Coffee and Cigarettes

by - juin 12, 2018



COFFEE AND CIGARETTES
de Jim Jarmusch



Niché entre ghost dog et broken flowers, ce film qui ne ressemble à aucun autre est un cri du cœur de Jim Jarmusch. Il est le fruit de sa volonté de revenir à des films à plus petits budget, plus intime, plus personnel. Ce qui le rend impossible à résumer, si ce n'est de dire que c'est onze segments où deux personnes se retrouvent autour d'un café dans différents lieux, avec différentes histoires, quelques minutes d'une conversation volées entre eux. 
Et d'un autre coté il est difficile de parler de ce film sans commencer par la beauté de l'image. Si quatre directeurs de la photographie ce sont partagés les différents segments: Tom Dicillo, Frederick Helms, Ellen Kusas, et Robbie Miller, il y a une vraie identité visuelle avec des contrastes forts et des noirs puissants. Il n'y a que peu de moments où la lumière baigne la pièce. La composition des plans, et la mise en scène elle même, compose des images et des moments vraiment très beaux. Je trouve que la fin des premiers segments et la manière dont ils se terminent avec un plan où les tables et les tasses sont filmées à la verticales, ont une construction telle qu'elle n'est pas sans rappeler une nature morte avec son lot de détails et accessoires.
Si vous aimez les films de Jim Jarmusch, vous retrouverez les marqueurs du réalisateur. Il y a des clins d’œil à ce qu'il a fait, et des idées sur ce qu'il fera.
Prenant mon adoré Paterson, qui sortira plus de dix as après. De ce film, le réalisateur dit que c'est une ode aux détails. Mais c'est déjà le cas ici. Chaque petite chose posée sur les tables, ou dans les décors ont une importance. Pas un rôle marqué et lourd à la manière du fusil de Tchekov, mais ils disent quelque chose, du moment ou des personnages. Et je ne vous parlerai pas des tables en damier, ou des tasses de café qui nous ramènent directement aux choix de décoration de Laura.
On a le même sentiment avec tous les films que l'on peut avoir vu de cet homme. Je suis aussi certaine que chacun ressentira ou percevra différemment les moments qui nous renvoie à ses autres films. J'ai adoré me retrouver à table avec des mafieux qui me ramenait directement à l'univers de ghost dog. J'en ai presque était émue.
Il y a autant de thèmes que de petites histoires, là aussi on retrouve ceux qui sont chers au réalisateur. Par exemple Jim Jarmusch a une véritable fascination pour Tesla, sa vie, ses inventions et la manière dont il est perçu aujourd'hui. Volé, presque oublié, et n'ayant pas eu la reconnaissance qu'il aurait du parce qu'il ne travaillait que dans le but de fournir une énergie gratuite pour tout le monde. Il paraît presque logique de le retrouver dans un des échanges. Ce n'est pas le seul de ses thème de prédilection que l'on retrouve. Il y a aussi entre autre sa fascination pour les doubles , les jumeaux, les cousins... comme on peut s'en douter on croise aussi des acteurs que l'on recroisera dans son œuvre, et ses amis.

Ce long métrage est aussi personnel car il a eu une longue gestation, son origine est un court avec trois vignettes que le réalisateur appelait cigarettes and coffee. Et ceci explique aussi sa complexité, sa richesse, voire la difficulté se laisser prendre par lui. Il me fait penser à un album, à un vieux vinyle, noir et intense. Sa segmentation nous ramènent aux différentes chansons qui composent un album, toutes différentes mais avec un fil conducteur. Un sentiment se dégage de chacun, et le tout forme une atmosphère porteuse de messages puissants.
L'omniprésence des musiciens de Iggy Pop, aux white stripes en passant par des membres du wu-tang clan voire Tom Waits, ainsi qu'une ost de rêve donnent un imprégnation musicale encore plus importante que dans ses autres œuvres. C'est le fil conducteur du film.
Ces segments bien que totalement indépendants forment un tout vraiment cohérent qui parlent d'une certaine vision de l'humanité, des inégalités sociales, des convenances et des sentiments, du respect des autres et de leur culture...

Ce film ne se livre pas facilement, comme sa somptueuse beauté de photos sur papier glacé peut le laisser croire. Il est une expérience à part entière.




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