Sans Frapper

by - octobre 25, 2019


SANS FRAPPER
d'Alexe Poukine

Sans frapper était une de mes grosses attentes au FIFIB cette année. La présentation en conférence de presse et ce qui en était dit dans le livret, on fait que lorsque la réalisatrice est entrée dans la salle j'étais déjà acquise à sa cause.

Sans frapper est difficile à pitcher. A la fois documentaire, à la fois causerie, tout en s'appuyant sur un texte très écrit. Ce long métrage met en scène des personnages, majoritairement des femmes, qui jouent une partie d'un texte et nous parlent de leurs vécus autour du viol. Un point de vue parfois très théorique, mais le plus souvent c'est celui de survivants.

Cette œuvre souffre des limites de la mécanique choisie par sa réalisatrice. D'abord du choix de faire interpréter un texte aux personnes qui témoigneront plus tard. Le spectateur en général, et moi en particulier a beaucoup de mal à se dépêtrer de ce texte. Car il sonne faux, le choix des mots, puisés dans un champs lexical beaucoup trop écrit pour que ce soit naturel, même les prénoms utilisés allument une petite lumière. Ensuite dans la manière dont il est déclamé, on passe d'une interprète à une autre, je devrai dire on switche, sans transition, sans explication. Interprètes d'ages, de sexes, voire de genres différents Si je pense deviner une volonté d'illustrer une universalité face au viol. J'avoue que ça n'aide pas à recevoir cette œuvre. Et suivant le même principe d’absence de lien, les personnes toujours face caméra parlent de leurs vécus. Il est évident que la réalisatrice souhaite provoquer une réflexion sur les limites (celle du consentement dans le récit qui sert de base à ces échanges) mais en transposant ça dans son film, les interrogations vont sur la forme plus que sur le fond. Par exemple quand est-ce que le récit s’arrête et le témoignage commence? parfois c'est tellement ténu qu'on a du mal à se situer. À quel moment ce sont des acteurs? a quel moment ce sont des gens qui ont vécu un viol (et donc qu'on les regarde revivre des souffrances)? A quel moment des personnes du milieu associatif? Tout cela fait naître un sentiment de malaise. Quant au texte écrit on ne sait pas si c'est une histoire vraie, ré-écrite ou une fiction. Si sur la forme ça a peu d'importance vu qu'il est juste la pour faire jaillir la parole. Sur le fond ça en a pour moi, face à la détresse des gens interviewés, face à leur franchise, face à ce que dit ce texte, ce texte au une importance et ça mériterait d’être explicité.

Il  est aussi un des partis pris de la réalisatrice qui dessert ce film. En effet le choix est fait de s'appuyer sur une situation vécue par une jeune femme. Il y a fort à parier que cette situation ne serait jamais jugé comme telle dans un tribunal. Je choisi mes mots, je ne juge pas ce qui pour moi est pleinement un viol. Mais ce choix, probablement fait pour que le spectateur se positionne, provoque plus un jugement de la victime qu'autre chose. Alors une réflexion s'ébauche sur la notion de consentement, et même si tout cela est joliment fait, bien proprement amené, face à l'horreur de ce qu'ont vécu les personnes ça perd tout son sens.

Autre parti pris, à trop vouloir réfléchir sur les mécaniques, le film en arrive à culpabiliser les victimes, l'homme agressé peut devenir agresseur d'une certaine manière, si votre ex ne veut plus vous voir c'est peut-être que vous l'avez forcé sans vous en apercevoir, si vous souffrez de troubles post traumatique et qu'il vous semble que vous gâchez la vie de vos enfants, on vous affiche... le discours du film à vouloir être chirurgical loupe l'occasion de mettre de la perspective dans ce qu'il nous livre.

Je finirai par vous parler de la mise en scène. Les personnes qui parlent sont face caméra, le plus souvent dans leurs cuisines. Ce qui est propice aux images malsaines, c'est parler de viol entre winnie l'ourson et une peluche, devant les dessins de tes enfants, ou en buvant un café avec des œufs au chocolat. Chez moi, mon esprit retord a essayé de fuir en me focalisant sur ces détails. Par exemple sur le magnifique tee shirt de cette jeune femme qui racontait comment enfant elle avait été la proie d'une sœur dans son école privée, ou la couleur de la poignée de la commode quand une dame évoquée un viol en groupe et raciste. Le manque de scénarisation, a fait que je n'arrivais plus à encaisser la douleur de ces gens.

Ce long métrage ne m'a pas convaincu, il est une collection de traumatismes qui noie la douleur dans le jugement, et qui ne propose rien. C'est une causerie déchirante autour d'un café !

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