Le Congrès

by - mai 23, 2014


Robin Wright (que joue Robin Wright), se voit proposer par la Miramount d’être scannée. Son alias pourra ainsi être librement exploité dans tous les films que la major compagnie hollywoodienne décidera de tourner, même les plus commerciaux, ceux qu’elle avait jusque-là refusés. Pendant 20 ans, elle doit disparaître et reviendra comme invitée d’honneur du Congrès Miramount-Nagasaki dans un monde transformé et aux apparences fantastiques…

Le Congrès – Ari Folman – 3 Juillet 2013

Mercredi le sacro-saint festival de Cannes à commencé, un événement qui plait a énormément de gens sauf que je m'en cogne ! Le Festival permet aussi à Canal de varier un peu sa putain de programmation et de proposer des films qui ont fait sensation l'an dernier comme le très remarqué film de Ari Folman « Le Congrès » avec la talentueuse Robin Wright.

Robin Wright dans le film joue son propre rôle, une actrice de talent, a la carrière bien remplie qui est en retrait depuis quelques années pour soigner son fils. Une noble tache, pleine d'amour et de sacrifice mais le milieu ne le lui rend pas, il est carrément odieux avec elle. Son agent de toujours, une véritable perle la conseille comme il peut, la prévient que sa carrière va s’arrêter mais qui lui reste une solution pour ne pas tout perdre, le studio scanne et numérise ses acteurs, de cette façon ils exploitent l'image de leurs stars a leur guise. Cette alternative la scandalise, elle se sent dépossédée de sa propre image mais malgré ça Robin Wright accepte … C'est ainsi qu'elle continue sa vie, auprès de ses enfants. Alors âgée de 63 ans, elle est invitée au congrès de futurologie, une manifestation qui se passe dans une zone du monde réservée exclusivement a l'animation, ce qui implique la prise d'une drogue spéciale. Une fois dans un monde animé elle découvre l'envers du décors, la Miramount Nagasaki vend de la drogue qui plonge les gens dans un univers bercé d'illusions, ou les barrières tombent une a une et c'est dans un chaos général qu'elle va essayer de comprendre les autres comme elle même …



 Ari Folman est un réalisateur surprenant car la complexité de son film ne se révèle qu'une fois le film découvert. Le scénario que l'on doit aussi au réalisateur trouve son inspiration auprès de l'auteur de science fiction Stanislas Lem et de son livre « Le Congrès de Futurologie », a qui on doit aussi « Solaris », adapté a l'écran par Andrei Tarkovski ou plus récemment par Steven Soderbergh. Si Ari Folman s'éloigne partiellement de ce qu'a pu écrire Stanislas Lem, ce n'est pas tant par irrespect, car on reste dans le thème, dans la futurologie, avec tout ce qui incombe comme vision de notre vie future mais pour se l'approprier et y donner un sens avec notre temps, ainsi qu'avec son art. Il n'évoque pas un conglomérat pharmaceutique mais la toute puissance des studios de cinéma dans un premiers temps mais aussi au mystère insondable que représente le bonheur ....

Le film de Folman est assez atypique, tant pour les thèmes abordés que par la façon dont est construit son film, c'est ainsi qu'un partie est filmés en prises de vue réelles et l'autre est un petit plaisir d'animations. Cette façon de scindé le récit en deux, permet d'aborder avec malice les deux aspects de l'histoire.




Robin Wright est une actrice has-been, qui prend les vérités dans la face comme de violents missiles, par son agent et par son principal producteur, la toute puissante « Miramount » pour des raisons simples, elle ne tourne plus et elle ne fait plus gagner d'argent !!! Mais son image à encore une certaine valeur, une certaine cote, qu'ils compte exploiter « en la numérisant ». Le procédé ne se contente pas de prendre la photo de la personne ou encore ses formes, il s'agit de capter le moindre regard, la moindre expression, aussi subtile que furtive pour ensuite la numériser a volonté !!! Le but est alors très simple, faire un maximum de profit pour un minimum d'investissement, qu'il soit humain ou artistique. Une vision cynique et mercantil du cinéma qui interpelle, car le procédé n'est pas non plus « irréel » et que se passer d'un acteur n'est peut être pas loin de se réalisé, je pense ainsi a la copie numérique d'Oliver Reed décédé au cour de Gladiator ou au ajout numérique pour The Crow dut au décès de Brandon Lee par exemple. La barrière entre acteur réel et virtuel semble alors minime mais cela n'atteint pas les niveaux présentés dans le film, qui eux s'affranchissent de l'acteur. Reste alors le fatalisme de la situation dépeinte, car si Robin Wright a un semblant de révolte, son avenir n'est plus serein, sa situation personnelle quelconque et sa personnalité dépossédée de ce qui faisait d'elle une personne à part, une peur du néant qui n'est pas sans rappeler la frénésie du personnage d'Holy Motors, véritable caméléon qui se plie au diktat de son métier pour exister.







