Parasite

by - août 26, 2019


PARASITE
de Bong Joon-ho

Classé dans mon palmarès personnel, dans mon panthéon cinématographique, très bien positionné, il y a memories of murder de Bong Joon-ho. J'aime toujours autant ce film que je revois plusieurs fois par an. Nous avons découvert sa conversion blu-ray récemment et je suis retombée en amour comme la première fois que je l'ai vu. J'ai l'impression qu'il se réinvente à chaque fois que je le revois. Depuis j'ai découvert plusieurs des longs métrage de ce réalisateur, et je n'ai jamais réellement retrouvé le frisson de Memories of Murder. Apres la palme à Cannes nous avons décidé d'attendre que cette petite merveille passe dans notre petite ville, la salle de cinéma propose une expérience tout aussi voire plus agréable que les grands complexes. Et c'est plein d'espoirs qu'on a découvert l'objet de toutes les promesses cinématographiques du moment.

Et c'est ici que normalement je" pitche" le film. Mais aujourd'hui, je n'en ferai rien car ce long métrage commence par un jeu de dupes qui prend progressivement de l'ampleur. Et cette partie mérite un traitement de faveur, qu'on le protège, et qu'on n'en dévoile rien. Car la mécanique qui s'installe est si bien huilée qu'elle en est jubilatoire à découvrir et je refuse d'atténuer l'impact de la surprise même à travers un pitch à mots choisis.

Comme pour chacun des films de ce réalisateur on peut dire qu'il est joliment conçu et réalisé.
Les cadres sont beaux et profonds donnant à certains moments, et à certains arcs plusieurs niveaux de lectures.
Les décors sont très intéressants, les plus marquants étant les appartements que l'on peut décrire comme deux opposés. Chronologiquement c'est celui situé dans un entre sol ; que l'on découvre le premier. Il est surchargé de vie et d'objets hétéroclites, de souvenirs glorieux, de cartons empilés. Ainsi que d'un désordre symptomatique d'un appartement trop petit. Et pour unique horizon, la vue sur une ruelle où les hommes saouls viennent se soulager (concept universellement connus d'une certaine catégorie de gars mais assez complexe à appréhender pour nous les femmes). De l'autre coté une maison d'architecte épurée voire d'apparat. Avec un panorama magnifique qui s'ouvre sur un jardin paysagé. Les deux donnent lieux à des plans irréels, spécialement car ses baies vitrées rectangulaires dessinent un écran sur nos écrans. Mais ces décors sont plus que ça. Ils impriment une identité, une épaisseur à ceux qui les habitent.

