La Tortue Rouge
LA
TORTUE ROUGE
de
Michael Dudok de Wit
Vu
de loin, la tortue rouge
avait tout pour me plaire. Un cadre bucolique, un ton poétique,
toutes ces choses qui me touchent. Et s'est pour cela que l'on s'est
installé devant un soir.
Un homme, seul sur une barque se fait chahuter par
une tempête et se retrouve sur une île qu'il peut traverser en
quelques heures; et ou il est seul avec des crabes. Il décide de
construire un radeau et de repartir en mer... il ne va pas aller
loin.
S'il y a une chose que l'on m'a promise et que j'ai
retrouvé ici c'est son graphisme très particulier. Il est épuré
et n'est pas sans rappelé les dessins animés de mon enfance (les
années 80), les corps sont sculptés, mais les visages sont
stylisés. Ils ont juste assez de détails pour permettre de faire
passer les expressions et les sentiments. Les arbres sont le plus
souvent résumés à des troncs minimalistes dont on ne voit que
rarement le feuillage. Les crabes ont un peu l'aspect d'origamis, et
je les adore. Une personne est parfaitement détaillée et représentée
avec précision, c'est la tortue rouge. Lors des scènes aquatiques
elle est royale et de toute beauté. Tout cela plonge le spectateur dans un univers
particulier, et comme à chaque fois
ces choix peuvent être clivant.
L'unité de lieu, cette île pas vraiment déserte,
ne facilite pas non plus la vision de ce film. Il se passe dans
quatre décors: la plage de sable fin, la petite foret et son lac, un
gros rocher... et la mer. C'est vrai que parfois ils sont
accessoirisés par la pluie ou par la nuit. Mais ce sont toujours les
mêmes endroits, ce qui donne au spectateur , mais pas du tout aux
personnages, un sentiment de confinement.
J'ai été sensibles aux scènes de nuit, j'ai été
touchée par la magie qui s'en dégage, tout comme les scènes
aquatiques qui sont quasi hypnotiques. Ce sont des moments
d’équilibre parfait.
Tout cela est mis en valeur par une bande son
organique, et c'est quelque chose qui me touche beaucoup. La pluie
qui tombe sur les feuillages, et sur le plan d'eau; les roulis de
l'océan, le vent qui claque, on a l'impression d'y être,
l'immersion est totale. Quant à la musique ici c'est un très bel
écrin composé par Laurent Perez del Mar. Elle vient envoûter des
scènes toujours plus oniriques.ce sont les seules choses que nous
entendrons. Car la communication entre les personnages est non
verbale. Parfois un petit cri complice retenti mais c'est rare. Même
l'enfant qui naîtra sur cette île ne sera pas éduqué par le
verbe. Et c'est une autre particularité qui peut être clivant.
Ce film d'animation est une ode à la nature. Un
poème qui glorifie sa beauté et la nécessite pour l'homme de vivre
en harmonie avec elle. Mais je me demande si ce n'est pas plus. Si ce
n'est pas une énième version de l'énigme du sphinx, une métaphore
sur ce qu'est l'essence d'un être humain. Le naufrage est une
(re)naissance, la lutte pour partir de l’île une rébellion (peut
être l'adolescence), puis vient le moment de l'acceptation et le
choix de rester et de former une famille, et ceci expliquerait la
suite du film. Mais si c'est cela, une question ce pose pourquoi la
tortue rouge? Qui a-t-il derrière cette image? Au point de vue du
design elle est sublime, quelque soit son aspect, mais je n'ai
absolument rien ressenti pour elle ni sympathie ni empathie. L'unique
personnage vraiment touchant est l'enfant mais là encore ses
caractéristiques dignes d'aquaman m'ont légèrement perdue. Mais
l'attachement au personnage a été supérieur à tout ça. Je tiens
à vous raconter la frustration qu'a été la mienne de ne pas
comprendre précisément quelles étaient ses choix et ses attentes,
ni ce qu'il comprenait de ses caractéristiques et de ses origines.
Et c'est une des nombreuses questions sans réponses
qui m'ont laissée perplexe. La représentation de la femme est
gênante. Puis pourquoi ce choix narratif?cette fin? Pourquoi la
scène d'amour a un imagerie digne des années 70 (oui, faire un
enfant c'est se serrer dans les bras et s'envoler...). Tout ça me
dérange et me perd.
Je n'arrive pas, non plus à expliquer autrement, le
fait que ce film si court m'est semblé si long alors que plein de
choses se passent, si ce n'est par mon manque de compassion envers le
personnage qui a fait de moi une spectatrice passive.
Ce film m'a laissé le goût des poèmes qui ne vous
touchent que peu. Je vois les figures de styles étudiées, je vois
les rimes riches, je vois le bel ouvrage; mais je n'arrive pas être
touchée par autre chose que de la technique et pourtant je le
voudrai. Mais ce film est une poésie et la manière dont on le
reçoit est fonction de la sensibilité et du moment alors il ne faut
pas hésiter à lui donner sa chance.
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