1990 - 19991996Christopher MeloniCritiqueGina GershonJennifer TillyJoe PantolianoJohn P RyanLana WachowskiLilly WachowskiRichard C. SarafianSusie Bright
Bound
BOUND
les Wachowski
Mon
amour pour ces réalisatrices n'a pas vraiment d'égal. Une rencontre
avec l'un de leurs films est toujours un enchantement. J'ai beau les
voir ou les revoir, je découvre toujours des choses. Je n'avais
cependant pas encore vu Bound, que l'on a acheté depuis plusieurs
mois.
J'ai
essayé le plus possible de ne pas spoiler les ressorts du film. Mais
il est difficile d'en parler sans dévoiler des choses sur l'histoire.
Vous entrez donc dans une zone de turbulences, pas de spoilers francs
mais des moments où je lève le voile sur le scénario.
Corky
vient d’être engagée pour remettre à neuf un appartement. Alors
qu'elle monte dans l’ascenseur elle se retrouve avec Caesar et Violet. Des les premières minutes un jeu de regards s'installent
entre les deux femmes.
Ce
premier film des sœurs, est un film néo-noir (c'est à dire un film
répondant aux critères du film noir, sorti après les années 50).
Ici il ne reprend pas tous les marqueurs, par exemple il n'y a pas de
voix off, il y a juste une phrase prononcée par la voix enjôleuse
de Violet.
Mais
on retrouve l'esthétisme de ce genre. Il y a la femme sublime par
qui vient le danger, Violet. Les réalisatrices l'habillent de robes
aux couleurs chaudes et
sombres, taillées dans des tissus luxueux comme celle en velours dont on sent presque la texture sous nos doigts, le cuir de son
blouson noir comme un café, semble trop lourd sur ses épaules; puis
il y a le satin ou de la soie
d'un magnifique peignoir dans lequel elle dévale les
escaliers; cintrant sa taille fine, et découvrant la totalité de sa
blanche jambe. Jamais personne ne descendra plus joliment des
escaliers.
Le travail sur le maquillage est sublime. Violet a un
teint de lait,ses lèvres sensuelles sont maquillées de telle
manière que l'on se demande si les ombres ne sont pas peintes, et
ses yeux toujours charbonneux ont une puissance forte. Ces petits
cheveux courts et noirs de jais forment boucles et accroches cœurs.
Elle est plus que sexy, elle est l'incarnation de la sensualité. Jennifer Tilly interprète à la perfection toutes les facettes de cette femme . Elle
est à la fois forte et fragile. C'est la quintessence de la
séduction.
La
seconde femme est Corky. Femme qui vient de sortir de prison. Son
code vestimentaire est celui d'un James Dean. Tee shirt blanc,
parfois dans un débardeur qui nous rappelle Brando. Souvent sale car
elle travaille de ses mains, jean, et blouson en cuir. Elle est
incandescente. Gina Gershon compose ce personnage avec brio. Elle
arrive a adopter un coté à la fois très masculin en restant si
féminine et sexy avec un look mal taillé.
Caesar, l'homme de violet et un peu son protecteur. C'est un mafieux à la
botte d'une famille italienne. Il a des costumes très années 90,
costumes chers et ou une grosse partie du budget est mis dans les
épaulettes. Il porte sa cravate fièrement...comme marqueur de son
taux de testostérone. Il prend les traits
de Joe Pantoliano. Les réalisatrices ce sont battues pour que ce
soit lui. Il est bon. Il est très bons. Autant quand il perd pied
que lorsqu'il est un mafieux à la petite semaine plein de morve...
il reste viril avec un petit tablier en train de repasser
La
manière dont les Wachowski filment leurs actrices accentuent le
coté «film noir». Elles les filment à travers des objets comme
les chaînettes de sécurité d'une porte, ou elles jouent avec les
lumières chaudes et les forts contrastes. Et avec l'ombre elles
habillent la moitié du visage de violet, ou leurs corps quand
elles font l'amour pour la première fois. Elles
mettent en scène les corps, positionnant en trois quart Corky
quand elle parle de son passé. Ne se livrant pas complètement, et
laissant planer un doute. Doutes et incertitudes qui perdurent
pendant tout le film.
L'esthétisme
passe aussi par les décors. Un décors vieilli, voire sali pour
l'appartement où vit Corky. Il créé un univers qui lui est propre,
à la fois dépouillé et qui est le lieu de rapprochement des
femmes. Le lieu ou elles se
trouvent et se découvrent. Il y a quelque chose de féminin ici.
Le
nid tout sauf douillet de violet, semble être plus celui de caesar.
Sous certains angles, il est froid et quasi théâtral. D'autres fois
les acajous, bordeaux et verts lui donne un coté club anglais où
la femme n'a que peu de place. La salle de bain et son utilisation
dans le film est la preuve qu'elle est plus un ornement qu'autre
chose.
