Romanzo Criminale

by - août 02, 2016


1975. Le Libanais a un rêve : conquérir Rome. Pour réaliser cette entreprise sans précédent, il met en place une organisation criminelle sans pitié. Pendant 25 ans elle se développera et son histoire sera indubitablement liée à la période la plus noire que l'Italie ait connue ces années-là : terrorisme, enlèvements et corruption au plus haut niveau politique. L'inspecteur Scialoia ne cessera de traquer cette organisation, tout en conquérant le cœur de Patricia, la femme de l'un d'entre eux.

Romanzo Criminale – 22 Mars 2006 – Réalisé par Michele Placido

Quand on apprécie le cinéma, on aime découvrir de nouvelles choses, on a nos valeurs sures, celles qui ne nous déçoivent jamais, puis il y a celles qui nous bousculent et qui nous surprennent, parfois pour le pire, mais aussi pour le meilleur et c'est ce qui s'est passé avec la découverte de « Romanzo Criminale ». Ce film est signé par Michele Placido, un réalisateur italien né en 1946 à Ascoli Satriano. Loin du domaine du cinéma au début de sa vie professionnelle, il est d'abord policier, mais cela ne l’empêche pas de se découvrir une passion pour la comédie et la scène. Il fait ainsi ses premiers pas de comédiens dans la troupe de théâtre de Luca Ronconi, avant d’être révélé par Mario Monicelli dans « Romances et Confidences ». Le début d'une carrière prolifique qui l'amèneront à la réalisation en 1990 avec « Pummaro » qui seront suivis de 10 autres long-métrages dont « Le Guetteur » en 2012, « l'Ange du Mal » en 2011 et enfin « Romanzo Criminale » en 2005.

Le film est l'adaptation du roman du même nom signé Giancarlo de Cataldo. Ce romancier qui est aussi magistrat conte l'histoire d'une bande qui prend le contrôle de la ville de Rome en s'appropriant les activités illégales. Pour cela il s'est inspiré de la « Banda della Magliana » une organisation criminelle basée à Rome qui fut active entre 1970 et 1992. Elle fut aussi mêlée aux différents drames politiques de cette période que l'on appelle « Les Années de Plomb » comme l'enlèvement d'Aldo Moro ou encore l'attentat de Bologne.

Le Libanais, le Freddo et le Dandy sont trois gamins qui rêvent de grandeurs. Une façon pour eux d'échapper à leurs vies de petits délinquants notoires. Bien des années ont passé et ils ne se sont toujours pas calmés. A la sortie de prison du Libanais, il rejoint ses amis et leur annonce son intention d'enlever un richissime baron, en vue de demander une énorme rançon. Mais au final il ne récolteront pas la somme demandée, sauf que cela n’arrête pas le Libanais qui à la riche idée de devenir tout simplement les maîtres de « Rome ». Leurs atouts ? L'effet de surprise et un culot à toute épreuve que les vieilles organisations n'ont pas anticipés. C'est ainsi qu'ils éliminent la concurrence sans difficulté et qu'ils s'offrent la vie dont ils ont toujours rêvé. Hélas on ne chamboule pas tout un éco-système sans risque et que cela soit la Police, la Mafia ou les Politiques, la vie de la bande au Libanais ne sera pas de tout repos ….

C'est au final, une très belle fresque de deux heures trente (2h54 en version longue) qui n'a absolument pas vieilli et que Michele Placido appréhende avec une énergie que Martin Scorsese n'aurait pas renié. Hélas on ne va pas se mentir, l'histoire ne dépasse pas les carcans du film classique sur la mafia. Ici on suit le schéma classique de toute organisation criminelle qui passera de l'apprentissage au sommet en passant bien sur par le déclin. Malgré ça, le film arrive à se démarquer par le traitement de son histoire, mais aussi par la personnalité de ses trois protagonistes principaux qui donnent tout ce relief obligatoire pour accrocher et divertir le spectateur.

