Les Yeux de Satan
LES
YEUX DE SATAN
de
Sidney Lumet
Je remercie les dieux du programme télé qui nous
ont fait zapper sur la bande annonce de ce film. Je n'avais jamais
entendu parler de lui, et surtout le titre m'aurait repoussée à la
première lecture. Mais la présentation de ce film nous ayant
vraiment intrigué.... nous lui avons donné sa chance.
Paul Reis, est un professeur tout neuf. Il revient
dans le pensionnat de jeunes garçons ou il a passé son adolescence
pour y enseigner. Dans ce «collège» géré par des prêtres, il
retrouve son mentor le professeur Dobbs. Mais il se passe des choses
étranges dans cette institution, des garçons sont retrouvés
mutilés et blessés.
Oubliez
tout, oubliez ce titre, ce film n'est pas ce que l'on pourrait
croire. Si comme moi à sa lecture vous avez pensé à l'Exorciste
ou à d'autres films du même acabit, vous avez tout faux. C'est un
thriller pur et dur, et il n'existe pas de vraies tentations
ésotériques. Alors oui il y a des prêtres en soutanes, à un
moment il y a un instant de panique irrationnel de l'un des
personnages, mais c'est tout. Il est d'ailleurs intéressant de
souligner que le titre original (Child's Play) n'a rien à voir
avec celui choisi pour le public français. Ce qui n'est pas vraiment
étonnant vu qu'il est peu en rapport avec l'histoire.
Car l'intrigue tourne autour de manipulation(s). Et
c'est rudement bien fait. La réalisation arrive à ne pas nous
enfumer, à nous montrer concrètement ce qui se passe, mais à aucun
moment je n'ai pu percevoir la réalité et la finalité de tout ça.
C'est extrêmement bien mené. Rien n'est jamais ce que l'on croit.
Et lorsque l'on arrive à une certitude, ce n'est qu'une partie de la
vérité qui est dévoilée. Jusqu'à la fin du film il m'est resté
des questionnements.
Pour incarner ce jeu de dupes trois acteurs portent
le film. Beau Bridges avec une coupe au bol comme seules les années
70 avaient le secret , et dieu merci; joue le candide. Il est ce
professeur novice, et l'ancien élève c'est lui que l'on suit et qui
nous permet de deviner ce qui se passe. Il arrive à créer de
l'empathie, et à être cohérent alors qu'il passe le film «le cul
entre deux sièges». C'est un belle composition.
James Mason joue Jérome Mailey, le prof de latin
austère, antipathique et aigri... cette description me parle
beaucoup. Ce personnage évolue énormément pendant ce film, et
brise sa carapace. Il est extraordinaire. Il a un jeu très puissant
et il imprègne l'écran dès qu'il apparaît.
Robert Preston est Joseph Dobbs, il est dans la
subtilité et dans la nuance. Son jeu créé un personnage par
petites touches qui permettent d'exprimer toute sa complexité.
Par contre ce film a mal vieilli. Pour plusieurs
raisons, la première est que pour montrer l'austérité des lieux,
les couleurs vertes, grises, dignes des meilleurs épisodes de
Derricks ont été convoquées. Et quarante cinq ans après sa
sortie, ça ne pardonne pas à l'image.
Ensuite
il y a eu un énorme travail sur les costumes, les élèves et leurs
uniformes, les prêtres leurs soutanes, les habits en prise directe
avec son époque de Reis, et les tenues des professeurs plus âgés,
qui pourraient être datées du début du XXeme siècle. Aujourd'hui
le spectateur ne se retrouve pas du tout et ça donne un coté un peu
fouillis et vieillissant.
Ce film pourrait être que ce thriller et ce serait
déjà bien, mais il est plus riche que ça. Il y a une vraie
réflexion sur l'éducation dans cette œuvre. Sur l'institution et ces collèges tenus par des
religieux. L'imprégnation religieuse, le discours de l'un des
prêtres-enseignant pendant le film, et tous ces jeunes hommes qui
vivent en huis clos, fermés sur l’extérieur. Le tableau est assez
peu flatteur.
Puis il y a une vraie réflexion sur ce qu'est être
un bon enseignant. Le questionnement sur la discipline est permanent
dans le film et sur la distance entre le professeur et ses élèves.
Et dans cet univers fermé la tentation de se prendre pour le père
de ses élèves est grande.
De tout cela découle la problématique du système
éducatif. Les professeurs sont ils là pour faire de ces jeunes gens
des hommes, avec leurs propres individualités. Ou de sages padawans
qui marcheront dans leurs traces et dont ils seront fiers?
Ce film est surprenant, il n'est jamais là ou on
l'attend, et malgré des imperfections c'est un bon moment.
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