Alors qu'on laisse Robin Wright tout sourire, éclatant de rire, le film fait une ellipse de 20 ans. Une ellipse qui laisse planer plein de questions !!! Qu'est devenue Robin ? Son Image ? L'industrie ? Son manager ? … Un semblant de réponse nous est donné quand elle arrive à un péage, un garde l'attend pour lui donner un produit qui va lui faire voir la réalité comme un grand film d'animation et alterné ainsi sa vision du monde. Elle n'a pas le choix car sa présence est attendue au congrès de futurologie.

Dans cet acte on rejoint la vision de Stanislas Lem mais avec le petit plus qu'apporte Ari Folman. Le procédé utilisé pour crée l'animation, la rotoscopie permet énormément de choses dont celle qui nous intéresse, celle d'apporter du réel a l'imaginaire. Une donnée qui a priori ne sert pas au début, Robin est la pour assister et appuyer une annonce de la firme, mais rien ne se passera comme prévu, la firme toute puissante bascule vers une exploitation de l'image ahurissante, en proposant a une assemblé en délire une drogue les faisant devenir le héros qu'ils souhaitent. Reeves Bobs fait le show et passe d'une icône a l'autre sous les acclamations des invités, d'une assemblé soumise aux moindres mots qui sortent de sa bouche, haranguant avec conviction les contours d'un monde meilleur. Une utopie apparemment ? Mais que fait on alors de l'individu en tant que tel, de son bien être ? De son avenir ? … Robin enflamme l'assemblée pour prendre position contre, la sécurité la renvoie quand une attaque à lieu, une attaque vite arrêtée par l'emploi de drogue. Une drogue qui a plongé le monde dans une réalité factice ou chacun construit le sien selon sa propre envie. Le résultat a l'écran est spectaculaire, car l'emploi de la rotoscopie souligne bien ce qui se passe à l'écran, en nous mettant dans une position d'observateur sujet lui aussi a des hallucinations, on ne remet pas en cause ce que l'on sait, l'animation devenant une prolongation du réel, pourtant peu à peu les frontières se font de plus en plus tenues, plus mince et fragile jusqu'à ce que l'on oublie ce que l'on voit, que le réel se dissolve dans l'imaginaire de l'animation !




L'humanité évolue alors dans un monde onirique, sans haine, sans violence ou chacun est libre de toute chaîne, d'entrave, ou chaque personne façonne son monde selon son désir, s'invente sa vie, réalise ses rêves et ou libéré de tout ego, il peuvent enfin toucher du bout des doigts le bonheur. L'idée de bonheur que met en exergue Folman n'est pas sans rappeler pour moi l'idée que se faisait Hideaki Anno en signant le dernier épisode de l'animé Evangelion, ou il faisait correspondre recherche de soi-même avec l'idée de bonheur qui en résulté, ce qui rapproche Shinji Ikari (Personnage principal de Evangelion) à Robin Wright. Tout les deux sont en recherche de ce manque, latent, profond et dangereux ainsi que de la possibilité par laquelle ils peuvent l'obtenir et au final le fatalisme l'emporte … Une certaine apocalypse pour Anno et un renoncement forcé pour Robin, dans les deux cas, le vrai bonheur ne semble exister que si l'on repart de zéro … Une vision dure, âpre, sombre, dominée par le pouvoir, qui nous laisse de tristes présages …

Ce tourbillon émotionnel que pose Ari Folman devant nos yeux hagards et légèrement embués ! Ce choc sensitif à la limite de l'expérimentation, démontre chez ce réalisateur une vrai profondeur d’âme, tant dans son métier, que par sa façon de nous raconter son histoire. Les deux parties ne se valent pas, on peut ne pas y rentrer dedans et être absorbé par cette illusion collective, surtout que l'une est assez confuse, moi même je m'y suis perdu mais force est de reconnaître qu'il sait conclure son film, de façon claire premièrement mais aussi d'une façon métaphysique qui laisse planer un doute assez violent sur le destin de Robin. Le choix nous revenant à nous spectateurs d'y voir ce que l'on souhaite, un destin tragique ou le sourire radieux et l'amour sans concession d'une actrice pour son enfant, son art …


Le Congrès c'est de la prise réelle, de l'animation, des sentiments, du sens, des gens, de la réflexion, une actrice somptueuse pour un film de science-fiction imparfait certainement, mais d'une richesse rare ... 





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2 commentaires

  1. Superbe critique! Je suis à peu près d'accord avec ton analyse du film, si ce n'est que son traitement du pro/anti-modernité dans le cinéma est également une chose que j'ai ressenti dans le film, et qui lui reste cependant très confus. Mais nous sommes d'accord sur le bonheur et le véritable sens du réel, pas coordonné avec une réalité ou une quelconque raison.

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    1. Je te remercie déjà pour le commentaire :p malgré mon retard pour te répondre ^^
      C'est vrai que parfois le traitement peut sembler chaotique, mais il en ressort quelque de grand au final ...

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