CARAMEL
de Nadine
Labaki
C'est la
quatrième fois que je commence cet article et je ne sais toujours
pas comment écrire dessus. Je n'arrive toujours pas à organiser ce
que je pense. Peut être car je ne suis pas sure de ce que j'ai
ressenti en le voyant.
Ce film est
une histoire de femmes, des femmes libanaises qui vivent à Beyrouth.
Elles travaillent dans un salon de beauté «si belle» pour trois
d'entre elles, une autre est leur fidèle cliente et les deux
dernières sont deux sœurs dont l'une a un gros retard mental et
l'autre est la couturière en face de l'institut. Pendant tout ce
long métrage les destins
de ces femmes et leurs rapports aux autres vont être développés.
Ce film est
une photographie sur les femmes citadines libanaises des années
2000, et c'est une belle image. Car la réalisatrice y porte un
intérêt tout particulier, des le début le générique est à
tomber, on suit la préparation du caramel utilisé comme élément
cosmétique. Tout y est sensuel, le bruit du sucre que l'on verse
dans la casserole, sa manière de roussir et l'apparition des bulles,
le travail de cet appareil jusqu'à ce qu'il devienne une matière
docile et élastique, puis le moment est venu de la goûter...en
quelques minutes j'étais conquise et pleine d'attente sur ce qu'il
avait à me dire.
Mais la mise en place de l'histoire n'est pas
simple, elle est confuse et j'ai eu du mal à pouvoir m'attacher aux
personnages. On comprend difficilement qui est qui, et pourquoi.
La
photographie est dominée par un jaune chaud, tout le long du film la
recherche dans les décors et les costumes saute aux yeux.
Ils sont
réfléchis, et le spectateur le sent tout de suite. La réalisatrice
le fait à plusieurs niveaux d'abord dans l'histoire. Elle prend la
décision par exemple de ne pas montrer le visage de l'amant de
Layale alors que l'on verra ceux de sa femme et de sa fille. Mais
elle le fait aussi dans la composition de l'image, il y a une scène
très belle ou elle est au téléphone et la manière dont elle est
filmée est sublime. Mais dans ces moments si travaillés, il y a eu
quelque chose qui m’empêchait
d’être happée par le film, des petites choses difficiles à
définir.
La scène de
l'appel téléphonique dont je vous parlais précédemment est un
tournant du film, car après le fil narratif est plus agréable à
suivre, le rythme n'est plus aussi irrégulier et il peut dérouler
ce qu'il a à raconter .Une société patriarcale ou une femme ne
peut pas vivre seule, ou la notion de mariage est très importante.
Le portrait de ces femmes même si il peut avoir un aspect de
catalogue de tous les cas de célibats possibles, permet à
l'histoire de montrer des choses ou toutes on peut se reconnaître
tout en parlant d'un pays particulier. J'avoue avoir été touchée
par deux d'entre elles. Jamale qui court après sa jeunesse autant
qu’après les petits rôles. Gisele Aouad donne vie a ce personnage
avec une sensibilité qui traverse l'écran. Et dans son monde ou
l'apparence est le nerf de la guerre son destin est bouleversant.
L'autre femme est Nisrine future mariée musulmane qui se retrouve
face à des exigences dans lesquelles elle ne se retrouve pas
forcement. La scène la veille du mariage ou sa maman lui parle et ou
transparaît le vécu de cette mère m'a beaucoup émue, tout comme
celle ou elle subit une intervention chirurgicale. Yasmine Elmasri
est incroyable, son regard est si expressif qu'elle pourrait vous
raconter une histoire rien qu'en vous
fixant. Il émane de ce personnage une vraie bienveillance.
J'ai
regretté que l'on ne s’arrête pas plus sur Rima, on perçoit son
attirance pour les femmes, mais ce n'est jamais posé en tant que
tel. Et c'est triste dans un film ou l'on parle des histoires d'amour
de femmes de ne pas oser développer ce personnage.
Nadine
Labaki qui réalise ce film interprète aussi Layale, une femme
amoureuse de l'époux d'une autre, un tabou, une plaie béante pour
elle. J'ai rarement vu une femme aussi belle. Elle est touchante
lorsqu'elle cherche un endroit pour fêter un anniversaire. Et elle
montre tout une facette de la société libanaise et à quel point
une femme est considérée comme inférieure à un homme. Mais son
personnage qui est central dans le film est pourtant celui qui à le
moins à raconter.
Ce qui m'a
manqué dans ce récit c'est du contraste. C'est quelque chose que
j'ai appris en dessinant, c'est que parfois une touche de couleur
bien choisie peu réveiller ton dessin. Et la le contraste ne se fait
pas car il y a très peu d'hommes. Cette société est patriarcale
mais on n'aperçoit pas un père. Les époux, les prétendants et les
fiancés sont esquissés à gros trais, ils sont décrits comme sans
finesses et avec peu de jugeote. Ils n'ont pas de contenances par
rapport aux femmes. Toutes ces généralités les rangent au rang de
décors à l'exception de deux d'entre eux, qui aurait pu être le
mieux utilisés. L'exemple le plus flagrant,l'homme qui pourrait
porter nos espoirs, le policier, n'est pas autant exploité qu'il le
pourrait. C'est pourtant un tellement beau personnage, poétique,
Adel Karam qui l’interprète lui donne un charisme fou sans trop en
faire.
Ce film est
un film qui m'a beaucoup fait réfléchir. Plus sur ce que j'attends
du cinéma, que sur les femmes libanaises. Et aussi il m'a permise de
faire le point sur ce que bloguer a changé dans ma perception de
certains d'entre eux.
Ce film est
un beau film, et je suis impatiente de voir le suivant de cette
réalisatrice "Et maintenant on va ou?" .Car même si je n'ai pas été séduite par tout c'est quand même
une rencontre qui m'a fait vaciller à plusieurs moments.
Ce
film est un film que je n'aurai pas vu sans Guillaume, alors si tu
lis ces mots merci de tes conseils qui font toujours grandir
l'amoureuse du cinéma que je suis.
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