Les Cendres du Temps (Redux)

by - juin 07, 2018




LES CENDRES DU TEMPS (redux)
de Wong Kar-Wai

A l'entrée d'un désert, une maison, qui par bien des aspects semble être une auberge, un homme Ouyang Feung. Ouyang n'a que peu de visites, un ami et quelques clients. Des clients car Ouyang est un intermédiaire, il met en contact les personnes qui ont un problème avec d' autres qui ont la solution. Quelqu'un qui veut se débarrasser d'une personne et celui qui peut le faire pour lui.

Les cendres du temps est un film particulier dans la filmographie du réalisateur, voire dans l'histoire du cinéma. Film, laissé en plan en pleine post production pour donner naissance au magique Chungking Express, mais qui finit par sortir en 1994 à Hong Kong et 1996 en France. Contrairement au film précédemment cité, ce film ne rencontra pas le succès et c'est peu dire.
Mais il prit une place particulière dans le cœur des aficionados du réalisateur.
Wong Kar Wai souhaita retravailler son œuvre, et il obtint le droit de le faire et ce film ressortit en format rédux en 2008. Difficile de trouver une définition, d'un film «reduxé», on pourrait dire que c'est une nouvelle lecture d'un film qui aurait été rénové avec d'autres matériaux, ou de nouvelles technologies. Appliqué à la musique on dirait que c'est proche d'un morceau remixé. C'est donc la dernière version de ce film, celle que veut nous délivrer le maître, forcément plus aboutie et plus personnelle.
Les cendres du temps est aussi particulier dans sa genèse et dans sa forme.
Parlons de sa genèse et de sa nature propre. Ce film s'inspire d'un Wu xia qui se décline en trois romans. Là, c'est le premier volume qui était censé être adapté la légende du héros chasseur d'aigles de Jin Yong. Mais finalement ce film s'en éloigne rapidement et finit par s'en détacher.
Ce long métrage reste cependant un wu xia pian, sauf que là aussi le scénario prend du recul sur de ce qu'est un wu xia pian. Le personnage central n'est pas un chevalier errant, qui va affronter diverses épreuves et divers combats, comme il devrait l’être traditionnellement. Notre héros est sédentaire, et les combats ce sont les autres qui les effectuent. Ces combats sont censés être centraux dans ces films. Ici il y a des combats, mais ils ne sont qu'une partie de l'histoire. Et certains trouveront qu'il y en a peu pour un Wu Xia Pian, même si moi j'ai apprécié l'équilibre de ce film. De plus il n'aborde jamais les thèmes des wu xia qui sont l'opposition du bien et du mal; et entre le devoir et le désir.
L'utilisation de la voix off, majoritairement d'Ouyang, mais aussi d'autres personnages lui donne un accent introspectif qui est très singulier, et ne colle pas avec ce genre de film.
Ce film est le seul apparenté au wu xia pian de la carrière de ce réalisateur, au moins jusqu'à présent et il dénote dans son œuvre qui est majoritairement urbaine et qui s'inscrit dans son époque. De plus on ne peut s’empêcher de penser aux westerns, les couleurs, ce désert balayé par le vent, certains départs de personnages. On ne semble jamais loin de ce genre. Tout cela laisse entrevoir une importance particulière voire personnelle que ce long métrage a pour son créateur.
L'image ici est incroyable, retravaillée dans cette version, par Christopher Doyle. Les filtres, la colorisation, tout rapproche les images du film d’œuvres peintes. Rajoutez à cela une partie du film très calme presque posée. C'est vraiment très beau.
La composition de l'image et la mise en scène sont toujours maîtrisées. Les jeux d'ombres et de lumières sont poétiques en diable, il y a une scène avec la cage d'un oiseau assez extraordinaire.
Il se dégage de l'image une fascination presque hypnotique.
L'histoire est chapitrée. Elle se décline en fonction des saisons, chaque saisons contenant sa propre histoire, ses personnages, certains d'entre eux traversant les saisons, d'autres ni survivront pas.
Ce film est un film chorale qui dévore les acteurs. Ils ont une maîtrise de leur art assez spectaculaire. Les exemples les plus marquants sont les actrices Maggie Chung et Carina Lau. Et spécialement cette dernière. Elles ont de petits rôles, presque muets, et pourtant elles dégagent une émotion, et ont une existence forte à l'écran.
Tony leung (acteur fétiche de Wong kar-wai) et Tony Leung (qui joue entre autre dans détective Dee)s'offre le luxe d'une scène commune qui fait frissonner le spectateur. Les deux sont très bons dans leurs rôles. Le regard plein d'humanité, et qui s’éteint du premier venant compléter le regard sombre et mystérieux de l'autre. 
Je ne peux pas parler de tous les acteurs mais je ne peux pas faire sans parler de Leslie Cheung qui joue Ouyang Feung. Il arrive à la fois à bouffer l'écran quand il est seul et qu'il doit tenir l'histoire, et à être le sparing partner parfait laissant aux autres acteurs prendre toute la place le reste du temps.
Le message du film est sujet à beaucoup d'interprétations certains y voient une dystopie, d'autres ont une interprétation sur la notion d'identité et de mémoire cohérente avec l’œuvre et la vie de Wong Kar Wai. Le postulat étant que c'est notre mémoire qui forge notre identité.
Mais une chose est sure ce film parle d'amour. De l'amour que l'on a pour celle ou celui qui partage sa vie; de celui que l'on a pour soi, et en cela la première histoire est sublime; pour les autres en général; et pour tout ceux que l'on aime.

Ce film est plus dure à appréhender que d'autres du même réalisateur. Mais quel extraordinaire voyage .

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