Comancheria

by - octobre 12, 2016


Après la mort de leur mère, deux frères organisent une série de braquages, visant uniquement les agences d’une même banque. Ils n’ont que quelques jours pour éviter la saisie de leur propriété familiale, et comptent rembourser la banque avec son propre argent. À leurs trousses, un ranger bientôt à la retraite et son adjoint, bien décidés à les arrêter. 
Comancheria – 7 Septembre 2016 – Réalisé par David Mackenzie

Dans un monde ou la finance affecte énormément de domaine, prenant une part toujours plus importante dans nos vies, la question se pose de savoir jusqu'à quand nous le tolérerons. De temps à autre un politique décide que son véritable adversaire, c'est la finance, mais lorsque que les dites banques ont des bons résultats, qu'elles bénéficient de généreux cadeaux fiscaux et qu'elles prévoient malgré tout de licencier, on est en droit de se demander si il y subsiste encore un brin d'humanité. Par exemple le titre original du film de Mackenzie « Hell of High Water » n'est pas anodin, car il fait référence à une clause dans certain contrat de prêt qui intime l'emprunteur à rembourser quoi qu'il puisse lui arriver, mais quand ça prend place dans l'Amérique profonde, sinistrée et sans avenir, les réflexes d'une autre époque ressurgissent, les anciens colons deviennent à leur tour les comanches d'aujourd'hui …

De New-York en passant par le fin fond du Texas, La crise économique aura touché tout le monde. Mais l'Amérique aura su rebondir, sauf qu'elle à oublié des territoires, des villes entières complètement sinistrées ou les plus grands employeurs sont les banques. Impitoyables et sans scrupules, elles acculent les gens qui ne peuvent pas payer quitte à les priver de tout, de logement et d'héritage. Les frères Howard sont dans ce cas là, leur mère est morte et la banque réclame son dut, mais comme aucun des deux n'a de travail, ils se décident sous l'impulsion de Toby a braquer les banques de la firme qui leur demande tout cet argent. Un plan plus cynique que la banque elle même, sauf que si Tanner son frère est un braqueur dans l’âme, lui l'est beaucoup moins et ce n'est pas sans hésitation qu'ils commettent rapidement leur première série de braquage. Hélas pour eux, deux texas rangers se mettent en route pour les arrêter …

C'est un film que j'ai découvert à l'aveuglette ou presque, je n'ai vu qu'une bande annonce la veille de le voir et j'ai bien fait ! « Comancheria » réalisé par David Mackenzie est ce que l'on appelle un « western moderne », qui pue les grands espaces, les chevaux et les personnages bigarrés, mais avec cette petite réactualisation qui font d'eux ce qu'ils sont, plus que des simples westerns. Et pour réussir ça, on trouve le scénariste Taylor Sheridan, qui revient sur ce film avec son deuxième scénario porté à l'écran après celui de « Sicario » réalisé par Denis Villeneuve. Une histoire longtemps courtisé qui fut sur la blacklist 2012 des meilleurs scénario en attente de production et qui dénote d'une réelle qualité.

Le western est une constante importante dans le récit de Sheridan, mais on ne trouve pas que ça. Il y a du film de casse, du polar et un soupçon de comédie. Un mélange de genre subtil que Sheridan dose à merveille pour nous emporter au mieux dans son récit. C'est ainsi que le film ne parle pas que d'une simple vendetta, mais bien de personnes, d'humains, avec des destins et des aspirations différentes, qui ont aussi peur du changement que du statut quo, car cela irait contre leurs natures profondes. Celle de retarder l'inéluctable départ à la retraite, de donner un meilleur avenir à sa famille ou encore de protéger un frère qui en a besoin. Et c'est cela qui rend l'histoire si touchante.

