The Browning Version (1951)
THE BROWNING VERSION
d'Anthony Asquith
Andrew
Crocker Harris est un professeur d'une école de garçons typique du
royaume uni. Il vit ses dernières heures à ce poste, une maladie de
cœur l'obligeant à partir dans un lycée moins prestigieux. Lors
de ces derniers jours, le professeur de grecque, rigide, et strict,
tombe le masque en apprenant ce qu'il se dit dans son dos.
Ce
film est un des plus émouvant que j'ai vu ces dernières semaines.
Et comme toujours dans les cas où l'émotion est si présente il est
difficile d'écrire dessus. Avant tout c'est un long métrage
somptueux en noir et blanc, ce qui est toujours un argument pour moi.
Il
s'ouvre sur une scène dans la chapelle du collège, qui est un
exposé sur ce que l'on peut faire de plus beau en terme de cadre ,
et de profondeur de champs, dans un lieu donné avec un beau noir et
blanc. Une fois que cela est fait, le réalisateur joue avec les
nuances de gris. Très sombre dans la salle de classe, un gris
soutenu chez le professeur, qui s'obscurcit dans le coin de
l'appartement où est son bureau lorsqu'il donne une leçon à un de
ses élèves, ou une clarté du plein soleil lorsqu'il se retrouve
face au directeur de l'école, par exemple. La lumière dans certains
cas (dans l'appartement et la salle de classe qui va évoluer en
fonction du moment), où les choix de réalisations dans d'autres,
devenant un indicateur du regard que ce professeur porte sur lui, et
de ce qu'il accepte que les autre voient.
Le
réalisateur des les premières minutes du film isole notre
personnage central le professeur Crocker-Harris. D'abord en le
rendant invisible au milieu des autres lors de la cérémonie, voire
pendant le début du film. Puis en jouant avec les champs contre
champs le détachant de la masse, l'isolant. la réalisation joue aussi avec la
profondeur, lorsque son remplaçant assiste à un de ses cours. Deux
mondes qui ne semblent pas pouvoir converger.
Il est aussi
impressionnant de voir combien cet homme est peu mobile,toujours accroché à un bureau, un boulet social. Le
moment où il échange sur le professorat avec son remplaçant est un
tournant du film. Crocker Haris se met à marcher dans sa classe et
c'est là où que la parole se libère, douloureuse mais qui ne
s'endiguera pas.
L'image
qu'il me restera du film est un plan où le professeur s'adresse aux élèves; le verre de ses
lunettes par un jeu d'ombres et de larmes semble se fissurer, un mur
de glace se craquelle, un nouveau départ?
Ce
film est techniquement très abouti, mais il est aussi très finement
écrit adapté de la pièce de Terence Rattingan le dramaturge
anglais. Il met en scène
un personnage riche et complexe. Un homme qui aime
passionnément la matière qu'il enseigne. Et qui aime profondément
enseigner. un homme qui n'a pas hésité au fil des années à exagérer les
points de sa personnalités qui provoquaient les railleries de ses
élèves pour créer un lien sans se soucier de ce choix.
Au moment
des révélations, lorsque le rideau se lève, qu'il apprend comment on le surnomme, lors de l'échange avec son successeur je me
suis demandais, jusqu'où pouvait aller le sacrifice d'une personne
pour son métier. question qui a une résonance particulière pour moi. il y répond plus tard dans le film, lors de son
échange avec le professeur Hunter, et alors que la photographie a
rarement été aussi lumineuse, il avouera qu'il a une vision de
l'amour très "différente" de celle de sa femme. Je n'ai jamais vu la
pièce de théâtre originelle, mais d’après ce que j'ai pu lire à
son propos l'homosexualité de ce professeur y est plus clairement
exprimée.
Le
scénario arrive aussi à nous faire naître plus que de l’empathie
où de la compassion avec cet homme, il nous fait marcher dans ses
pas. On prend de pleine face le surnom qu'on lui donne. On a du mal à
comprendre qu'on puisse, le faire. On découvre les autres
mesquineries qu'on a du mal à comprendre car c'est juste un homme
qui a voulu rester droit dans ses bottes. Et surtout un homme qui
dans sa volonté de faire ce qui est juste, et de ne pas déranger
les autres s'est totalement oublié. On ressent l'injustice, et la
prime à la popularité.
Autre
intelligence du scénario l'utilisation de l'Agamemnon d'Eschyle, que
je ne connaissais absolument pas et qui est une des trois tragédie
qui compose Orestie. Elles ont pour point commun d’être centrées
sur la geste des Atrides. Cette partie de l’œuvre met en scène
Agamemnon, les sacrifices familiaux qu'il fit, les vengeances, les
esclaves.......un mythe grec digne de ce nom. Sa particularité est
le sens qu'il porte. Le fait que chacun d'entre nous est père de son
propre destin; et la victime paye le prix de ses fautes et de ses
décisions. Et là c'est une mise en abîme terrible. Celle des choix
de Crocker Harris, mais aussi tout ce qui tourne autour de cette
œuvre la traduction de Browning qui a un rôle particulier que je ne
veux pas dévoiler (the browning version), celle qu'il n'a pas finie.
Il intensifie le sens de
ce film, il lui fait
prendre une aura encore plus importante.
Quant
aux acteurs, le premier et le plus important est le professeur
Crocker Harris est interprété par Michael Redgrave. Il est
incroyablement bon, d'une justesse et d'un minimalisme dans un rôle
où il aurait pu cabotiner. Ses yeux quasi transparents dans ce film,
cachés derrière les gros verres de ses lunettes, reflètent toute
l'humanité du monde.
Sa
femme est interprétée par Jean Kent. Son rôle est aussi une
prouesse d'acting, elle arrive à être détestable. A l'exact opposé
du rôle de Redgrave. J'ai peu vu d'actrice capable de jouer
l'aigreur et la méchanceté qui va de paire avec une telle justesse.
Puis
je finirai en parlant du petit Brian Smith , qui jouait Taplow, à
l'image de tous les enfants il a un jeu juste, et frais. Ce qui
permet à ce film de toujours être équilibré , de ne jamais tomber
dans l'aigreur ou pathos. Il incarne un futur frais, rayonnant et
bienveillant.
Ce
film a été pour moi une magnifique découverte, il m'a chamboulée,
bouleversée, et je ne saurai que trop vous le conseiller.
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