Broken Flowers
BROKEN
FLOWERS
de
Jim Jarmusch
Un film de Jim Jarmusch est un enchantement sans cesse renouvelé.
Chaque nouvelle œuvre du cinéaste est un enchantement. Et comme il
m'en reste à voir, je les délecte lentement. Sur le papier
celui-ci est le plus délicat.
Don Johnston a une bonne soixantaine d'année, et est en train de
se faire plaquer par sa toute jeune compagne. Toute habillée de rose
Sherry claque la porte, car il n'est pas capable de s'engager et de
former un couple. Alors qu'elle part, une enveloppe rose se perd au
milieu de son courrier. Loin d’être une lettre d'amour, cette
lettre lui annonce qu'il a un fils d'une vingtaine d'année qui est
probablement à sa recherche. Cette lettre n'est pas signée. Sous
l'impulsion de son bienveillant et détective fantasmé voisin, il
fait une liste de ses amoureuses d'il y a une vingtaine d'années et
part leur rendre visite à la recherche de l'identité de ce fils.
Avant toute autre chose, il faut que vous sachiez, qu'autan j'aime
Jim Jarmusch autant je déteste le jeu de Bill Murray. Il n'y a pas un
seul film que j'ai vu de lui qui trouve grâce à mes yeux. Depuis
des années j'ai une politique d’évitement des que je vois son nom
apparaître. Je n'ai jamais vu Lost in Translation, et depuis des
mois je dois voir Broken Flowers, et la vie aquatique de Wes
Anderson. Les questions sont Jim Jarmusch, dirigera assez l'acteur
pour que son jeu soit différent, où est-ce que le film sera
tellement bon que ça me fera oublier ce ressenti?
Et bien non. Jim Jarmusch dans ses films fait parler les silences.
Ils sont des négatifs qu'il utilise et qui sont explicites et
riches. Le silencieux Ghost Dog en est un très joli exemple.
Ce qui marche avec des acteurs, ne fonctionne pas avec d'autres.
Disons le Murray fait du Bill Murray, mêmes mimiques, mêmes
expressions. Ces silences sont un show de l'acteur, jamais on ne
sent une intériorité, jamais on a l'impression qu'il se passe
quelque chose en lui, tant il joue de ses moues et de son regard
triste. Et dès le début du film, il les habite bruyamment. Ce qui
est l'une des signatures du réalisateur est corrompu immédiatement.
Je me suis longuement demandée si mes sentiments sur cet acteur
avaient influencé ce que je pensais, si avec un autre acteur ça ce
serait mieux passé? Au début je me suis dit que oui, car il y a de
nombreux problèmes inhérents à son jeu, et soyons clair ici il y a
une démonstration d'école sur le fait qu'un jeu d'acteur, peut
être totalement inadapté à une réalisation. Je ne me prononcerai
pas sur le fait qu'un acteur doit-être malléable et s'adapter à
toutes les réalisations, où avoir un jeu très personnel qu'il
accole à chacun de ses choix. Mais la, la patte Jarmusch et le jeu
Murray desservent Don Johnston. Mais c'est loin d’être la
seule chose qui cloche.
Une autre caractéristique de ce réalisateur sont ses images, ses
cadres parfaitement choisis, ses décors parfaitement étudiés.
Ici tout est terne. On passe d'une maison à l'autre,et il y a
toujours qu'une autre teinte de grisaille. Les couleurs sont froides
en générales. Et contrairement à d'autres de ses films, les scènes
où l'éclairage et les couleurs sont plus chaudes ne viennent jamais
contraster celles plus grises. C'est même le contraire, elles sont
ternies par ce qui les entoure. Par exemple le passage où il
rencontre Laura, qui est pimpante, avec une maison, une fille, une
vie haute en couleurs, ne réchauffe jamais le film.
Car les décors parlent des femmes qu'il a connu et de ce qu'elles
sont devenus, il y en a cinq. C'est ici que le scénario me fait
grincer des dents à résumer une femme à «son intérieur»,
mais il le fait des le début. On rencontre Don Johnston chez lui,
dans un intérieur vieillot mais luxueux, échappé d'un magasine de
déco du début des années 90. on rencontre ses voisins chez eux
aussi, mais j'en parlerai plus tard. Donc le spectateur se retrouve à
jauger des femmes sur leurs maisons, sur ce qu'elles vont dire dans
les dix lignes de textes qui leurs sont imparties. Et là on
convoque les stéréotypes sur la maternité, le couple, la vie en
générale, la sexualité... Ça devient très mécanique. De
plus le scénario met en place une évolution linéaire de ces
rencontres. Des la seconde visite on comprend comment va se passer la
prochaine, mieux ou moins bien, je vous laisse le découvrir.
Le stéréotype est partout, et les facilités d'écriture
aussi. On rencontre Don, en train de voir un film sur Don Juan, oui
oui! Il passe le film à préciser que c'est Johnston avec un T., je
n'ai compris qu'en écrivant ce billet que c'était en rapport avec
l'acteur, play boy des années 80. Alors oui, la réalisation
s'acharne à le faire paraître sur le retour, et à gommer l'homme
qu'il était. Mais avons nous vraiment besoin d'appuyer autant sur le
séducteur qu'il était, la liste des conquêtes n'est-elle pas assez
longue, et son comportement parlant?
Les fleurs utilisées sont aussi des métaphores, il amène
des fleurs à chacune des femmes qu'il va voir... des fleurs roses,
comme la lettre. Pour voir leurs réactions et deviner si c'est elles
qui l'ont envoyée. Les fleurs ne sont jamais les mêmes, parfois ce
sont des fleurs cueillies à la va vite au bord de la route, et
beaucoup de choses ne sont pas très belles, autour de ces bouquets.
Le film ne parle pas vraiment de la parentalité, que ce
soit de la paternité ou de la maternité. Il enfonce quelques portes
ouverte, déclame deux trois stéréotypes, mais pas de réflexion
ou introspection.
Si je n'ai pas trop aimé ce long métrage; il y a aussi des choses qui m'ont profondément gênées.
A être si
caricatural ce film est parfois limite sur bien des sujets. Limite
misogyne, avec cette accumulation de femmes, toutes plus ou moins
perdues voire névrosées. Qui ont finalement couché avec ce pauvre
type.
Caricatural, et c'est ce qui m'a le plus dérangée, avec le
couple de voisin. Des gens de couleur, qui ont plusieurs enfants,
avec un intérieur multicolore, des tentures afro, une mère qui fait
tout, un père qui glande devant son ordi. Et quand il va boire un
café chez son ami. Il va boire de son café éthiopien.... stop!!!
c'est juste raciste
dernier point. Je m'en fiche que l'on mette une lolita dans
l'histoire. Mais elle porte déjà ce prénom, a tous les éléments
visuels pour la renvoyer au personnage du roman , alors pourquoi lui
faire traverser l'écran nue. Ça m'a tellement surprise que j'en ai
sursauté.
Je ne garderai pas un beau souvenir de ce film. Je n'ai pas
retrouvé ce que j'aime chez ce réalisateur. Du scénario, à
l'acting ce film convoque les facilités. Et même, la photo toujours
soignée de ce réalisateur semble souffrir .
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