Entre le ciel et l'enfer

by - mai 18, 2017


Actionnaire d’une grande fabrique de chaussures, Kingo Gondo décide de rassembler tous ses biens pour racheter les actions nécessaires pour devenir majoritaire. C’est alors qu’on lui apprend qu’on a enlevé son fils et qu’une rançon est exigée. Mais, second coup de théâtre, c’est le fils de son chauffeur qui a été enlevé…

Entre le ciel et l'enfer – 1 Mars 1963 – Réalisé par Akira Kurosawa

Après « Les bas-fonds » et « Les salauds dorment en paix », voici « Entre le ciel et l'enfer », le troisième des films de Kurosawa à être sortie début Mai qui vient compléter la collection initiée par Wildside depuis plus d'un an. Trois films que j'ai grandement apprécié et qui sont tous différents, malgré la veine sociale qui les réunis et que le réalisateur exploite avec beaucoup de talent. Ici c'est un film entre deux mondes, entre ceux qui sont privilégiés et ceux qui ne le sont pas …

Kingo Gondo est un ancien ouvrier qui s'est mue en un excellent homme d'affaire ! Il a pu avec le temps devenir l'un des actionnaires importants de l'usine de chaussures ou il a évolué, gravissant les échelons jusqu'à devenir l'un des hommes majeurs de l'entreprise. Un jour il discute chez lui avec des fournisseurs, de nouveaux modèles de chaussures mais très vite la discussion tourne sur une possible alliance pour s'emparer de l'usine. Gondo lui ne veut rien entendre, car secrètement il se prépare à prendre le contrôle majoritaire de l'usine. Un coup de poker qui ne doit pas rater, parce qu'il n'y aura pas de seconde chance. Sur de son fait, il congédie ses encombrants invités et finalise sa future prise de pouvoir, quand il reçoit un coup de fil qui lui annonce que son fils a été enlevé et qu'il doit payer une rançon de 30 000 000 de yens pour le revoir en vie. Heureusement pour Gondo, les ravisseurs se sont trompés et n'ont pas enlevé le bon enfant, mais il lui reste un dilemme payer pour sauver le fils de son chauffeur ou ne pas payer et mener à bien son plan …. .

« Entre le ciel et l'enfer » est un film qui porte bien son nom ! C'est à la fois une promesse (Mise en scène, histoire, personnages) et l'interrogation principale du film, à savoir « Comment l'homme réagit quand il est soumis à un questionnement qui échappe à la morale ». Comme Orson Welles quelques années auparavant avec « La Soif du Mal », le réalisateur Akira Kurosawa porte brillamment ce dilemme à l'écran et fait de Kingo Gondo son « Mike Vargas » !

Akira Kurosawa s'entoure de ces fidèles collaborateurs que sont Eijirô Hisaita, Ryūzō Kikushima et Hideo Oguni pour écrire le scénario de ce film. Il adapte le roman de Ed McBain (Les Oiseaux) « Rançon sur un thème mineur » en gardant le postulat de départ, à savoir la confusion sur l'identité de l'enfant kidnappé ! A partir de là on voit l'histoire de deux hommes qui sont face à leur propre doutes, qui vont faire des choix, jusqu'à voir dans l'autre le miroir de ses peurs et de ses envies. Gondo est un homme qui a connu la pauvreté, mais qui a réussi à se faire un nom, à avoir une situation et un certain statut, faisant de lui un homme rétif à tout chantage. Le ravisseur Ginjiro Takeuchi, un jeune interne en médecine est quelqu'un d'intelligent, qui ne semble hélas plus pouvoir suivre le rythme de ses études, qui vit dans une certaine précarité et qui jalouse jusqu'à commettre l'irréparable « celui qui a réussi », qui toise de par son imposante maison le peuple en contrebas !

Un jeu de miroir que l'on retrouve dans la narration, les deux parties du récit se répondent et entretiennent l’ambiguïté que l'on ressent pour chacun des deux personnages. Entre Gondo qui ne veut pas retomber en « Enfer » quitte à ne pas payer, quant a Takeuchi, désespéré et envieux qui aimerait tant goûter au « Ciel », se laisse gagner par ces plus bas instincts ! C'est dans cette frontière tenu entre le bien et le mal que l'on se perd nous aussi, que l'on se pose des questions, sur ce que l'on a, sur ce que l'on veut et sur la manière de l'avoir et que quoi qu'il arrive on est responsable de nos actes. Le film finis la ou il doit se finir, sans jugement, sur un face à face d'une profonde noirceur, ou l'homme se confronte à soi-même et a ses échecs …

Puis comme à chaque fois, c'est très très bien réaliser ! Le scénario qui s'articule sur deux parties distinctes permet a Akira Kurosawa de créer deux ambiances totalement différentes et de jouer à merveilles avec les décors. Dans un premier temps c'est un huis-clos exemplaire ! On ne vois qu'une seule pièce, mais tout est concentré ici, l'introduction, l’enlèvement et la demande de rançon du ravisseur (Takeuchi). C'est bien rythmé, l'image est composée avec minutie, chaque personnes est à sa place avec un rôle qui est parfaitement définit ! Une clarté qui donne une dynamique implacable, pour laisser place à la procédure d’enquête, amenée par une mise en scène éclairée, le rideau se tire, le huis-clos se termine et laisse voir la ville en contrebas, le terrain de jeu du ravisseur. La seconde partie est tout aussi réussie, jusqu'au final entre Gondo et le ravisseur, qui se parlent dans une pièce de la prison. Juste une vitre les sépares, point d'orgue d'une rancœur que l'on saisit à peine mais que Gondo comprend,jusqu'à ce plan aussi fugace que réussie ou leurs visages se mêlent, finissant de nous troubler et de nous dire que chacun d'entre nous pourrait être celui derrière la vitre …

Le casting est de qualité et il joue aussi très juste ! Toshiro Mifune interprète Kingo Gondo. Un rôle qui permet à cet acteur de montrer une nouvelle fois le talent qui l'anime et la palette de jeu qui sont la sienne. A la fois plein de hargne, de colère et de retenue, sa composition électrise la première partie du film et attrape à lui seul toute la lumière, synthétisant alors le dilemme qui l'anime. Celui qui joue Takeuchi le ravisseur, c'est l'acteur Tsutomu Yamazaki. Jeune acteur à l'époque, il excelle dans le rôle de cet étudiant dépassé par la vie qu'il mène. Symbole d'une jeunesse en manque de repère, il choisi d'assumer ses actes et l'émotion qu'il donne dans le dernier acte rend tout ça encore plus dur. Puis on trouve aussi des seconds rôles de choix, avec Takashi Shimura, Tatsuya Nakadai le brillant inspecteur, Kyoko Kagawa qui joue la femme de Kingo Gondo, puis Tatsuya Mihashi, Takeshi Kato ….

C'est un film brillant du début à la fin, qui permit au réalisateur d'aborder la question des « enlèvements d'enfants », un sujet qui lui tenait à cœur depuis que l'un de ses amis eu subit cela et que la justice fut trop clémente a son goût avec le ravisseur. Ironiquement, lui qui voulait dénoncer, du faire face à une recrudescence d’enlèvement suite à la sortie de son film …
Retrouvez cette splendide édition depuis le 3 Mai en blu-ray/dvd chez Wildside

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