1980 - 19891987Crispin GloverCritiqueDaniel RoebuckDennis HopperIone Skye LeitchJoshua John MillerKeanu ReevesTim Hunter
River's Edge
RIVER'S EDGE
de Tim Hunter
Au
début de l'été, je cherchais des films que j'avais envie de voir
seule pendant que le maître des clés de ce blog regarderait des
films que je n'ai aucunement envie de rencontrer. Keanu Reeves
courrait dans ma TL, et on parlait de to the bones. J'ai eu
envie de voir ce film puis d'autres et je me suis dit que vu
l'ampleur de sa filmo, j'allais pouvoir y piocher allégrement mais
l'un entraînant l'autre nous nous sommes mis à en regarder
ensemble, un puis deux, puis quasiment tous. On a rencontré des
films comme the scanner darkly et on a eu envie dans découvrir
d'autres. Et plus on avance dans ce qui commence à ressembler à une
œuvre vu les choix audacieux, plus on découvre des films dont on
n'a jamais entendu parler et qui sont surprenants,et ou réjouissants,
mais jamais neutre.
Au
milieu des années 80, dans une petite ville de Californie, un petit
garçon au visage inquiétant décide de jeter à l'eau une poupée
très laide. En face un adolescent hurle à coté du corps d'une
jeune femme.
Inspiré
d'un fait divers qui s'est passé en 1981, quelque part en
Californie. un jeune homme de seize ans, a violé et tué une
adolescente de quatorze ans. Puis il a promené le corps de le jeune
femme à l'arrière de son pick up pendant une journée et l'a jeté
dans un ravin. Il a raconté ce meurtre à plusieurs de ses
camarades, en a amené certains constater la véracité des faits.
Ces adolescents n'ont rien dit, ils ne l'ont pas cru, ont voulu le
protéger ou ont eu peur des complications avec la police, seuls deux
d'entre eux finiront par le dénoncer au bout de deux jours.
Ce
film dresse le portrait d'une certaine adolescence. Une adolescence
délaissée et livrée à elle même. En choisissant de suivre une
seule famille et une petite dizaine d'adolescents le scénario permet
de balayer toute cette période de vie à un instant T. Il dépeint
une famille recomposée ou les garçons doivent faire face à un beau
père qui leur hurle et leur tape dessus, à une petite sœur livrée
à elle même, et quant à eux il ne savent pas communiquer autrement
quand se battant et se détestant. Tim 9ans est férocement jaloux,
bat et casse les jouets de sa (demi) sœur; Matt passe son temps à
lui courir après pour le taper car il a fait pleurer sa petite sœur;
alors que Tim rêve juste de faire comme son grand frère même si ça
implique de fumer des joins et descendre des bières. Une famille ou
la mère laisse ses fils découcher la nuit et engueule son aîné
car le plus jeune n'est pas entré. Une mère qui hurle qu'elle n'a
voulu aucun d'eux, devant sa fille de cinq ou six ans. Petite fille
livrée à elle même lorsque le plus grand de ses frères n'est pas
là. Finalement une mère qui s'inquiète du nombre de ses joins et
laisse en connaissance de cause ses fils allaient voir un meurtrier
pour se fournir.
Car
la drogue ici est partout, des poches de pilules multicolores,
excitants ou autres, des ballots d'herbe. Un vrai cabinet
d'apothicaire ou le spectateur est incapable de se retrouver. Et
c'est en ça que ce film est intéressant car il décroche du fait
divers sordide et va plus loin. A cette période «l'apathie» de ces
adolescents avait été expliqué par la drogue, les jeux d'arcade,
et le heavy métal (présent aussi dans le film par la musique que
Layne passe dans sa voiture coccinelle gonflée à l’extrême), et
par transparence sur le tee shirt retourné de Samson. Mais
ici elle n'est qu'un alibi. Elle est le pourquoi ils passent leurs
temps à sillonner la ville. Elle explique pourquoi a un moment du
film Layne va être arrêté, elle est le Graal pour un gamin de
neuf ans mais c'est tout.
Le scénario expose un mal être récurant,
Feck interprété par Dennis Hooper semble avoir été en prison
exactement pour ce qu'a commis Samson, et le profil des enfants de
moins de dix ans ne laisse pas envisager un avenir plus serein.
Et
en montrant ces ados face à ce secret beaucoup trop gros pour eux,
le réalisateur peut esquisser assez brillamment les dynamiques.
Celle du groupe ou un meneur semble décider pour tous; l'histoire
prend le temps de laisser naître les doutes et la maturation de la
dénonciation. Et surtout elle dépeint un monde d'adultes incapables
de protéger ses enfants. Allant même jusqu'à leur tirer dessus car
il frappent à la fenêtre. En ce sens c'est plus un monde d'adultes
qui est jugé en filigrane que ce celui de l'adolescence du début
des années 80.
Il
est intéressant de noter que ce long métrage montre une évolution
chez celui qui va dénoncer et finalement casser le cadre et
réfléchir sur ce qui se passe autour de lui, et pour la seule qui a
essayer de le faire même si elle n'en a pas eu le courage.
Ce
film est fluide même si l'image reste très imprégnée des années
80. Mais il est aidé par son casting. Dennis Hopper
est Feck, personnage improbable qui semble être resté coincé dans
une faille temporelle entre easy rider et une poupée gonflable. Il
est étrangement émouvant et le spectre de ses non-dits amène au
film une profondeur et un fatalisme assez inattendus.
Crispin
Glover joue Layne, l'ado
charismatique et meneur de bande. Il semble terriblement seul, et n'a
personne à appeler lorsqu'il est en prison. Le problème de ce
personnage est son hyperactivité, ou le trop de d'excitants qu'il a
consommé. Il semble être monté sur des ressorts. Alors il frôle
le sur-jeux, et ça nuit à ce personnage, même lors des moments ou
il est seul. Crispin Glover arrive quand même à lui donner corps et
à laisser transparaître des choses sous tout ce cabotinage.
Keanu
Reeves interprète Matt, le
grand frère que toute petite fille aurait voulu adopter. Il joue ce
rôle qui est l'un de ses premiers et peut être un des moins
linéaire du long métrage, avec une simplicité assez déconcertante.
Il est vraiment le pivot dont se sert le réalisateur pour élargir
la réflexion du spectateur.
Samson
prend les traits Daniel Roebuck,
il incarne parfaitement les deux cotés d'une même pièce. A la fois
l'adolescent isolé, seul, avec d'énormes responsabilités; et celui
qui tue pour un mot.
Joshua
John Miller joue le grand
(et le petit) frère que personne ne veut avoir. Il est excellent en
petit monstre capable du pire mais arrive à nuancer son jeu par un
regard ou une expression, qui nous permet de croire que rien n'est
perdu.
Ce film est un film qui m'a surpris, et qui m'a fait penser à
l'univers de Twin Peaks qui se développera quelques années après.
C'est un film de société qui se sert du carcan des teen movies ,
pour nous ouvrir les yeux sur notre société.
Le malheur est que trente ans après les constats ne sont pas si
différents si ce n'est que l'on accuse aujourd'hui les jeux vidéos
et les réseaux sociaux
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