Depuis que ce film est sorti, il me fait de l’œil violemment. Considéré comme l'un des thrillers de l'année, il est souvent comparer à tort ou a raison a des cadors du genre comme Seven et Zodiac de Fincher ou au Silence des Agneaux de Jonathan Demme. Toutefois il faut constater que Denis Villeneuve file dans une autre direction, non pas sans influence ni inspiration mais avec une idée précise du genre. C'est ainsi qu'a la croisée des saisons, Denis Villeneuve livre un film aussi rude que l'hiver Quebecois, entre noirceur et drame intimiste ….

Le film commence assez doucement … On découvre Keller et son fils dans la foret. Le temps est sec, le froid glacial et le silence domine, seulement troublé par un Cerf qui passe. Silencieux, patient et adroit, le coup part avec précision pour un gibier qui va faire le bonheur des familles Dover et Birch pour Thanksgiving. Les Dover au complet, Keller, Grace, Ralph et Anna partent déjeuner chez les Birch. Le repas est exquis, l'ambiance chaleureuse et ils prennent tous du bon temps. Le temps passe, les parents se prélassent, les enfants jouent en toute quiétude, pourtant quand Keller cherche a voir ou sont les deux plus petits enfants, il ne les trouvent pas, il a beau chercher, il ne les trouve pas. La tension s'installe, la panique commence à prendre les deux familles …. Ralph décrit a son pere un camping car qui était proche de la maison. Cette nouvelle lui fait prendre conscience de l'impensable, que sa fille et celle de son amie ont été enlevées. L'inspecteur Loki chargé de l'affaire, prend tout cela au sérieux et ses compétences sont reconnues. Un suspect est vite arrêter, toutefois ce n'est pas qu'une simple enlèvement et l’enquête va bouleverser plus d'une vie ….

Sans manquer de respect au film, il ne ressemble en rien à ceux que j'ai cité plus haut malgré tout Denis Villeneuve livre un thriller d'une très grande qualité.
C'est une histoire qui mis un certain temps à voir le jour. Bon nombre de noms furent associés a ce projet, on a parlé de Bryan Singer, Mark Wahlberg ou encore de Michael Fassbender. Finalement il échu au réalisateur Québecois de l'estime « Incendies », un certain Denis Villeneuve.

Ce qui fait mouche dans ce film, c'est la capacité qu'a eu le scénariste à transformer une localité banale américaine, en un dangereux labyrinthe fait d'apparences trompeuses et de non dit dévastateurs. L'intrigue concoctée par Aaron Guzikowski ne surprendra pas le féru de d’enquête criminelle car certaines pistes se devinent avant la fin, mais tout dans l'histoire est à hauteur d'homme, elle joue avec nos points sensibles, cette rage envers l'autre, la culpabilité qui nous envahit et devant le temps inexorable qui passe, lentement, sans nouvelles, sans avancer. Cette perte de repère et de temps, agit aussi bien sur les familles que sur l'inspecteur Loki et d'un certain coté, le rythme se rapproche du Zodiac de Fincher, dans lequel le temps aggrave les traumatismes des gens …

C'est ainsi que l'on s’aperçoit de ses ravages au fur et a mesure que l’enquête avance, que des vieux dossiers refont surfaces, que des hommes de foi se perdent ou encore que des flics craquent. Tous ses éléments mis bout a bout, donnent une matière de choix pour que le talent de Denis Villeneuve s'exprime, il crée une ambiance assez rude des le début, le climat n'est pas avec nous, la ville paraît toujours déserte et le rythme qu'il impulse oscille entre désespoir, fatalité, noirceur et un suspense savamment dosé. Pour coller au pessimisme ambiant, Roger Deakins soigne la photographie, les tons sont souvent sombres et le rendu semble si suranné que cela en est parfois irréel, ce qui pousse un cran au dessus l'identification en créant un cadre auquel on ne voulait croire.

Et les personnages dans un contexte auquel ils ne pensaient jamais être confronté, ou il ne maîtrise rien, les poussent littéralement a l’extrême. Le plus bel exemple, c'est Keller Dover, chrétien, survivaliste, toujours prêt en cas de catastrophe qui se retrouve désarmé devant ce drame. Son monde s'écroule et il ne lui reste que la vengeance et ce sentiment de vouloir rattraper son erreur. On peut aussi parler de l'Inspecteur Loki, flic d'instinct, opiniâtre et bon enquêteur, hélas son expérience si grande soit elle, ne le prépare pas vraiment a un dossier de ce genre et l'apparente évidence des preuves lui masque la vue, ce qui nourrit chez lui une incompréhension qu'il ne comprend pas. Loki et Keller ont alors un comportement semblable, ils sont prisonniers de leurs convictions, de leurs certitudes, Keller brandit sa foi comme justification, Loki sa plaque sans recul, sans clairvoyance, ce qui se retourne contre eux. Au final notre conscience est malmenée, bousculée, Denis Villeneuve pose des questions qui dérangent, sur la religion, la foi, sur nos convictions et sur la loi du Talion. Alors aussi grave que soit la situation, a t’ont le droit de tout faire ?

Le casting pour ce film éprouvant est à la hauteur de l'histoire. L' australien Hugh Jackman est loin de tout Ice Tea et de griffes rétractables pour ne garder que la part la plus sombre de son être et le résultat est époustouflant. C'est la première fois que je vois Hugh Jackman autant habité par son rôle, il joue tout en retenue, en contrôle, pour tout relâcher d'un coup et ça en est que plus terrifiant, comme l’ambiguïté qui l'habite tout le long. Jake Gyllenhal retrouve avec réussite le thriller qu'il avait tenté dans Zodiac de David Fincher et sa composition ici est des plus remarquable. Son personnage aussi fort, qu'intelligent est bien plus complexe qu'il en a l'air et la façon qu'a l'acteur de l'incarner, lui donne une vrai sensibilité qui contraste avec l'aplomb des vérités qu'il assènent ici et la … ces deux là occupent une telle place, qu'on en oublierait le talentueux Paul Dano qui trouve ici un rôle sur mesure, taillé pour son talent tant son personnage est extrême ; il y a aussi Melissa Leo, discrète, silencieuse et déterminée puis pour finir le couple Birch joué par les bons Viola Davis et Terrence Howard …