Quant à David Mackenzie il emballe ça à merveille et trouve toujours le ton adéquat pour nous montrer ce qu'il faut, maîtrisant l'espace et le rythme avec soin. Que cela soit au début avec ce sympathique plan-séquence ou alors pendant les moments de vives tensions, comme la fin qui rejoue un duel à mort entre le rangers et l'un des deux frères, Mackenzie fait preuve d'une grande efficacité et il ne nous épargne rien.Il film aussi avec un amour non feint les grands espaces américain, ceux du Nouveau Mexique plus particulièrement, qui plus est magnifié par le travail sublime du directeur de la photo Giles Nuttgens. Reflet par l'image de l'état dans lequel se trouve une partie du Texas, ravagé par la crise mais beau à en mourir. Ou l'écho de la bande original signé par Nick Cave et Warren Ellis résonne dans chacun des plans magnifiques que parcours le film et qui donne à son tour envie de parcourir ces longues routes …

Ce territoire que Mackenzie met en scène fut il y a plus de 200 ans un territoire Comanche ! Et comme la majorité des peuples amérindiens, ils furent chassés de leurs terres et parquer dans des réserves par les colons américains. Une tache indélébile dans l'histoire des USA qui permets au film de dresser un parallèle amer entre la situation des gens en détresse et celle des Comanches d'autrefois ! D'un coté on trouve les banques, une institution toute puissante qui fait la pluie et le beau temps, de l'autre des gens lambda qui travaillent et s'endettent pour avoir un toit, ainsi qu'un semblant de vie. Mais quand rien ne va, la banque se comporte d'une façon toute aussi inhumaine que les colons d'autrefois, qui n'hésite pas à s'approprie les terres de l'autre, ce que Alberto Parker, le coéquipier de Marcus Hamilton n'hésite pas à souligner, pointant l'ironie de la situation, tout en rappelant le destin de ces ancêtres. Une invitation à la réflexion, sur l'état du système actuel, sur notre passé et sur le futur que l'on veut …

Le casting quant à lui est étonnant et impeccable. Tout d'abord un mot sur l'imposant Jeff Bridges dans le rôle de Marcus Bridge, le texas ranger raciste et irascible ! Un rôle sur mesure pour les épaules de se grand acteur, qui joue sur la corde paternaliste avec subtilité pour dépeindre ce personnage aussi agaçant qu'attachant. Puis on trouve Gil Birmingham dans le rôle de Alberto Parker, l'autre Texas Ranger et adjoint de Bridge qui complète bien son partenaire a l'écran, avec plus de nuance, de retenue et surtout un point de vue externe et concerné par les événements raconté dans le film. Ben Foster qui joue Tanner Howard est un acteur que j'apprécie, mais qui joue souvent dans des films qui ne lui sied guère, sauf qu'ici, il tient certainement l'une de ses meilleures performances. Nerveux, caustique et increvable, il rend ces lettres de noblesse et tout son sens au mot sacrifice, faisant de lui le personnage le plus poignant du film. La grande surprise (pour moi) c'est l'interprétation plus que convaincante de Chris Pine, qui m'a littéralement bluffé dans le rôle de Toby Howard. Il est plein de finesse et de subtilité, un calme d'apparence qui cache un profond mal-etre qu'il laisse ressortir par instant, que cela soit pour aider son frère que pour donner un avenir a ses fils. 

C'est pour moi la très bonne surprise de cette année pour l'instant.


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4 commentaires

  1. Chouette article pour un de mes chouchous de cette année, comme tu le dis justement McKenzie trouve le ton parfait, ni sèchement radical, ni foncièrement ironique, un entre-deux avec le néo-western et le polar qui m'a donné beaucoup de frissons. Le duo de tête est très attachant, le charisme de Bridges démonte tout, dans un film qui montre très intelligemment l'asphyxie de la crise économique.

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    1. Excellent film que j'ai pris plaisir à découvrir et qui aura sans difficulter une place de choix dans le top de fin d'année.

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  2. Une reussite! Que dis je, une pépite!

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