2000 - 20092002Arata IuraAsieCritiqueHirokazu Kore-edaSusumu TerajimaTadanobu AsanoYui NatsukawaYusuke Iseya
Distance
DISTANCE
d'Hirokazu Kore-eda
A la
veille du jour anniversaire de la mort de leurs proches, quatre
personnes se préparent à aller sur le lieu où ils se sont
suicidés. Cependant ils partagent ce jour de deuil avec les familles
de plus d'une centaine de personnes, celles des victimes d'un
attentat commis par une secte. La particularité de ses quatre?
Leurs proches étaient les bourreaux et ce sont suicidés après. Mais
après avoir rendu hommage à ces hommes et femmes, près d'un lac au
fin fond d'une foret, ils s'aperçoivent que leur voiture et une moto
ont été volés. Cette moto appartenait a un homme qui a fuit la
secte, juste avant cet attentat.
Directement
inspiré par le massacre de la secte aum, Hirokazu Kore-eda signe ici
son troisième film, et probablement l'un des films le plus complexe
que nous ayons vu jusque là. Sachant que nous commençons à en
avoir vu un certain nombre.
Tout
d'abord dans sa forme, dans sa volonté d'interroger ses personnages
autant que leurs proches décédés. Il opte pour une narration saccadée où les moments présents sont interrompus par des flashback. Flashback où ils font face à leurs proches,aux policiers, et
à la distance qui s'installe entre eux, de plus en plus grande. Mais
ce parti pris a pour particularité de donner à ce long métrage un rythme
haché, saccadé dans un paysage idyllique.
Ensuite
car le réalisateur décide de «coller» à ses personnages. Au
point de donner à sa caméra des accents de journalisme embarqué et
de nous transformer en personne partie prenante de l'action. Il nous
pousse à nous questionner, nous aussi. Il est de ces moments très rares chez ce cinéaste où la caméra fait tellement partie de
l'action, qu'elle saute et que son cadre n'est pas parfait. Ce qui
nous donne l'impression de participer à l'action, et notre point de
vue semble prendre le dessus sur tous les autres, ce qui permet
plein de choses. Par exemple très rapidement dans le film, j'ai
oublié le massacre qui avait été perpétré, tant j'étais
focalisée sur les cinq personnes, leurs histoires, et leurs proches.
J'étais fascinée par ces familles extrêmement meurtries qui
pourtant honorent leurs morts, malgré les malheurs qu'ils ont amenés
dans leurs sillages. Et tout autant fascinée par cet homme qui a
appartenu à ce groupe,et qui a fuit juste avant l'attentat.
Ce
film est le plus sombre que j'ai vu de ce réalisateur. Il utilise
tout son art pour jouer avec la lumière naturelle et l'applique à
des scènes de nuit. Car ce film se passe au moins pour moitié de
nuit. Avec une scène autour d'un feu de camps et de cigarettes qui
reste dans nos mémoires. Mais ici il utilise particulièrement la
pénombre, celle de la foret et de ses arbres touffus où le soleil
et la lumière ont du mal à percer, celle du lac dans les flashbacks qui est toujours obscurci par la brume;ou toujours autour de ce lac,
à la tombée du jour où un frère joue du didgeridoo, et dans plein
d'autres situations. Mais finalement est ce que tout cela n'est-il
pas une interprétation du «bleu silencieux», ce moment de la nuit,
juste avant que le soleil se lève où le ciel devient bleu? Un
moment qui représente la fin de quelque chose, et le début d'autre
chose? Car c'est un de ces moments pour nos protagonistes, et
l'épilogue de ce film le démontre.
Ce
long métrage nous questionne aussi sur notre place dans la société,
sur nos sentiments face à elle, et sur ce que l'on veut construire.
Mais c'est avant tout un questionnement sur notre identité, sur
celles des autres que l'on croit connaître, mais que l'on connait si
mal. Les autres sont à l'image de ce jeune homme, dont à la fin du
film on ignore toujours le lien qu'il y a entre lui et les
personnages qui l’entourent. Et qui finit par faire un acte
symbolique et fort.
Le casting repose sur cinq acteurs. Arata Iura était déjà hypnotique dans after life avec sa beauté lunaire
et son jeu à la fois minimaliste et terriblement expressif. Il est
tout a fait à son aise dans ce rôle qui est à minima le plus
mystérieux du film, si ce n'est la plus difficile.
Tadanobu Asano est un bon acteur, on le sait. Mais là il a la tache assez peu
évidente d'interpréter un homme qui répond aux questions, mais qui
n'explique rien. Et il est parfait dans cette position tant il sait
insuffler le mystère dans ses contradictions et dans sa solitude.
Yusuke
Iseya est bouleversant dans son dynamisme proche de l'hyper activité,
dans sa manière de gérer deux deuils. Il est solaire, son jeu est
lumineux et enjoué. Son binôme avec Arata Lura est un petit bonheur
.
Susumu
Terajima, est formidable dans un rôle d'homme à facettes. Dans un
scénario où chaque facette explique une autre. C'est presque une
aussi grande prouesse scénaristique que d'acteur.
S'il
y a un point faible à ce casting c'est Yui Natsukawa, avec un paradoxe
difficile à expliquer. Elle est surprenante dans les scènes avec
son époux, ou seule, où parfois son charisme dévore son partenaire
à l'écran. Et elle disparaît dans les scènes avec les quatre acteurs précédemment cités, même lorsque la scène tourne autour
d'elle.
Si
ce film n'est pas forcément un long métrage traditionnel de
Kore-eda, il en garde des marqueurs forts, et le premier est
l'humanité de ce cinéma. Alors bien que plus complexe il m'a
beaucoup touchée, et je n'en suis pas sortie indemne
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