Mademoiselle
Une très jolie jeune femme coréenne est envoyée dans un domaine isolé pour devenir la dame de compagnie et la servante d'une demoiselle. Demoiselle riche et faible que l'on soupçonne de flirter avec la folie. Elle vit avec un oncle qui la force à lire des livres en japonais pendant des séances sans fins et très mystérieuses. Si la situation semble simple au premier regard, rapidement le film dévoile les grands axes d'une arnaque montée par « le comte », tout ceci dans un décor imprégné des années 30 ou se passe le film et dans le contexte de guerre coloniale japonaise en Corée.
Mademoiselle, c'est avant tout une très bonne histoire, inspirée par un roman de sarah waters qui lui se passe en Angleterre et le réalisateur qui est aussi un des scénariste cultive ce coté littéraire. Il utilise la partition en trois parties, ou l'on sent presque le rythme langoureux de longues phrases, pour nous raconter l'histoire en suivant divers personnages, divers points de vues, complétant le fil narratif au fur et à mesure et l'éclairant différemment. Puis cet amour des livres qui est mis en exergue permet de placer le spectateur dans une situation particulière au moment ou il assiste aux lectures.
Mais même si ce film parle des livres il n'en délaisse pas son esthétisme, les décors sont d'une beauté sans nom, la photographie est tellement soignée que chaque image peut être peinte et exposée. Rajoutez à cela leurs charges en sensualité et des caméras qui s’attardent sur une nuque, sur une épaule. ainsi que les costumes toujours suggestifs, toujours magnifiques, dont la douceur et la finesse de la soie semblent traverser l'écran. Chaque détail est pensé pour que ce film soit une expérience visuelle unique, et cependant le déroulé de l'histoire ne s'en ressent pas il n'y a pas de longueurs, le film rebondit et se dévoile toujours et tout le temps.
C'est le principal axe du film, on peut lui faire porter tous les messages que l'on veut, mais c'est avant tout un discourt sur l'amour. Et un discourt fort ou chacune d'entre elles permet à l'autre de s'affranchir de ses chaînes et d'être autonome, l'une fuyant un mariage qui l’amènerait à sa perte et à sa ruine et l'autre apprenant à lire et accédant à un nouveau monde.
Puis il y a cet amour plus fort que tout, cet amour qu'elles ne peuvent ni réprimer, ni réellement comprendre. Un amour qui rend plus fort, plus courageux et qui balaie tout ce qu'il y a sur sa route. Le fait que ce soient deux femmes dans cette société coréenne si patriarcale et dans un contexte très phallocrate leur permet de passer entre les gouttes. Personne ne voit ce qu'il y a entre elles, pourtant leurs sentiments crèvent les yeux. Puis comme dans chaque histoire d'amour il y a de la sexualité d'abord de la sensualité, puis des scènes de sexes. Ici la nudité et les positions sont douces et bizarrement jamais voyeuristes ou gênantes.
De même si ce film parle de femmes qui gagnent leurs indépendances, je ne vois pas pourquoi il faut le qualifier de féministe. les personnages sont forts, je les aime énormément mais elles ne sont représentatives que d'elles même. et je me demande si l'ultime scène du film n'est pas là pour jouer les gardes fous et l’empêcher d’être catalogué.
Ce film est un très beau film. Un des plus jolis que j'ai vu au ciné cette année. Il se suffit à lui même. Pas la peine d'essayer de le mettre dans une case, ou de le caractériser par autre chose que par sa beauté, son histoire, son fil narratif tellement original.
2 commentaires
Décidemment le cinéma sud coréen cette année est dans une grande forme. Hâte de voir Tunnel et Age of shadows l'an prochain (faut que le Kim Jee Woon optienne un distributeur). Un film subtil, érotique et sensuel, se jouant de la perception du spectateur. Probablement ce que j'ai vu de mieux de Park Chan Wook.
RépondreSupprimerC'était sublime en effet
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