A Girl Walks Home Alone at Night

by - avril 03, 2018


A GIRL WALKS HOME AT NIGHT
Ana Lily Amirpour


La première fois que j'ai vu ce film, c'était à la fin d'un festival, et j'avais été hypnotisée. Mais un déménagement et d'autres petites choses peu sympathiques l'ont court-circuité, et je n'en ai pas parlé. Je l'ai donc revu avec un grand plaisir bien décidée à écrire dessus.

Dans la ville de bad city, qui se situe en Iran, un homme rentre chez lui. Il vit avec son père qui doit de l'argent à son dealer.
Ce film ne ressemble à rien de ce que vous ayez déjà vu. Sa réalisatrice le décrit comme le bébé rock'n roll de Sergio Leone et David Lynch qui aurait eu comme baby sitter Nosferatu. Pour être plus explicite c'est un film américain, issu d'un court réalisé par Ana Lily Amirpour, tourné en persan, dans une ville fantôme de californienne, l'action se situe en Iran, mais dans une ville dont le nom fait violemment penser à un comics.
De ce film, je dirai que c'est d'abord un très joli film. Sa principale caractéristique est un sublime noir et blanc. Avec une majorité de scène de nuit, avec des noirs intenses uniquement percés par les lumières de la ville. Les contrastes sont forts. Symbole d'un film sans compromis. On y rentre ou l'on se perd.
Les rares scènes de jour, dont celles d'ouvertures, renvoient directement à l'imagerie du western moderne. Filmé dans une ville fantôme californienne, les rues vides, le désert, le sable balayé par le vent sont tout de suite présentés comme des composantes de ce film. Et tout ce qu'ils impliquent comme la violence, les inégalités, la loi du plus fort, et la manière dont sont traitées les femmes et les hommes deviennent implicites. Le tout résumé en une séquence magnifiquement filmée. Ce sentiment est renforcé par le choix du format 2.35 qui a ravivé mes souvenirs d'enfants, ceux des westerns filmés en cinémascope que regardaient les adultes.
Mais la réalisatrice ne joue pas uniquement sur ça. Le graphisme épuré et la composition des images amènent le spectateur dans le monde des romans graphiques. Les personnages caractérisés par leurs costumes, et le nom de la ville où se situe l'action en sont des exemples frappant. Certains décors comme ceux de l'appartement de notre héroïne, ornés d'une accumulation de posters aux murs semblent directement tirés de l'un d'entre eux . De plus les scènes qui s'y passent si lentes avec des moments presque immobiles, nous ramènent au style et à certaines vignettes de ces œuvres dessinées.
Les personnages et la manière dont ils sont traités nous ramènent aussi à ces basiques.
Le personnage d'Arash est le prototype du héros. Il en revêt les atours, il a un «look» à la James Dean, tee shirt blanc et manches retournées; jean coupés pour sa morphologie;et un je ne sais quoi de perdu. Puis il a aussi un magnifique destrier. Ici ce n'est ni un cheval,ni une moto c'est une sublime voiture des années 50 (une Ford thunderbird de 57), brillante comme un sous neuf. De même lorsqu'il se déguise, il choisit de se déguiser en vampire du cinéma des années 50, avec une cape au grand col relevé. Un brin mystérieux, et à la fois tellement pratique pour se dissimuler. Cet homme timide, ne sait pas trop où se positionner. C'est à la fois un homme qui voulait rester dans le droit chemin. il avait un travail ingrat, mais qui lui a permis de s'acheter sa voiture de rêve. Mais un père Junkie et de drôles de coïncidences le fond devenir voleur à la petite semaine ainsi que dealer. Le tout alors qu'il découvre ce qu'est l'amour. Ce rôle est interprété par Arash Marandi qui lui prête son prénom ainsi que ses traits. Il est charismatique et promène un regard sombre et un peu perdu sur son quotidien. Juste ce qu'il faut.
Notre héroïne n'a pas de nom. On ne l'appelle pas. Elle promène sa silhouette si caractéristique dans les rues désertes la nuit. Cette silhouette est composée à la fois une tenue religieuse traditionnelle qui ressemble terriblement à une cape de super héros ou de vampire, et d'une tenue basique jean et marinière.... son moyen de locomotion, un skate. C'est une héroïne très silencieuse, elle ne prononce pas plus de quelques mots dans ce film. Sheila Vand qui l'interprète est ultra expressive. Même sa manière de se maquiller parle d'elle, de la violence qui l'habite, de la manière dont elle se perçoit. Cette actrice qui ressemble étonnamment à la réalisatrice, porte ce rôle avec maestria.
Alors si elle est un vampire, et ça nous le découvrons dès le début, elle est plus que ça. Dans cette ville où l'on n'aperçoit jamais un policier ou quelqu'un qui peut représenter l'ordre, elle est l'ordre. Du moins ce qu'elle croit être l'ordre. Elle punit les dealers, et les gens qui profitent des femmes. Elle «éduque» les enfants qui traînent la nuit. Ce personnage est complexe, fou, riche et tellement intéressant.
Ce film et son message, on fait beaucoup parler tous ceux qui ont écrit dessus. Beaucoup ont voulu y voir un message politique sur l'Iran. Pourtant la réalisatrice réfute cette lecture. Et à force de lire ce qui a été écrit dessus, je trouve que ce film parle de ce que nous sommes. Le problème du costume de l’héroïne, que personne ne sait définir est caractéristique. Il focalise presque plus les spectateurs que le fait que cette jeune femme, qui nous ressemble soit un vampire, qu'elle puisse tomber amoureuse d'un pauvre mortel, qu'elle soit la loi par contre, ça ne nous questionne pas. Le voile aujourd'hui même dans un film, biaise la vision même s'il est plus une cape qu'un signe religieux
Ce long métrage nous parle d'une vie binaire, où l'on est riche ou pauvre; une femme ou un homme; drogué ou pas... le fait que notre vampire soit autre chose, la met dans une position différente et lui fait prendre de la hauteur. Puis il y a la drogue. Le vert dans la pomme, celui qui pourrit ceux qui y touchent.

Ce film est tellement beau, que l'on peut se perdre en le regardant. Ce film est si riche que je ne suis pas sure d'avoir tout perçu et je pense qu'il va falloir que je le déguste une troisième fois. Si vous avez l'occasion, regardez le.

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