RING
de Hideo Nakata
Si
le key maker de ce blog, vous dit un jour, « Tu peux regarder ce
film, il ne fait pas plus peur que l'un de ceux de Kiyoshi Kurosawa »,
ne lancez pas le film.
Deux
adolescentes gloussent dans l'une de leur chambre. L'une raconte à
l'autre une légende urbaine. Il paraîtrait qu'une cassette vidéo
circule. Si vous la regardez, une semaine après vous mourez, après un
coup de fil. Tomoko la deuxième fille, passe aux aveux, et raconte
qu'elle a vu avec trois autres amis cette fameuse cassette... le
téléphone sonne.
Ce
film s'inscrit dans une continuité. Il est un maillon tout comme la
genèse d'autre chose. C'est avant tout l'adaptation d'un roman de
Koji Suzuki écrivain japonais qui a pour genre de prédilection la
science fiction et pour particularité de réfléchir sur les
relations humaines. Il est à l'origine de deux autres films
estampillés Ring (Ring 2, et Ring 0). je vous laisse deviner lequel
est le sacro-saint préquel... mais aussi d''une autre suite, qui se
focalise sur l'un des personnages qui se nomme Rasen et puis on trouve aussi des remakes coréen et américain. Et cela ne
concerne que le Japon. Car évidement le succès des "ring" asiatiques aidant, il y a eu des remakes américains. Le film dont nous parlons
aujourd'hui est donc le premier.
C'est avant tout une prouesse scénaristique que l'on doit à Hiroshi
Takahashi. Il rythme et chapitre son film comme une enquête. Une enquête sur cette cassette dans un premier temps, puis sur ce
qu'elle contient. En mettant en place un compte à rebours, nous
indiquant les jours sans pour autant que nous soyons sure du point de
départ. Il créé un rythme, et une ossature à ce qui est une
histoire traditionnelle de fantômes japonais, un Yurei Eiga. Et de
manière quasi scolaire il reprend les marqueurs forts.
Il
met en place un climat propice. Je lisais que traditionnellement au
Japon, on pensait que l'univers était régit par des lois floues et
incompréhensibles auxquelles l'homme ne pouvait faire face, ce qui
expliquait le surnaturel. Et dans le film c'est ce qui se passe :mis
devant le fait accompli dès les premières minutes, on est prêt à
tout accepter. Comme le personnage qui a quelques pouvoirs de médium.
Il est présenté avec tant de minutie, de délicatesse, par petites
touches, tout parait crédible. ce personnage rend tout possible; il permet à l'histoire de parler de la société japonaise tout en faisant de lui un
vecteur, et enrichissant alors d'autres personnages.
A partir du moment
où le climat est installé, le scénario déroule. Il installe son
histoire dans le folklore traditionnel, s'inspirant d'une femme qui
a vraiment existé pour le personnage de Yamamura et qui se suicida
dans les mêmes circonstances. La scène où elle se brosse les
cheveux étant elle copiée sur un extrait du documentaire qui
lui a été consacré.
Le scénario installe une yuurei un fantôme féminin et vengeur. Il reprend les caractéristiques que Lafcadio
Hearn (dont je vous ai parlé pour l'excellent kwaidan, et dont je
vous conseille de googler le nom, tant la vie de cet homme est passionnante) avait décrit pour son fantôme en colère Yuki Onna (la
femme des neiges) et qui sont devenues aujourd'hui le nouvel uniforme
de ce genre de personnage. Elle est belle, longiligne, avec un teint
«inhumainement» pale, de long cheveux très noirs et très longs, et
elle porte un kimono blanc couleur du deuil au japon. Kimono qui
s'est transformé en robe avec le temps.
Elle
n'a pas de visage, ou en tout cas on me le voit pas. Elle a une
démarche particulière, dans les yurei eiga, ces fantômes bougent
peu, ils apparaissent puis ils se mettent à se mouvoir de manière
progressive déshumanisant encore un peu plus la silhouette. Ici c'est
la jeune actrice Rie Inoue, étudiante en théâtre Kabuki qui fait un
travail extraordinaire. Elle utilise des mouvements exagérés,
quasiment étirés pour souligner l'émotion. De plus elle a été
filmée marchant en arrière et a été monté à l'envers. Ceci
donne une démarche incroyable et digne de ce que doit être un de ces fantômes japonais.
Car
oui ce film n'est pas qu'un scénario à première vue un peu bateau,
mais plus que malin; c'est aussi un travail sur l'image qui prouve la maîtrise de ce réalisateur. Il utilise plans fixes, et cadrage
intelligent pour installer une tension dans l'histoire et ne jamais
la faire baisser. À partir du moment où elle vous saisit,
elle ne
vous lâche plus, même plusieurs heures après avoir vu le film. Et
sur moi ça marche beaucoup plus que ce que peut être un film
américain. Pas d'hémoglobine, peu de cris, pas de grand couteaux,
juste un frisson le long de la colonne vertébrale. Mais là, on est
plus dans la sensibilité qu'autre chose.
Il y
a aussi quelque chose, qui m'a fait penser fort à l'oeuvre de kiyoshi
Kurosawa, c'est l'art de la coupe. Ce moment de couper les plans, ne
laissant voir que ce qu'il veut au spectateur, lui faisant supposer
plus qu'autre chose. Attisant notre angoisse en soufflant le chaud et
le froid.
Rajouter
à cela le choix des couleurs, toujours ternes et froides qui
asseyent le mal etre.
Je
vous parlais du travail de Rie Inoue, mais elle n'est pas la seule.
Le casting finalement pas si nombreux que ça est génial. Reiko est
interprétée par Nanako Matsushima qui imprègne ce film d'une
douceur et d'une détermination bouleversante. Hiroyuki Sanada, est
Ryuji un homme qui se dévoile au fil du film et qui est probablement
celui qui parle le plus de la société japonaise dans ce film. C'est
une performance pleine de charme et de forces. Rikiya Otaka est
yoichi, petit bonhomme de six ans, qui subit plus sa vie qu'autre
choses. Il est la candeur incarnée.
N'écoutez
pas le key maker de ce blog, ce film fait peur, il est angoissant et
laisse une emprunte en vous. si ce n'est qu'une fois écoutez moi, et
regardez ce film. Mais faites comme moi éteignez vos téléphones
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