Bong Joon-ho a un vrai sens du gros plan. Il sait comme personne cadrer ses acteurs pour mettre en valeur une situation ou une émotion. Ses regards face caméra sont toujours édifiants, si celui qui conclu memories of murder, est un cas d'école, il y en a plusieurs de même niveau dans ce film. Dont celui que vous pouvez apercevoir dans la bande annonce avec une coiffe d'indien qui est au moins aussi important que celui que je citais précédemment. Ces plans sont de vrais vecteurs de communication avec le spectateur. Mais je trouve que dans ce film, ces plans deviennent un marqueur de ce que ressentent les personnages, voire même du déroulé le film.
L'histoire, le scénario se déroule en deux temps. Celui de l'arnaque et du jeu de dupes dont je vous parlais tout à l'heure. C'est une mécanique bien huilée qui finit par être trop ronronnante à mon goût et perd de son coté drôle et flirte avec l'ennui. Ensuite un crescendo qui mène a des positions difficiles à tenir. Et là encore il y a des moments ou le scénario est un peu trop faciles qui là encore font perdre de la force à cette histoire.
Et entre ces deux partie, la transition, un arc improbable. S'y
succèdent différentes sortes d'humour, autour de situations absurdes presque grand guignolesques, qui le plus souvent sont improbables , et qui ont du mal à faire vibrer la corde sensible. Rajoutez à cela un twist que l'on voit arriver depuis vingt minutes, comme on voit arriver la pluie en regardant les nuages, qui vient éclipser une révélation que nous français qui connaissons si peu et si mal l'histoire coréenne nous n'aurions jamais pu imaginé. C'est rageant! Tout cela édulcore beaucoup ce film qui est si riche et brasse une quantité de thèmes forts qui signent un portrait intransigeant du monde ou nos vivons.
Commençons par le plus simple, le plus visible car il est mis en exergue par le titre, les parasites.
Et dans cet espèce de cercle vicieux que dessine Bong Joon-ho, on ne sait pas bien qui est désigné par ce mot. Car à l'instar de l'expression française ou chacun serait le con de l'autre, ici chacun est le parasite de l'autre. De l'insecte qui squatte les appartements, à la personne ayant le meilleur revenu. On est chacun à notre manière des parasites. Car si la classe la plus aisée est la plus brocardée, chacun en prend pour son grade. Ici la réussite est revendiquée comme une volonté, et le dédain s'étale à tous les niveaux. Les discours nauséabond sur l'odeur m'a fait frissonner de rage. Probablement car je suis assez vieille pour avoir
entendu un président français parler du bruit et de l'odeur. Ce qui prolonge ce sentiment d’être encerclé par la bêtise. Ou que l'on soit les mêmes mots méprisants. Le scénario met en scène aussi la condescendance qui est le nerf de la guerre de ces comportements. Alors oui il y a de l'humour pour faire passer tout cela. Mais j'avoue que ça ne m'a pas facilité le visionnage.
Il y a aussi une mise en image de l'instabilité professionnelle dans laquelle évolue une partie de la population. Les employés sont virés sans trop savoir pourquoi. Les raisons qu'on leur donne, ne sont jamais ce qu'on leur reproche réellement. Rajouter à cela une épée de Damoclès qui flottent au dessus de la tète de certains d'entre eux. La peur de dépasser une ligne blanche métaphorique, que personne ne sait vraiment situer ni ce qu'elle peut bien représenter. Ces comportements se déroulent et s'amplifient au fil du film. Les plus petits employés, seront de moins en moins bien traités.
Le discours sur la famille est aussi déprimant. Les deux étant dysfonctionnelles. Les portraits sont au vitriol. Les enfants entraînés comme des bêtes de concours, pour être exceptionnels.
Des grands enfants qui portent les parents. Le petit garçon turbulent qui se calme lorsqu'on s'occupe de lui. L'ado qui met tous ses profs particuliers dans son lit. Ils sont tous très intelligents et traînent dans leurs sillages, leurs parents perdus et aimants, et comme un boulet les névroses parentales et leurs inadaptation à la société où ils évoluent, une impossibilité à voir les autres. Tout ça prend tout son sens dans la scène de fin du film. Où l'individualisme empêche chacun des personnages d'appréhender les autres. Et au milieu d'une garden party, et gens brillants et joliment habillés, une goutte d'eau fait craquer violemment le vernis. Symbole de l'individualisme qui rythme le monde.
Je terminerai par l'exploitation de la communication. Car ici on communique par tous les biais, et tout le temps. Le coréen est la langue du film, mais il est ponctué par des touches d'anglais. "Very funny!" Bien sur on se parle, mais on se téléphone aussi, on envoie des sms, on prie le dieu wifi et what's app son disciple, on échange par talkie-walkie, on s'écrit et on utilise aussi le morse. Mais les personnages ne se livrent
vraiment que lorsqu'ils ne sont pas sure d’être entendus. Tous ces moyens leur permettent de communiquer sans jamais se rencontrer ou s’intéresser à l'autre. Quel drôle de monde.
J'ai apprécié comment sont peints les portraits de femmes. Elles sont fortes, portent sur leurs épaules le récit, leur familles, les aspirations des autres. 
La révélation de ce film est Park So-dam. Elle incarne à la fois la détermination et une certaine élégance, mais aussi une fraîcheur et une douceur incroyable. Elle est charismatique en diable.
Choi woo-shik est le fil conducteur. Il est très intéressant, même si son jeu se perd un peu dans cette histoire. Il est très attachant et c'est un plaisir de le voir évoluer. Song kang-ho est l'acteur fétiche de Bong Joon Ho, et il est tellement expressif! Son jeu on l'aime ou on ne l'aime pas. Il est marqué par ses mimiques et ses expressions. Moi je suis cliente. Mais je comprends que d'autres le soient moins.

Ce film ne m'a pas autant séduit que je l'espérais. Mais il est tellement riche, il foisonne de critique et assume une vision dure de la société. On ne peut que le recevoir de manière bienveillante.

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