l'Ile aux Chiens
L'ILE
AUX CHIENS
de
Wes Anderson
Dans la ville japonaise de Megasaki, une nouvelle épidémie fait
rage, la grippe canine. Le maire, monsieur Koyabashi qui voue une
haine ancestrale aux chiens; décide de les expédier sur une île où
sont stockées les poubelles de la ville. Le premier pour donner
l'exemple étant Spots le chien d'Atari sa pupille.
Ce film est un conte pour cinéphile.
Et des le début Wes Anderson le définit en tant que tel. Il introduit son histoire par une scène
proche du théâtre No, avec un personnage vêtu d'un kimono
ancestrale aux couleurs chatoyantes, une démarche quasi
chorégraphiée, et un cadre bien défini. Scène qui glisse vers une
autre plus proche du théâtre Kamishibai, où des images relativement
fixes se succèdent; et où un autre narrateur, un chien, nous
racontent une histoire qui éclairera le récit du film. On entre
dans le film et presque autant que dans une histoire racontée, ou
transmise au coin du feu.
Il décide d'utiliser la stop motion, et son rendu si
particulier. Pour moi c'est la preuve du génie du réalisateur. À
la fois film, à la fois animation, cet entre deux qui amplifie cet
aspect à la fois dans notre réalité, à la fois dans le monde
légèrement féérique des «dessins animés» de notre enfance,
cette époque où une minutes d'animation était entre 24 et 30
dessins légèrement différents. Personnellement chacune de mes
rencontres avec la stop motion(Kubo et l'armure magique en est un autre exemple) a été
pour moi un enchantement proche de celui de l'enfance. Et une
immersion garantie. Il faut rajouter à cette technique le travail
magnifique fait sur chaque plan, sa composition incroyable, leurs
profondeurs quasi sans limites, qui donnent une ambiance très
particulière à ce film, tout aussi cartésienne qu'imaginaire. Et
qui accentuent le coté linéaire de cette épopée.
Et si cette
histoire est une épopée, des épreuves seront traversées, des
découvertes permettrons à nos héros de prendre un nouveau départ.
Elle l'est presque autant pour celui qui la vit que celui qui la
regarde, chaque élément nous renvoyant à notre cinéphilie et à
nos choix de vie.
L'autre idée, magistrale est de nous mettre au niveau des chiens.
C'est eux que l'on comprend, quant aux humains le film doit faire
intervenir une interprète pour que leurs mots est du sens. Ce
changement de point de vue facilite l'empathie avec eux, qui
découvrent un nouveau lieu. De plus ils sont bien écrit, un chouia
caricatural, enfin juste ce qu'il faut pour installer leurs
caractères en quelques minutes, ça les rend tellement attachants.
Le casting vocal
est luxueux, nous avons eu la chance voir le film en
vo, et ce n'est que du bonheur. En nous mettant au niveau de ces
chiens ce film peut exécuter sa mission, qui en plus d'émerveiller,
ici veut éveiller nos consciences sur ce qu'est en train de faire
l'homme à son milieu, et le manque d'humanité qui le caractérise
dans son quotidien, sans pour autant nous mettre en accusation en
tant que personne. La place des adolescents et des enfants, n'est
sûrement pas innocente. Ils sont le plus grand espoir de notre
espèce.
Mais plus encore ce film soigne son cinéphile.
Il met en place un japon fantasmé. Wes Anderson ne situe jamais
réellement l'époque où se situe l'histoire Alors qu'il se passe
dans une méga city, il lui conserve certains passages obligés que
l'on appliquerait plutôt à des petites villes, comme les petites
boutiques de ramen. Il se joue aussi de l'imagerie des collégiens
nippons, l'utilisant, la magnifiant presque.
Et parallèlement il sonde nos références cinématographiques.
Il donne le nom d'un réalisateur culte à son protagoniste
principal, et multiplie les références à Akira Kurosawa. Ici on ne
cesse de déclamer notre amour pour ce réalisateur, alors pensez
bien que cet état de fait nous enchante. J'ai passé une partie de
ce film à faire des « ahhh » et des « regarde »
au key maker du blog qui lui a tenté de me tuer à coup de blind
test musical, car une partie de l'ost est empruntée aux films du
maestro.
J'avais lu pas mal de choses sur ce film, et certaines étaient
mitigées je vous avoue que ce n'est pas mon cas. J'aime ce film sans
aucun bémol. J'aime ce Japon qui ne l'est pas vraiment, j'aime ce
que ce film dit de nous,j'aime sa beauté, j'aime sa forme, son fond,
ses intentions, sa couleur, et l'humanité qui l'habite. Quant à sa
richesse elle est ainsi faite que je suis sure que lors d'un prochain
visionnage je découvrirai d'autres choses qui me le feront encore
aimer plus.
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