TO THE BONE
de Marti Noxon
Alors
que la France se déchire sur le sujet de Netflix. Alors que certains
crient à l'assassinat du cinéma, que d'autres tempêtent devant
l’archaïsme de la pensée des premiers cités. Les gens comme moi
pensent que ça sert à rien d'aller contre le progrès. Et ce
délectent de ce qu'est capable de créer ce SVOD.
Ce
film raconte l'histoire d'Ellen, talentueuse jeune femme grignotée
par l'anorexie. Lors des premières minutes on voit comment cette
femme intelligente arrive à se faire renvoyer d'un hôpital et d'un
service spécialisé. Lors de son retour chez son père on devine les
liens familiaux qui régissent sa vie et on commence à soulever le
voile sur celle que l'on suivra dans le cadre d'une thérapie et
d'une hospitalisation atypique.
Ce
film tape juste. Sa réalisatrice et son interprète principale ce
sont battues avec des problèmes du comportement alimentaire, et on
perçoit rapidement la volonté de franchise. Mais commençons par le
commencement ce film est une image d'une partie de la population
diagnostiquée ou pas avec ces troubles. Mais aussi des dangers de la
société dans laquelle nous vivons. La maladie est décrite sans
fard et sans voyeurisme. Les symptômes sont énoncés de manière
cliniques ou montrés avec délicatesse, au détour d'une image
(comme une pilosité particulière, une manière d'aligner les
exercices physiques ou une balance qui ne penche jamais du bon
coté...). Ces moments sont toujours mis en images avec beaucoup
d'attentions. Il ne sont jamais entourés d'une aura un peu glamour,
ni rendus sordides. Le travail sur l'image est vraiment important. La
lumière est léchée. Toujours présente ou essayant de percer dans
un quotidien bien difficile. Les couleurs sont chaudes. Les décors
aussi rajoutent à cette impression cosy de cocon. La maison ou ils
sont hospitalisés, les chambres tout est accueillant. Les lieux
hostiles ne sont que ceux ou elle peut s'installer lorsqu'elle rentre
chez ses parents.
Les
parents... Ellen ne les juge pas. Le film ne le fait non plus. Il
montre la lâcheté d'un père , le désarroi d'une mère qui a été
perdue dans sa vie pendant longtemps et qui culpabilise, l'épouse de
cette dernière est la plus difficile à saisir. Mais,il y a surtout
la femme de son père. Cette impossible belle mère, bavarde et
usante mais qui ne sait pas quoi faire pour essayer d'aider cette
femme. Bien sure qu'elle est maladroite, évidemment qu'elle est
pénible. Mais quel amour qui ne prononce jamais son nom. Puis il y a
sa sœur (ok sa demi sœur, mais on n'est pas des fractions), et son
amour inconditionnel teinté de peur et de colère. Ce portrait qui
aurait pu être traité sur le ton dramatique est juste exposé avec
beaucoup d'humour et une dose de wtf. La scène de séance de
psychanalyse familiale ou le repas entre sœur sont vraiment
hilarante.
Car
comme dans la vie et peut être plus encore dans ces circonstances;
beaucoup de choses se passent lors des repas. Et la réalisatrice
décide de les traiter avec beaucoup de légèretés. Il y a un
passage dans un restaurant asiatique que je n'aurai jamais pu
imaginer avec des réparties qui m'ont scotchée.
Oui
car ce film est drôle aussi. Je vous le dit depuis le début de ce
billet. Ce film est un parfait équilibre. A aucun moment il est
larmoyant, il n'est jamais facile. Il est équilibré et juste.
Puis
il y a une vraie poésie inhérente à ce long métrage, peut être
pour contre balancer la cruauté d'un décompte de calories. Parfois
c'est juste par des mots et apparaît une femme licorne dans
l'histoire. Parfois ce sont des images magnifiques, le passage dans
la rain room de LACMA brille autant par sa simplicité que par sa
beauté. Et parfois c'est de la poésie à l'état pure. Un poème
que l'on lit qui raisonne particulièrement en vous et vous aide à
trouver votre voie
Il
est aussi question de la place de l'art et des réseaux sociaux dans
cette maladie. Comment le travail de danseur a poussé luke au bout
de lui même. Arrivant à son maximum physique à 19 ans et le
faisant entrer dans une spirale mortifère. Ou encore le blog d'Ellen
sur son tumblr et ce qu'il engendra. Rien n'est neutre et l'image que
l'on projette n'est jamais celle que l'on croit maîtriser.
Mais
comme tout est question de dosage quand le sujet est abordé c'est
dans une chambre avec une imprégnation vintage ou les vinyles
envahissent l'espace.
Ce
film est plein de détails, plein de symboles sur ce que sont nos
personnages à un moment donné. Les habits sont une des clés. Les
habits trop grands et sombres dans lesquels on s'enfonce, laissent
place a un débardeur clair, ou encore des costumes aux charmes
surannés qui donnent envie de savoir ce que cache celui qui les
porte.
Les
acteurs sont choisis avec soin. Lily Colins est Ellen. Cette
lumineuse actrice s'est amaigrie pour tenir son rôle. Elle est
juste, et arrive à faire transparaître la force de son personnage
même dans les moments les plus critiques. Alex Sharp est Luke, il
est le vent d'air frais de l'histoire. Il arrive à créer un
personnage attachant et magnétique. Keanu Reeves est le médecin qui
suit ces malades et qui portent cette thérapie. Ce personnage est
désarmant sur bien des aspects, et ça lui va bien.
Ce
film n'aurait sûrement jamais été financé sans netflix. Il n'est
pas racoleur, il n'est pas accusateur, il n'est pas voyeur, il n'est
pas va-t-en guerre. Il est juste la vision d'une femme qui connaît
son sujet pour y avoir survécu.
Il
est bon de signaler que sa première diffusion a eu lieu à Sundance,
et qu'il n'y a eu aucun problème...
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