BlacKkKlansman

by - janvier 28, 2019



La dernière fois que j'ai vu des membres du KKK dans un film, ils se faisaient méchamment tirer dessus par deux policiers de la police de Miami. Une représentation somme toute triviale, mais au combien réussie du racisme de cette organisation, coincer entre la bêtise de ses membres et de leur doctrine. Une organisation que moi français je pensais à jamais oublié dans un coin sombre des USA. Hélas le KKK est revenue sur la scène devant la scène, faisant avec d'autres la une de l'actualité, il y a désormais plus d'un an et demi, ravivant s'il ne le fallait les tensions raciales chez l'oncle Sam ! Un état de fait dont c'est emparé Spike Lee, qui fait de la vie de Ron Stallworth son cheval de bataille contre un certain Donald Trump, l'actuel 48 ème président des Etats-Unis d'Amérique.

« Au début des années 70, au plus fort de la lutte pour les droits civiques, plusieurs émeutes raciales éclatent dans les grandes villes des États-Unis. Ron Stallworth devient le premier officier Noir américain du Colorado Springs Police Department, mais son arrivée est accueillie avec scepticisme, voire avec une franche hostilité, par les agents les moins gradés du commissariat. Prenant son courage à deux mains, Stallworth va tenter de faire bouger les lignes et, peut-être, de laisser une trace dans l'histoire. Il se fixe alors une mission des plus périlleuses : infiltrer le Ku Klux Klan pour en dénoncer les exactions. »


Au final je suis plutôt mitigé sur « Blackkklansman » et personnellement cela me désole car je l'attendais, notamment à cause de son sujet. La vie de Ron Stallworth, premier policier noir de la ville de Colorado Springs, qui à la suite d'une première mission, décide d'infiltre le KKK afin de les court-circuiter de l’intérieur. Seul bémol, lui est noir ! Il collaborera ainsi avec un autre agent qui prendra sa place à chaque rencontre avec les membres du KKK. C'est une histoire qui semble tellement improbable, qu'on ne s'imagine pas forcément qu'elle est bel et bien véridique. Spike Lee ne pouvait se résoudre à la retranscrire tel quel, car depuis il y a eu Donald Trump et « Charlottesville ».


« Charlottesville » dans l'état de Virginie, est une ville où se sont tenue en août 2017 plusieurs rassemblements de l’extrême droite américaine, afin de protester contre l’enlèvement d'une statue d'un parc, d'un ancien général confédéré Robert Lee. Rapidement des contres-manifestants, antifascistes et antiracistes battent le pavé, devant la police locale, bien incapable de gérer la situation. Ce qui devait fatalement arriver, arriva. Un homme à ce jour condamné à la perpétuité, a foncé délibérément avec son véhicule sur un cortège le 12 Août, tuant Heather D. Heyer, 32 ans, assistante juridique et militante pour les droits civiques. Un acte abjecte, unanimement condamné, sauf par le président Trump, qui a entretenu une ambiguïté dans ses déclarations, ce qui fut très mal perçu, aussi bien par ces opposants, que par ceux de son camps.


Un drame qui a nourri ce projet, ainsi que la colère profonde qu'a Spike Lee envers son président, transformant l'histoire de R. Stallworth, en un regard féroce sur l'Amérique contemporaine. Le réalisateur se permet alors quelques entorses avec la réalité, de manière à amener plus de dramaturgie, en inventant cette histoire d'attentat à la bombe par exemple, ou en déplaçant l'intrigue début des années 70 au lieu de la fin des années 70 pour faire écho à la fois aux luttes pour les droits civiques et aux débuts de la blaxploitation, mais aussi avec les dialogues, qui par petites touches nous transporte illico en 2017/2018.



Avec humour et remarques cinglantes, Spike Lee et ses scénaristes tissent une intrigue simple, mais qui rend justice à cet homme exceptionnel qu'est Ron Stallworth, et une autre qu'ils véhiculent par les mots et l'image sur ce qu'est les USA, selon eux actuellement. Un double discours rageur, ou John David Washington se fait la voix de son réalisateur. Mais voilà, je me permets d'émettre un bémol sur le film, malgré d'évidentes qualités.



