Bound

by - février 02, 2018


BOUND
les Wachowski


Mon amour pour ces réalisatrices n'a pas vraiment d'égal. Une rencontre avec l'un de leurs films est toujours un enchantement. J'ai beau les voir ou les revoir, je découvre toujours des choses. Je n'avais cependant pas encore vu Bound, que l'on a acheté depuis plusieurs mois.

J'ai essayé le plus possible de ne pas spoiler les ressorts du film. Mais il est difficile d'en parler sans dévoiler des choses sur l'histoire. Vous entrez donc dans une zone de turbulences, pas de spoilers francs mais des moments où je lève le voile sur le scénario.

Corky vient d’être engagée pour remettre à neuf un appartement. Alors qu'elle monte dans l’ascenseur elle se retrouve avec Caesar et Violet. Des les premières minutes un jeu de regards s'installent entre les deux femmes.

Ce premier film des sœurs, est un film néo-noir (c'est à dire un film répondant aux critères du film noir, sorti après les années 50). Ici il ne reprend pas tous les marqueurs, par exemple il n'y a pas de voix off, il y a juste une phrase prononcée par la voix enjôleuse de Violet.
Mais on retrouve l'esthétisme de ce genre. Il y a la femme sublime par qui vient le danger, Violet. Les réalisatrices l'habillent de robes aux couleurs chaudes et sombres, taillées dans des tissus luxueux comme celle en velours dont on sent presque la texture sous nos doigts, le cuir de son blouson noir comme un café, semble trop lourd sur ses épaules; puis il y a le satin ou de la soie d'un magnifique peignoir dans lequel elle dévale les escaliers; cintrant sa taille fine, et découvrant la totalité de sa blanche jambe. Jamais personne ne descendra plus joliment des escaliers. 
Le travail sur le maquillage est sublime. Violet a un teint de lait,ses lèvres sensuelles sont maquillées de telle manière que l'on se demande si les ombres ne sont pas peintes, et ses yeux toujours charbonneux ont une puissance forte. Ces petits cheveux courts et noirs de jais forment boucles et accroches cœurs. Elle est plus que sexy, elle est l'incarnation de la sensualité. Jennifer Tilly interprète à la perfection toutes les facettes de cette femme . Elle est à la fois forte et fragile. C'est la quintessence de la séduction.
La seconde femme est Corky. Femme qui vient de sortir de prison. Son code vestimentaire est celui d'un James Dean. Tee shirt blanc, parfois dans un débardeur qui nous rappelle Brando. Souvent sale car elle travaille de ses mains, jean, et blouson en cuir. Elle est incandescente. Gina Gershon compose ce personnage avec brio. Elle arrive a adopter un coté à la fois très masculin en restant si féminine et sexy avec un look mal taillé.

Caesar, l'homme de violet et un peu son protecteur. C'est un mafieux à la botte d'une famille italienne. Il a des costumes très années 90, costumes chers et ou une grosse partie du budget est mis dans les épaulettes. Il porte sa cravate fièrement...comme marqueur de son taux de testostérone. Il prend les traits de Joe Pantoliano. Les réalisatrices ce sont battues pour que ce soit lui. Il est bon. Il est très bons. Autant quand il perd pied que lorsqu'il est un mafieux à la petite semaine plein de morve... il reste viril avec un petit tablier en train de repasser
La manière dont les Wachowski filment leurs actrices accentuent le coté «film noir». Elles les filment à travers des objets comme les chaînettes de sécurité d'une porte, ou elles jouent avec les lumières chaudes et les forts contrastes. Et avec l'ombre elles habillent la moitié du visage de violet, ou leurs corps quand elles font l'amour pour la première fois. Elles mettent en scène les corps, positionnant en trois quart Corky quand elle parle de son passé. Ne se livrant pas complètement, et laissant planer un doute. Doutes et incertitudes qui perdurent pendant tout le film.
L'esthétisme passe aussi par les décors. Un décors vieilli, voire sali pour l'appartement où vit Corky. Il créé un univers qui lui est propre, à la fois dépouillé et qui est le lieu de rapprochement des femmes. Le lieu ou elles se trouvent et se découvrent. Il y a quelque chose de féminin ici.

