20102010 - 2019Arata IuraAsieCritiqueDoona BaeHirokazu Kore-edaItsuji ItaoJoe OdagiriSusumu Terajima
Air Doll
A
cause d'un abus de langage que je peine à refréner, je dis
depuis toujours « Mangas » dès qu'il s'agit d'un anime
et que je le découvrais. Alors que le « Mangas » c'est
surtout et avant tout le support papier. Un médium désormais
mondialement reconnu (même en France) et qui s'adresse aussi bien
aux garçons qu'aux filles. Les sujets sont aussi divers que variés
et selon la cible, on parle de « Seinen », de « Shojo »,
ou encore de « Shonen ». Et si dans les animes, on en
trouve souvent des biens, voir des excellents, dès qu'il s'agit
d'adapter cela au cinéma, cela se gâte et l'amateur de mangas
que je suis est souvent déçu. Donc lorsque je découvre « Air
Doll », l'adaptation par Hirokazu Kore-eda de « Kuuki
Ningyo » de Yoshiie Goda, je fus surpris ! Puis la
surprise laissa place à l'évidence, une adaptation live d'un mangas
n'est pas toujours voué à l'échec !
« Tokyo.
Une poupée d’air habite l’appartement sordide d’un homme d’une
quarantaine d’années. Elle ne peut ni parler, ni bouger, mais elle
est la seule compagne de son propriétaire. Il lui parle, prend son
bain avec elle, et lui fait l’amour chaque soir, en rentrant du
travail. Mais un jour, le fantasme devient réalité : la poupée
prend vie et développe des sentiments humains. Comme un nouveau-né,
elle découvre un monde inconnu qu’elle aspire à découvrir. Elle
s’aventure alors dans les rues de la ville, fascinée par tout ce
qu’elle voit, mais les gens qu’elle rencontre sont incapables de
lui expliquer ce que veut dire “être en vie”... »
Quand
le film commence, que les premières notes de la bande originale
résonnent dans nos oreilles, on est transporté dans un univers
doux, paisible … Cela sonnerait presque comme un conte enchanteur,
sauf que celui-ci ne vous enchantera pas, bien au contraire. Hirokazu
Kore-eda nous met face à une réalité sordide, que l'on ne veut pas
voir, sur comment une femme est vue, mais également traité dans la
société japonaise. Une réflexion passionnante, qui dépasse
largement le cadre de l'archipel nippon, vu que le personnage
principal incarne une poupée, ce qui est certainement la plus
pertinente des paraboles, notamment pour parler d'objectification de
la femme dans la société moderne.
Au
scénario, on retrouve le réalisateur ( comme pour la majorité de
ces films ) qui s'engouffre dans un chemin mainte fois emprunté et
que d'autres emprunteront à leur tour. Celui de l'inanimée qui
prend vie, de l'objet qui devient «je », du fantastique qui
interroge ou de la science-fiction qui surprend. Les corps sont faits
de n'importe quelle matière, bois, métal ou alors de plastique
comme ici. Ce qui vous donne les bases d'une intrigue similaire à un
conte ( Pinocchio ne semble pas loin), ou « Nozomi », la
« Air Doll » est une créature qui échappe au contrôle
de son créateur, créateur qui l'a doté d'un cœur, d'une vie! Il
s'en suit la découverte du monde qui l'entoure, avec curiosité,
envie et maladresse, ou la peur de l'inconnu se mêle à
l’émerveillement de tous les instants. Et ou Nozomi fait
l'expérience de ce qu'est être un humain !
Une
interrogation que l'on retrouve dès qu'un objet, ou une figure de sf
classique comme un androïde naît ! Et qui va de pair,
avec la question de l’âme humaine. Ici Hirokazu Kore-eda ne
se pose pas fondamentalement la question, car ce qui
l’intéresse c'est de questionner le rapport qu'a Nozomi avec
son environnement proche comme familier. Parce que cela définira, si
elle existe pour l'autre, pour la personne qui la voie, l'entend ou
la touche. Les actes du personnage répondes d'eux-même, avec
candeur et naïveté. Où ses qualités sont mise à la rude épreuve
de la réalité et du genre humain, bête, stupide et cruel. Hirokazu
Kore-eda se sert de la capacité allégorique du personnage de
« Nozomi » pour dresser un constat d'une noirceur infini
sur les relations hommes/femmes au Japon. Pour les hommes, les femmes
sont toutes des « Nozomi », des « Air Doll »
interchangeables, soumises et dociles qui ne servent que de présence
et de corps juste bon pour des relations sexuelles. Avec comme idée
constante que c'est normal et que si ce n'est pas le cas, c'est
forcément de la faute de la femme, car elles sont toutes les
mêmes (dixit l'un des personnages masculin du film). Une
situation devenue banale, qu'il faut absolument changer, pour éviter
comme à la fin de sentir la présence d'une personne, sa perte,
alors qu'elle était là, à tendre la main, pour avoir de l'aide !
Quant
au réalisateur, il livre un film doux-amer, avec une réflexion sur
le genre masculin percutant, à mi-chemin entre le conte et la
chronique sociale, ou prendre le temps (voir un peu trop) est
essentiel, notamment pour saisir au mieux le pouls de la société
japonaise. Sa caméra, toujours aussi subtile est constamment à
hauteur de femme, captant avec force et pudeur le quotidien de
Nozomi. Ses journées aussi longues que disparates sont baignées par
la lumière douce et chaleureuse de Ping Bin Lee, qui apporte de la
nuance et du contraste, tout comme la musique de Katsuhiko Maeda. Des
apports nécessaires de lumières, de légèretés et d'optimisme,
pour mieux appuyer par la suite le décalage qu'engendre le poétique,
comme lorsque Nozomi prend vie ou on touche au sublime, et le
réalisme de la vie de tous les jours. Des choix qui peuvent paraître
en substance anachronique, mais ce sont eux qui donnent cette
atmosphère si particulière au film, à la fois étrange,
angoissante et révoltante !
Un
film porté par un casting vraiment talentueux, ou rayonne avant tout
la fantastique Doona Bae ! C'est une actrice sud-coréenne que
vous avez déjà pu voir chez les sœurs Wachowski (Cloud Atlas,
Sense 8), chez Park Chan-wook (Sympathy for Mr Vengeance) ou chez Kim
Seong-hoon (Tunnel) et qui ici juste la candide « Nozomi » !
Un pari risqué tant il semble difficile d'imaginer quelqu'un dans ce
genre de rôle là, malgré ça, elle est fait des merveilles. Elle
joue ce personnage avec grâce, douceur et fragilité, tout en
développant peu à peu une personnalité qui s'affirme. Une
performance pleine de subtilité qui vous transportera à coup dur
dans l'univers de « Air Doll ». Pour la seconder, on
trouve certains acteurs déjà familiers de Kore-eda, comme Susumu
Terajima ou Arata Iura dit « Arata », ou encore Itsuji
itao le « propriétaire » de « Nozomi » et
Joe Odagiri le créateur des « Air Doll » …
C'est une belle adaptation que nous livre Hirokazu Kore-eda et qu'il rééditera quelques années plus tard, avec l'adaptation de « Kamakura Diary » de Akimi Yoshida, « Notre petite Soeur » !!!
C'est une belle adaptation que nous livre Hirokazu Kore-eda et qu'il rééditera quelques années plus tard, avec l'adaptation de « Kamakura Diary » de Akimi Yoshida, « Notre petite Soeur » !!!
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