After Life

by - octobre 15, 2018



AFTER LIFE
de Hirokazu Kore-eda

Lorsque j'ai découvert After life, c'était le premier film de Hirokazu Kore-eda que je voyais. Ce fut un coup de foudre, jusqu'ici jamais déçu.

Tout commence un lundi, dans ce qui pourrait être une administration. Le froid , l'eau qui doit chauffer, les collègues qui se retrouvent et le bilan de la semaine précédente. Pendant ce temps une pièce, un salle d'attente se remplit. Lorsque les gens se dispatchent dans les salles où ils sont attendus, nous apprenons que tous sont morts, ils sont ici en transit. Ils vont passer une semaine dans ces lieux, ils y dormiront,mangeront, tout est pensé pour eux. Ils auront jusqu'au mercredi pour réfléchir à leur plus beau souvenir, celui qu'ils veulent garder, avec qui ils partiront. Le reste de la semaine se composera en deux temps. Le personnel de ce lieu réalisera un film sur ce souvenir, et c'est lors de ce visionnage le samedi qu'ils partiront, riches de leurs ressentis.

Ce film a tout d'un conte, mais ne tombe jamais dans une facilité qui serait de se détacher complètement de la réalité.
Si je le rapproche du conte c'est qu'il en porte toutes les caractéristiques. Rien qu'en lisant son pitch vous pouvez percevoir le message psychologique qu'il porte en lui, et la
charge émotionnelle qu'il peut véhiculer. Mais ne nous trompons pas, ici elle est maîtrisée, jamais ces morts ne semblent déchirés, où malheureux. Jamais ils ne semblent souffrir de l'absence, où pleurer le manque de ceux qui sont restés. Ils sont au delà de ça. Ils semblent vraiment paisibles.

A un moment de l'histoire il y aura un élément déclencheur pour l'un des personnages, il évoluera jusqu'à répondre à la plus grande de ses questions et cela changera tout. ceci est la trame basique du conte. Cependant il y a une volonté de contre carré cette forme très universelle et aussi tout à fait déconnecter de nos vies par des détails quasiment palpables qui vont cheviller cette histoire à notre quotidien; comme les murs et leurs peintures défraîchies, les saisons (l'absence des jolies fleurs, le froid qui vous pince le matin, la neige et son humidité qui vous piquent de milles aiguilles, et le bain chaud qui seul peut vous réchauffer...), ces moments qui rythment nos journées(faire le ménage, gérer une intendance, faire chauffer de l'eau, allumer un feu, les réunions avec les collègues), et tant d'autres petites choses rendant cette histoire réelle. Meme pour des esprits aussi occidentaux que le mien, bien moins ouverts aux esprits, aux fantômes, que la culture japonaise l'est.
Ce long métrage est donc un merveilleux et doux film sur la mort et bien évidemment sur la vie, mais il n'est pas que ça. 
Il est aussi une ode au cinéma. Et ce à deux niveaux. Le premier étant la maîtrise du réalisateur, qui se sert de tous les outils possibles et c'est un petit bonheur pour les yeux. il filme l'entrée de ce lieu avec un contre jour, et en dessinant différent cadres qui lui donne un aspect extraordinaire. Mais ce jeu avec les cadres, les carrés, les lucarnes, les fenêtres, est récurant pendant tout le film, finissant bien sur par un écran de cinéma. À plusieurs reprises, on signifiera au spectateur que ce qu'il voit n'est qu'une version. C'est par exemple un jardin qui n'est pas aussi beau qu'il l'est au printemps, c'est ce que l'on pensait être la nuit mais qui n'est que le jour, ce n'est pas un souvenir mais c'est un film....il joue aussi avec le montage. Son montage est millimétré, parfait, et fluide; mais à de rares moments, pour éviter les longueurs lors d'entretiens qui se produisent entre ces personnes mortes et les employés de ce drôle de lieu, il monte son film faisant des coupes réfléchies que le spectateur perçoit, et qui mettent en valeur le récit à ce moment T. Si ces deux exemples sont représentatifs de la maîtrise, ils font vraiment parti d'un tout riche et varié; j'aurai pu tout  aussi bien m’arrêter  sur le jeu de la caméra qu'elle soit à l'épaule ou posée, où sur la manière de filmer les personnages. 

Mais ce qui au final fait le plus plaisir à voir est la manière de réaliser les rêves. La machinerie de ce que l'on appellerait des trucages. ce sont les nuages de cotons et la fumée qui recréés un ciel, ce sont les fausses feuilles qui tombent d'un cerisier, un décor peint... et une vieille caméra qui filme en argentique posée et ronronnante. Puis le bruit, celui de l'agitation de la vie. Si certains y ont vu la transition de l'homme qui est acteur de sa vie, à celui qui est un rouage d'un souvenir. J'avoue que moi, j'ai juste profité du grand bonheur que m'a procurée ce moment.

Ce film est une ode à la vie, aussi imparfaite qu'elle soit.
Il met en scène une trentaine de personnes de différents ages. Si ce long métrage est aussi poignant c'est aussi du à la période à laquelle est située ce film, on dira fin des années 90. Il sort en 1999. La plus vieille personne à plus de quatre vingt dix ans, la plus jeune est une lycéenne. 
Et c'est un éventail d'expériences extraordinaire, de ceux qui ont vécu la guerre, à une attraction du disneyland ; des réminiscence de la seconde guerre mondiale, à ceux des guerres contre la Corée ; de la vieille dame qui croit avoir neuf ans à ce jeune homme qui veut amener un rêve ou quelque chose qu'il n'a pas vécu. Chacun parle de son époque de son quotidien. Chacun nous explique le japon actuel. Et ces bribes de discours, parfois extrêmement désenchanté, parfois plein de grands bonheurs, souvent plein de petits, forment une mosaïque qui bien plus que de nous parler d'une personne, d'un pays, nous parle de nous.
Et finalement le film nous laisse sur deux questions. Évidemment quel serait votre souvenir? Mais aussi une autre posée à un de nos personnage est-ce que ne pas choisir c'est faire face?
Le casting est bon mais trop long à détailler en entier. J'avais envie de vous parler de deux d'entre eux mais ça vous donnerai des indications sur l'histoire. J'aime trop ce film, je n'ai pas envie de vous donner trop d'indices.

J'ai aimé férocement ce film, je vous le conseille.

You May Also Like

0 commentaires

Rechercher dans ce blog