Chungking Express
CHUNGKING EXPRESS
de Wong Kar Wai
Aujourd'hui pour se recentrer sur les valeurs du cinéma, les cinéastes décident de tourner dans des formats improbables où seule une poignée de privilégiés peuvent en profiter dans des conditions optimales. En 1993, Wong Kar Wai décide de tourner chungking express pendant une pause durant le montage du film les cendres du temps.De cette expérience, il dit «j'ai tourné chunking express en moins de trois mois. J'ai choisi de faire un film avec un budget très réduit, et le filmer la plupart du temps caméra à l'épaule. Je voulais retrouver les bases du cinéma. Je pouvais m'appuyer que sur mon esprit créatif»
Ce film retrace l'histoire amoureuse de deux policiers. Le matricule 223 He Zhiwu, en plein chagrin d'amour depuis presque un mois. Et qui décide de tomber amoureux de la première femme qui rentrera dans un bar. Puis celle du matricule 633 qui doit affronter l'abandon de la femme qu'il aime et aidé par Faye.
Le scénario que Wong Kar Wai écrivait le jour pendant qu'il filmait la nuit raconte deux histoires qui n'ont en commun qu'une scène et le midnight express un bar à salade et à sandwichs où les policiers viennent chercher leurs repas. Ces deux histoires ont des univers différents alors qu'elles se situent au même endroit. Dès les premières minutes, le film nous embarque dans une course poursuite, avec une photographie qui joue avec les flous et une certaine impression de vitesse. Ce sont des séquences qui comme des vagues, se brisent sur l'immobilité du policier. Il essaye de se convaincre qu'il n'a pas de raisons de penser qu'il traverse
un chagrin d'amour. Ces moments s'alternent, ponctuaient de la poésie qui est l'un des marqueurs de ce film. Pour le reste, c'est un habillage de film noir et respectant ses critères. Une femme par qui le danger arrive, sans scrupule, avec trench coat et lunette de soleil; et LA voix off tantôt elle et tantôt lui.
Puis de l'autre coté un homme abandonné lâchement par un courrier laissé au midnight express, dans un univers plus lumineux, aux couleurs acidulées, des scènes tournées en journées, le sourire mélancolique de ce policier et le lumineux personnage de Faye. J'ai souvent lu à propos de ce film que l'histoire n'était pas originale, mais que... Je trouve que c'est mentir que dire cela. Il faut d'abord parler des histoires, elles sont donc deux avec des identités marquées. Ensuite les angles sous lesquels sont abordées les histoires autant visuellement que les éléments qui les constituent sont inhabituels. Je trouve que tout est original.
La photographie et la lumière prennent encore plus d'importance dans ce contexte. Le budget minimaliste de 600 000 dollars oblige la réalisation à être maline, et ingénieuse . Ils utilisent les lumière de Hong Kong, les éclairages, les devantures créant la vitesse ou semblant ralentir le fil de la vie en fonction des moments du film. La photographie est dirigée par Christopher Doyle qui déploie un talent incroyable pour faire cohabiter ces deux histoires , avec des identités très différentes, tout en gardant une cohésion visuelle voire une unité. Pour la lumière il fait équipe avec Andrew Law et leur travail est plus que remarquable, il est l'un des éléments marquant de ce film.
L'une des caractéristiques principales de ce long métrage est la poésie qui s'en dégage.
Certains comme le «key maker» du blog, y verront poindre de la mélancolie. Moi je ne l'ai pas ressenti comme cela. Je me suis juste laissée porter par la justesse des mots et des images que ces derniers créés, en plus de celles du film. Mais je peux avouer sans rougir que j'ai été bouleversée parce que transpire la deuxième partie du film. J'ai été envoûtée par cette histoire. Ces moments de magie que le personnage de faye amène, et l'alchimie qui se créée à l'écran avec tony Leung qui rend tout possible. Les moments de conversation entre le policier et les éléments de sa vie quotidienne. Son savon qui se laisse aller, sa serviette qui pleure. Des moments d'un équilibre parfait qui ne tombent jamais dans le ridicule. Tout cela enrobé dans une bo parfaite, qui exacerbe nos sentiments. La reprise de la chanson des cranberies par Faye Wong qui avant d’être l'interprète de la douce Faye du film (son premier rôle) est une pop star, est irréel de beauté et de justesse.
La réalisation prend le temps d'installer ses personnages. On les voit évoluer, on les entend réfléchir. C'est juste ce que j'aime. Le pendant c'est que ça nécessite un casting solide. Et c'est le cas.
Commençons par Brigitte Lin qui interprète la femme aux lunettes, mystérieuse. Je ne peux même pas imaginer combien jouer autant dissimuler par un costume doit être difficile. Mais elle est impeccable dans ce qui sera son dernier film.
Le matricule 223 est joué par Takeshi Kaneshiro. Super touchant dans son interprétation d'homme seul. Sa justification du running en cas de chagrin d'amour est bouleversante. Comme lui, qui est d'une justesse sans faille à chaque moment de son évolution.
Faye Wong est magique. Elle interprète Faye avec une légèreté qui rend crédible toutes les situations. Son personnage restera longtemps gravé en moi, tout comme sa chorégraphie avec les sauces salade. Elle m'a bouleversée.
Tony Leung, je suis toujours en admiration devant lui. Là dans ce rôle improbable, en train de converser avec d'immenses peluches, il a montré une facette de son jeu d'acteur que je ne connaissais pas. Et il l'a rudement bien fait.
J'ai adoré ce film. Il a ouvert des portes en moi, il a su faire fonctionner des mécanismes que j'avais oublié, et que surtout je ne pensait pas qu'il actionnerait. A l'origine ce film comptait trois histoires, et finalement deux seules seront mises à l'écran . La troisième sera le point de départ d'un prochain film Les anges déchus.
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