE
de Natasha Merkulova
et D'Aleksey Chupov
Au
fin fond de la Sibérie, un homme fait face. Il fait face aux
braconniers qui essayent de le tuer, il est garde de chasse. Il fait
face à sa femme enceinte et pleine de joie. Il fait face à son fils
qui est en adoration devant lui, a son beau père acariâtre qui vit
avec eux. Il fait face à la maladie et à sa mort imminente qu'il
cache à tous , mais pour combien de temps.
Ce
film est un film russe et ça a son importance, le régime et sa
vision de la culture ayant un rôle dans la manière de raconter
cette histoire et dans le message qu'elle porte. Natasha Merkulova
reprend cette histoire inspirée d'une histoire vraie qu'on lui a
raconté alors qu'elle était enfant et vivait loin des villes.
Ce
qui en premier saute aux yeux c'est l'image. Celle de la nature que
surveille Egor. Ces arbres majestueux qui se reflètent dans le
fleuve, mais aussi l'aspect rugueux que ça confère au film et à
ses personnages. Les décors : les extérieurs de la maison de
notre personnage principal, ses clôtures, les cabanons, le bardages,
tout est rugueux et pas traité. A l'image d'Egor ce mal alpha qui
prend tout en charge, il calcule comment payer ses funérailles, il
établit une liste d'aides que devra demander sa femme en tant que
veuve, il va jusqu'à calculer quant est-ce qu'il rentrera en soins palliatifs (après avoir récolté les pommes de terre). Mais c'est
compter sans sa femme qui finit par le savoir et devant le manque de
perspective le traîne chez une chamane. Une chamane qui au détour
d'une conversation , lors d'une beuverie post consultation, lui
racontera un conte pour enfant qui donnera une prise à cet homme
malade sur cette situation.
vous
entrez dans une période sujette au spoilers.
Et a
partir du moment où Egor décide de se déguiser en femme pour
tromper la mort, diverses choses changent. D'abord la lumière et on
remercie le directeur de la photo, qui nous offre des moment
intimistes, éclairés d'une lumière dorée qui ne révèle rien, et
qui transforme tout.
Les
réalisateurs jouent de leurs virtuosités, ils utilisent les gros
plans( d'une partie de la nuque, d'une épaule) ou floutant les
produits qu'Egor va acheter en catimini (sous vêtements féminins ,
rouge à lèvres, mascara, fards, vernis, robe, collant, bottines,
sac à main)...mais cette transformation qu'il n'explique jamais dans
un pays aussi homophobe est synonyme d'exclusion à minima. De plus
dès qu'il commence à s'habiller à femme, sa gestuelle est aussi
féminine, sa manière d'enfiler ses collants avec une infinie
délicatesse sensuelle, sa manière de se baisser et de s'accroupir
en enroulant ses bras autour de ses genoux.
En
plus de cette gestuelle, la mise en lumière donne à Evgeniy Tsyganov une aura et une douceur toute particulière.
Il
est très intéressant de voir le regard que la société russe porte
sur la femme au fil de cet métamorphose. Je ne vous donnerai pas le
point qui semble être culminant en tant que femme et lui sauve la
vie. Mais c'est édifiant de s'apercevoir que cet homme qui gérait
tout quand il devient femme ne s'occupe plus de rien, ni de l'argent
pour sa famille, ni des problèmes que son comportement va amener, ni
ce que va devenir de son fils... de même il est incroyable de voir
cet homme qui au début du film tue un braconnier à main nue après une bagarre, ne pas bouger quand on le bat parce qu'il est habillé
en femme
Ce
film est,beau fort et abrupte. La photographie est un bonbon, et la
mise en scène un cadeau . Les acteurs principaux sont si bons qu'ils
en sont déstabilisants. Ici on parle plus de ce qu'est être LGBT ou
une femme en Russie que d'une fin de vie en Sibérie.
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