The Browning Version (1951)

by - mai 29, 2018




THE BROWNING VERSION
d'Anthony Asquith

Andrew Crocker Harris est un professeur d'une école de garçons typique du royaume uni. Il vit ses dernières heures à ce poste, une maladie de cœur l'obligeant à partir dans un lycée moins prestigieux. Lors de ces derniers jours, le professeur de grecque, rigide, et strict, tombe le masque en apprenant ce qu'il se dit dans son dos.

Ce film est un des plus émouvant que j'ai vu ces dernières semaines. Et comme toujours dans les cas où l'émotion est si présente il est difficile d'écrire dessus. Avant tout c'est un long métrage somptueux en noir et blanc, ce qui est toujours un argument pour moi.
Il s'ouvre sur une scène dans la chapelle du collège, qui est un exposé sur ce que l'on peut faire de plus beau en terme de cadre , et de profondeur de champs, dans un lieu donné avec un beau noir et blanc. Une fois que cela est fait, le réalisateur joue avec les nuances de gris. Très sombre dans la salle de classe, un gris soutenu chez le professeur, qui s'obscurcit dans le coin de l'appartement où est son bureau lorsqu'il donne une leçon à un de ses élèves, ou une clarté du plein soleil lorsqu'il se retrouve face au directeur de l'école, par exemple. La lumière dans certains cas (dans l'appartement et la salle de classe qui va évoluer en fonction du moment), où les choix de réalisations dans d'autres, devenant un indicateur du regard que ce professeur porte sur lui, et de ce qu'il accepte que les autre voient.
Le réalisateur des les premières minutes du film isole notre personnage central le professeur Crocker-Harris. D'abord en le rendant invisible au milieu des autres lors de la cérémonie, voire pendant le début du film. Puis en jouant avec les champs contre champs le détachant de la masse, l'isolant. la réalisation joue aussi avec la profondeur, lorsque son remplaçant assiste à un de ses cours. Deux mondes qui ne semblent pas pouvoir converger
Il est aussi impressionnant de voir combien cet homme est peu mobile,toujours accroché à un bureau, un boulet social. Le moment où il échange sur le professorat avec son remplaçant est un tournant du film. Crocker Haris se met à marcher dans sa classe et c'est là où que la parole se libère, douloureuse mais qui ne s'endiguera pas.
L'image qu'il me restera du film est un plan où le professeur s'adresse aux élèves; le verre de ses lunettes par un jeu d'ombres et de larmes semble se fissurer, un mur de glace se craquelle, un nouveau départ?
Ce film est techniquement très abouti, mais il est aussi très finement écrit adapté de la pièce de Terence Rattingan le dramaturge anglais. Il met en scène un personnage riche et complexe. Un homme qui aime passionnément la matière qu'il enseigne. Et qui aime profondément enseigner. un homme qui n'a pas hésité au fil des années à exagérer les points de sa personnalités qui provoquaient les railleries de ses élèves pour créer un lien sans se soucier de ce choix. 
Au moment des révélations, lorsque le rideau se lève, qu'il apprend comment on le surnomme, lors de l'échange avec son successeur je me suis demandais, jusqu'où pouvait aller le sacrifice d'une personne pour son métier. question qui a une résonance particulière pour moi. il y répond plus tard dans le film, lors de son échange avec le professeur Hunter, et alors que la photographie a rarement été aussi lumineuse, il avouera qu'il a une vision de l'amour très "différente" de celle de sa femme. Je n'ai jamais vu la pièce de théâtre originelle, mais d’après ce que j'ai pu lire à son propos l'homosexualité de ce professeur y est plus clairement exprimée.
Le scénario arrive aussi à nous faire naître plus que de l’empathie où de la compassion avec cet homme, il nous fait marcher dans ses pas. On prend de pleine face le surnom qu'on lui donne. On a du mal à comprendre qu'on puisse, le faire. On découvre les autres mesquineries qu'on a du mal à comprendre car c'est juste un homme qui a voulu rester droit dans ses bottes. Et surtout un homme qui dans sa volonté de faire ce qui est juste, et de ne pas déranger les autres s'est totalement oublié. On ressent l'injustice, et la prime à la popularité.
Autre intelligence du scénario l'utilisation de l'Agamemnon d'Eschyle, que je ne connaissais absolument pas et qui est une des trois tragédie qui compose Orestie. Elles ont pour point commun d’être centrées sur la geste des Atrides. Cette partie de l’œuvre met en scène Agamemnon, les sacrifices familiaux qu'il fit, les vengeances, les esclaves.......un mythe grec digne de ce nom. Sa particularité est le sens qu'il porte. Le fait que chacun d'entre nous est père de son propre destin; et la victime paye le prix de ses fautes et de ses décisions. Et là c'est une mise en abîme terrible. Celle des choix de Crocker Harris, mais aussi tout ce qui tourne autour de cette œuvre la traduction de Browning qui a un rôle particulier que je ne veux pas dévoiler (the browning version), celle qu'il n'a pas finie. Il intensifie le sens de ce film, il lui fait prendre une aura encore plus importante.
Quant aux acteurs, le premier et le plus important est le professeur Crocker Harris est interprété par Michael Redgrave. Il est incroyablement bon, d'une justesse et d'un minimalisme dans un rôle où il aurait pu cabotiner. Ses yeux quasi transparents dans ce film, cachés derrière les gros verres de ses lunettes, reflètent toute l'humanité du monde.
Sa femme est interprétée par Jean Kent. Son rôle est aussi une prouesse d'acting, elle arrive à être détestable. A l'exact opposé du rôle de Redgrave. J'ai peu vu d'actrice capable de jouer l'aigreur et la méchanceté qui va de paire avec une telle justesse.
Puis je finirai en parlant du petit Brian Smith , qui jouait Taplow, à l'image de tous les enfants il a un jeu juste, et frais. Ce qui permet à ce film de toujours être équilibré , de ne jamais tomber dans l'aigreur ou pathos. Il incarne un futur frais, rayonnant et bienveillant.

Ce film a été pour moi une magnifique découverte, il m'a chamboulée, bouleversée, et je ne saurai que trop vous le conseiller.

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