Le nid tout sauf douillet de violet, semble être plus celui de caesar. Sous certains angles, il est froid et quasi théâtral. D'autres fois les acajous, bordeaux et verts lui donne un coté club anglais où la femme n'a que peu de place. La salle de bain et son utilisation dans le film est la preuve qu'elle est plus un ornement qu'autre chose.
Les mafieux qui font parti de l'histoire sont une pièce importante du récit. Ils amènent un coté décalé, et à la fois crédible. Le scénario et surtout les réalisatrices arrivent à créer des personnages en peu de temps, ils ont tous une épaisseur et une existence . Les acteurs sont très importants dans ce processus. Christopher Meloni, John P Ryan, et Richard C. Sarafian sont extraordinaires pour incarner ces personnages charismatiques et décalés. Un simple passage devant la caméra, et ils provoquent une émotion. Toujours en décalage avec la société où ils vivent par définition, dans le film et son histoire. C'est souvent par eux que vient l'humour, prime au personnage de Jhonnie incarné par Meloni. Ceci a une importance dans ce long métrage. A aucun moment les sœurs Wachowski veulent faire «un film de gangsters ou de mafieux». Même la scène du «sécateur» n'est là que pour servir ce qui va advenir plus tard pour ces femmes. A aucun moment il y a un traitement à la Scorcese de ces personnages, car l'histoire est une histoire d'amour lesbien... avec un magot.

Des le départ les réalisatrices veulent faire un film lesbien. La preuve en est qu'elles demandent à Susie Bright de faire un caméo. Enchantée par la lecture du script, elle leur proposera de chorégraphier les scènes de sexe. Susie Bright, que je ne connaissais pas avant ce film est une figure du féminisme américain. Elle est entre autre auteure, productrice, journaliste... elle a beaucoup écrit sur la sexualité des femmes. Elle a étudié des films lesbiens, et écrit entre autre dans pentahouse. Je résume, mais son parcours et passionnant, si vous avez un peu de temps je vous conseille de regarder son œuvre. Elle fera plus que ce pourquoi elle est venue. Elle sera vigilante à ce que les réalisatrices soient justes dans les jeux de séductions, et au moment de choisir des figurants, elle fera venir ses proches pour qu'à aucun moment on ne tombe dans le stéréotype.

Les moments de sensualités, et de sexualités sont sublimes. Les actrices sont divines,la réalisation est à tomber que ce soit la lumière, la manière dont est réfléchit la caméra,tout est savamment orchestré. La manière dont ces réalisatrices organisent les transitions est spécialement les moments où elles se retrouvent ensemble dans un lit sont spectaculaires. La bascule entre la scène des préliminaires et celles d'amour est assez folle et elle aboutit sur un plan séquence sublimissime. La caméra tourne autour du lit. Accompagnant les femmes dans leurs unions. Le travelling se finissant par un orgasme. Un des plus crédible que j'ai vu au cinéma. En général je trouve que les scènes de sexes ne servent pas le récit. Mais ici,si. Et quel beau moment de cinéma.
Cette histoire s'inscrit dans un triangle amoureux. La réalisation le met en scène régulièrement durant le film. Au détour d'un mouvement de caméra, quelqu'un apparaît. Ou lors de la première scène dans l’ascenseur où la caméra les surplombe. Le spectateur est témoin de ce que caesar ne peut pas concevoir. Même quand il les dérange, il perd toute suspicion quand il voit que corky est une femme.Violet qu'il possède, a aucun moment il ne pense qu'elle pourrait aimer une autre femme. Car c'est une histoire d'amour.

«I have this image of you -inside of me- like a part of me» c'est la phrase que prononce Violet avec sa petite voix au début du film. Ces femmes s'aiment. Et l'imagerie du film file la métaphore de la complémentarité. Le yin et le yang dans le lit ou avec les cafés. Mais aussi alors que chacune d'entre elles doutera de l'autre, elles décideront de faire confiance et de se jeter dans cette relation et d'assumer leurs actions. Violet passe son temps à dire à Corky qu'elles sont identiques et à la fin ce sera le cas. 
Il y a aussi l'incroyable manière dont les réalisatrices filment les liens de ces femmes. Leurs manières de communiquer. Les fils de téléphone qui abolissent le mur qui les sépare, la manière dont elles touchent le dit mur...
Ce film est le premier des Wachowski, et s'il est différent sur bien des points de ceux qui suivront, il a cependant une filiation forte avec eux. on perçoit la patte des artistes. Il y a par exemple tout un travail autour des mains et de la manière dont la réalisation les utilise qu'on retrouve dans matrix. Elles travaillent sur le rythme des images et des mouvements, ou encore cette image filmée à travers un verre. Un faisceaux de petites choses comme les transitions, ou le positionnement de la caméra, nous rappelle qu'on est en zone familière, a défaut de s'y reconnaître.

J'ai aimé ce film que je n'attendais pas. Il est très déstabilisant, encore plus si comme le gardien des clés de ce blog vous le mettez en situation et vous le voyez comme l'étape pré matrix. Il est digne des sœurs waschowski, elles vont jusqu'au bout de ce qu'elles veulent dire, elles le mettent en forme de manière sublime et délicate... elles me charment

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