Le film de Placido ne se contente pas de conter brillamment l'histoire d'une bande de criminels, il la replace dans l'histoire pour donner un aperçu de l'Italie d'antan. Cette période c'est les années de plomb. Et c'est ainsi qu'il y à en parallèle de l'histoire principale, un regard critique sur ces années là, sur les différents drames que l'Italie a connu, avec l’assassinat d'Aldo Moro, ou encore l'attentat de la gare de Bologne, qui sont autant de témoignage de ces années agitées que de la violence des forces en présence. Mais c'est aussi l'occasion de montrer le rôle trouble de l'état pendant cette période, leurs collusions avec les criminels ainsi que leurs influences envers la police et les différents services des forces de l'ordre. Un témoignage passionnant qui donne une ampleur immense aux divers agissement de la bande du Libanais, ainsi qu'un background riche en drames, mystères et autres complots politiques.

L'autre point fort, selon moi, ce sont les trois personnages principaux que sont « Le Libanais », « le Freddo » et « le Dandy ». On les découvre lors d'un prologue qui pose les bases de leurs aspirations, le premier en impose déjà de par son physique, le second est déjà aussi froid et mystérieux, quant au dernier il ne pense qu'aux femmes et cela se répercutera sur leurs avenirs. Michele Placido fait de leurs vies une tragédie, « Le Libanais » est un chef charismatique qui se veut l'égal d'un empereur, mais tel César, il fut victime de son ambition; le contraire de son ami « Le Freddo » qui trouve une autre raison de vivre que le trafic de drogue, mais quand ses amis seront attaqués il répondra aussi violemment que possible, risquant sa vie, celle de son frère et de sa compagne ; un ami fidèle qui à le sens de l'amitié, ce que « le Dandy » à toujours oublié et son destin sera aussi funeste que la lâcheté qu'il a accompagné tout au long de sa vie. Trois amis qui alimenteront la dramaturgie du film, au cours duquel on s'attache a eux, jusqu'à l'épilogue forcément émouvant …

A partir de ces deux éléments (le contexte politique et les trois personnages principaux) le réalisateur en tire une histoire passionnante, auquel il y insuffle une modernité salvatrice qui casse le coté historique, sans le renier et qui donne un rythme suffisamment énergique pour ne pas s'ennuyer.

Des que « Ballroom Blitz » commence, on sait déjà ou on va partir, ce sont des chiens fous qui n'ont peur de rien et Placido le sait bien, il montre des criminels sans foi ni loi qui casse les codes du milieu dans lequel ils évoluent. Une autre manière de faire un parallèle avec la situation agitée de l'Italie en son temps. D'ailleurs la reconstitution de cette époque c'est fait très intelligemment, car il ne pouvait pas faire de miracle vu le budget du film. C'est alors qu'avec les conseils avisés de Luca Bigazzi son directeur de la photo, il a décidé de resserrer son cadre et de se concentrer sur les personnages en privilégiant les gros plans pour mieux capter leurs expressions. Ce qui est assez bluffant, car on ne perd rien en dynamisme, en lisibilité et s'il le faut, les archives de la TV italienne sont la pour compenser quand il s'agit de retranscrire par exemple l'attentat de la gare de Bologne par exemple. En ce qui concerne la bande-originale, c'est un sans faute qui cumule les tubes des années 70/80, tout comme l'excellent travail de Nicoletta Tarenta qui à fait des merveilles avec les costumes des comédiens.

Le casting du film est juste parfait. On commence avec mon coup de cœur, c'est la découverte de ce superbe acteur qu'est Pierfrancesco Favino qui campe « le Libanais ». Cet acteur à la présence indéniable se hisse à la hauteur de son personnage en étant d'une profonde justesse. C'est un chef, un empereur, mais aussi une personne brisée par une vie de misère ou il a emmagasiné une rancœur tenace envers le système et les gens privilégiés. Cela alimente ainsi ce jeu fait de finesse et d'intensité qu'il traîne tout au long du film. Ensuite on trouve « Romuald » aka « Le Freddo » aka Kim Rossi Stuart ! Il joue le plus proche confident du « Libanais » et il fait cela très bien, la froideur de façade dont il fait preuve contraste avec la chaleur dont il fait preuve pour ses amis. Il reste donc Claudio Santamaria dit « le Dandy » qui n'est pas mon personnage préféré, mais l'acteur se glisse à merveille dans les pas de ce pleutre qui n'assume pas ce qu'il est. A leurs cotés, on trouve Stefano Accorsi dans le rôle du commissaire Scialoja, la magnifique Anna Mouglalis dans le rôle de Patrizia; Riccardo Scamarcio dans celui du « Nero » ou encore la talentueuse Jasmine Trinca dans le rôle de Roberta.

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