Les
mafieux qui font parti de l'histoire sont une pièce importante du
récit. Ils amènent un coté décalé, et à la fois crédible. Le
scénario et surtout les réalisatrices arrivent à créer des
personnages en peu de temps, ils ont tous une épaisseur et une
existence . Les acteurs sont très importants dans ce processus.
Christopher Meloni, John P Ryan, et Richard C. Sarafian sont
extraordinaires pour incarner ces personnages charismatiques et
décalés. Un simple passage devant la caméra, et ils provoquent une
émotion. Toujours en décalage avec la société où ils vivent par
définition, dans le film et son histoire. C'est souvent par eux que
vient l'humour, prime au personnage de Jhonnie incarné par Meloni.
Ceci a une importance dans ce
long métrage. A aucun moment les sœurs Wachowski veulent
faire «un film de gangsters ou de mafieux». Même la scène du
«sécateur» n'est là que pour servir ce qui va advenir plus tard
pour ces femmes. A aucun moment il y a un traitement à la Scorcese
de ces personnages, car l'histoire est une histoire d'amour
lesbien... avec un magot.
Des
le départ les réalisatrices veulent faire un film lesbien. La
preuve en est qu'elles demandent à Susie Bright de faire un caméo.
Enchantée par la lecture du script, elle leur proposera de
chorégraphier les scènes de sexe. Susie Bright, que je ne
connaissais pas avant ce film est une figure du féminisme américain.
Elle est entre autre auteure, productrice, journaliste... elle a
beaucoup écrit sur la sexualité des femmes. Elle a étudié des
films lesbiens, et écrit entre autre dans pentahouse. Je résume,
mais son parcours et passionnant, si vous avez un peu de temps je
vous conseille de regarder son œuvre. Elle fera plus que ce pourquoi
elle est venue. Elle sera vigilante à ce que les réalisatrices
soient justes dans les jeux de séductions, et au moment de choisir
des figurants, elle fera venir ses proches pour qu'à aucun moment on
ne tombe dans le stéréotype.
Les
moments de sensualités, et de sexualités sont sublimes. Les
actrices sont divines,la réalisation est à tomber que ce soit la
lumière, la manière dont est réfléchit la caméra,tout est
savamment orchestré. La manière dont ces réalisatrices organisent
les transitions est spécialement
les moments où elles se retrouvent ensemble dans un lit sont
spectaculaires. La bascule entre la scène des préliminaires et
celles d'amour est assez folle et elle aboutit sur un plan séquence
sublimissime. La caméra tourne autour du lit. Accompagnant les
femmes dans leurs unions. Le travelling se finissant par un orgasme.
Un des plus crédible que j'ai vu au cinéma. En général je trouve
que les scènes de sexes ne servent pas le récit. Mais ici,si. Et
quel beau moment de cinéma.
Cette
histoire s'inscrit dans un triangle amoureux. La réalisation le met
en scène régulièrement durant le film. Au détour d'un mouvement
de caméra, quelqu'un apparaît. Ou lors de la première scène dans
l’ascenseur où la caméra les surplombe. Le spectateur est témoin
de ce que caesar ne peut pas concevoir. Même quand il les dérange,
il perd toute suspicion quand il voit que corky est une femme.Violet
qu'il possède, a aucun moment il ne pense qu'elle pourrait aimer une
autre femme. Car c'est une histoire d'amour.
«I
have this image of you -inside of me- like a part of me» c'est la
phrase que prononce Violet avec sa petite voix au début du film. Ces
femmes s'aiment. Et l'imagerie du film file la métaphore de la
complémentarité. Le yin et le yang dans le lit ou avec les cafés.
Mais aussi alors que chacune d'entre elles doutera de l'autre, elles
décideront de faire confiance et de se jeter dans cette relation et
d'assumer leurs actions. Violet passe son temps à dire à Corky
qu'elles sont identiques et à la fin ce sera le cas.
Il y a aussi l'incroyable manière dont les
réalisatrices filment les liens de ces femmes. Leurs manières de
communiquer. Les fils de téléphone qui abolissent le mur qui les
sépare, la manière dont elles touchent le dit mur...
Ce
film est le premier des Wachowski, et s'il est différent sur bien des
points de ceux qui suivront, il a
cependant une filiation forte avec eux. on perçoit la patte
des artistes. Il y a par exemple tout un travail autour des mains et
de la manière dont la réalisation les utilise qu'on retrouve dans
matrix. Elles travaillent sur le rythme des images et des mouvements,
ou encore cette image filmée à travers un verre. Un faisceaux de
petites choses comme les transitions, ou le positionnement de la
caméra, nous rappelle qu'on est en zone familière, a défaut de s'y
reconnaître.
J'ai
aimé ce film que je n'attendais pas. Il est très déstabilisant,
encore plus si comme le gardien des clés de ce blog vous le mettez
en situation et vous le voyez comme l'étape pré matrix. Il est
digne des sœurs waschowski, elles vont jusqu'au bout de ce qu'elles
veulent dire, elles le mettent en forme de manière sublime et
délicate... elles me charment
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