Cette colère que l'on ressent tout au long du film et qui transparaît est légitime, Spike Lee a raison d'avoir les nerfs, cependant je trouve que cela éclipse l'histoire de Ron Stallworth par instant alors qu'elle se suffit à elle même ! Et c'est dommage tant on imagine les histoires qu'ils ont pu vivre le temps de l'infiltration Stallworth et ses collègues . Mais dans le fond c'est largement compréhensible, car ce que Donald Trump a exacerbé en devenant président, ce qu'il cautionne implicitement et ce que les événements de Charlottesville ont montré à la face du monde, c'est une nation qui n'a pas tiré un trait sur ces démons intérieurs.

D'un point de vue réalisation, Spike Lee nous livre un film très propre, la profondeur de champ nous indique sans cesse l'état d'esprit de notre personnage, alternant entre courte focale et longue focale pour ça, afin d'avoir d'un côté une impression de proximité, voir d'étouffement ou alors totalement l'inverse; visuellement travailler, les plans sont composés avec soin, puis la retranscription des années 70 amène sont lot de couleurs et de références à la blaxploitation ; et habilement monté ! La musique est aussi très réussie. On y retrouve Terence Blanchard, le compositeur attitré de Spike Lee, qui entre de nouvelles compositions, l'utilisation d'un morceau issu d'Inside Man : L'homme de l’intérieur, ou encore divers morceaux, entre Prince, James Brown, The Edwin Hawkins Singers et Emerson, nous compose une bande originale qui est un délice pour les oreilles …


Le casting du film m'a tout de suite plu et la vision du film m'a confirmé ma première impression. John David Washington (Fils de Denzel) est parfait dans le rôle de R.Stallworth, à la fois avenant, drôle, méfiant et touchant, il porte avec conviction la vie de cet homme d'exception. A ses cotés on trouve l'incontournable Adam Driver. Il joue le rôle du policier juif Flip Zimmerman (Il est juif seulement dans le cadre du film, car dans les faits cela n'a jamais était révélé) et il lui apporte finesse et dérision. Puis on trouve Laura Harrier, figure forte, du militantisme local pour les Droits Civiques, qui ne se laisse jamais impressionner. Enfin on a Topher Grace dans le rôle du leader du KKK David Duke, puis Jasper Paakkonen dans le rôle de Félix un fanatique membre du KKK, Paul Walter Hause ou encore Ryan Eggold.

La fin du film paraît abrupte, voire choquant, certains l'ont même déplorés, mais à mon humble avis (Cela n'engage que moi) elle est en totale adéquation avec ce que Spike Lee nous raconte. Il faut savoir que durant son infiltration, pendant sept mois, aucune croix n'a brûlé à Colorado Springs. C'est seulement le jour ou l'opération cessa, qu'une croix brûla, devant le lieu ou un leader des Blacks Panther avait pris la parole quelques années auparavant. Dans le film, celle-ci renvoie clairement au drame de Charlottesville. Parce qu'on retrouve Ron, avec Laura, chez eux, quand l'une d'elle prend feu, ou Spike Lee reprend son travelling compensé (comme dans Inside Man) pour montrer la combativité de ses personnages. Ils ont baissé la garde un instant et la voilà sur une colline en train de brûler. Et si à Charlottesville, il n'y a pas eu à ma connaissance de croix brûlée, le KKK était bel et bien là au milieu de ces groupes d’extrême droite, montrant que des mouvements comme le KKK perdure à travers les époques et que la lutte pour les droits des afro-américains, des musulmans, des juifs, des femmes, des LGBT … n'étaient pas finis et que les gens étaient prés a se battre pour ça !


Memorial for Heather Heyer on 4th Street SE in Charlottesville, Virginia. Heyer was killed following the Unite the Right rally.

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