Doppelgänger
Michio Hayasaki travaille pour la recherche médicale. Dix ans auparavant, il a conçu une machine novatrice qui permet à la compagnie qui l'emploie de faire de gros profits. Ses employeurs ont de grandes espérances avec son nouveau projet, une chaise roulante intelligente qui fait corps avec son malade. Soumis à cette forte pression, Michio Hayasaki traverse une crise difficile à gérer. Un jour, lors d'une expérimentation, il fait la connaissance de son « doppelgänger », un double qui, d'après les croyances locales, annoncerait une mort prochaine...
Doppelgänger – 27 Septembre 2003 (Japon) - Réalisé par Kiyoshi Kurosawa
Le terme « Doppelgänger » est quelque chose d'assez énigmatique, tant dans ce qu'il désigne, le double, le sosie, le jumeau ou dans sa traduction. Ce mot d'origine allemande trouve aussi un écho dans le folklore de plusieurs pays, comme le Japon qui voit en ça un présage funeste, car si tu rencontres ton « Doppelgänger » cela annonce ton décès futur. D'une manière beaucoup plus succincte, c'est une croyance que le réalisateur Kiyoshi Kurosawa avait déjà abordé dans son film « Séance». Dans son précédent essai, c'était un présage, le signe qu'on paye toujours une mauvaise action, mais cette fois ci, il va plus loin, le double se matérialise, s'immisce et manipule son jumeau, pour un résultat étonnant. C'est entre charme, malice et burlesque qu'on rentre avec envie dans « Doppelgänger » …
Michio Hayasaki est un imminent chercheur qui travaille pour l'industrie médicale. Depuis une dizaine d'années cette industrie qui le paye s'est enrichie ostensiblement sur son dos et elle attend patiemment, le nouveau produit que Hayasaki est entrain de concevoir. Il s'agit d'un fauteuil roulant révolutionnaire, qui ne fait plus qu'un avec son utilisateur qui le commanderait avec la pensée. Mais c'est un travail très lourd que mène Michio, la mise en œuvre est complexe, la pression de ses employeurs est énorme et malgré le soutien de ses assistants il est au bord du burn out. Un soir après une journée infructueuse, il rentre chez lui et se trouve face à son doppelgänger, ce qui l'effraie énormément. Cependant il s'avère être une personne joviale, prêt à tout pour l'aider à accomplir ce défi insurmontable qui se pose devant lui. Hayasaki préfère l'ignorer, mais il va prendre de plus en plus d'importance dans sa vie, quitte à vouloir le remplacer …
Si les différents posters du film promettent une ambiance angoissante voire cauchemardesque, il est bon ton de se rappeler que l'on à faire au roi du contre-pied et que cela a une fois de plus encore bien fonctionner. En effet si pendant les 20 premières minutes on à l'impression d’être devant un film de fantômes classique, le traitement du sujet vu par K. Kurosawa nous emmène bien plus loin que ce que l'on espérait ! Loin de faire de son « Doppelgänger » qu'un simple présage, il s'en sert comme un élément de comédie et de psychanalyse en confrontant celui qu'on est et celui que l'on aimerai être!
Le scénario est écrit par Ken Furusawa et par le réalisateur en personne. Ils déroulent une histoire linéaire, mais aux nombreux changement de tons, ce qui en fait toute sa particularité. Grâce au « Doppelgänger » du personnage principal, on navigue entre l'angoisse, la légèreté, le thriller et un dernier quart aux accents burlesques, il apporte de la vie, de l'énergie et une ambiguïté morale tout au long du film qui ne cesse de nous faire douter sur ce que l'on voit et sur les réelles motivations des personnages. Et plus le film avance, plus on plonge avec envie dans cette querelle d'égo, car si c'est dans un premier temps un présage funeste aux yeux de Michio, c'est aussi le signe d'un grand trouble intérieur, celui d'un homme insatisfait de sa vie.
C'est la que le « Doppelgänger » devient un outil pour exprimer le ressenti d'un personnage perdu, ici c'est Michio, un créateur, un constructeur d'invention qui n'arrive pas à finaliser sa dernière œuvre. C'est esprit rationnel est bloqué et l'apparition de son double va lui offrir une porte de sortie. Une issue qu''il rejette, mais qu'il va apprivoiser, en lui laissant une certaine latitude et en projetant sur lui des choses qu'il n'a jamais su faire, comme séduire son assistante ou simplement quitter son travail.
Jusqu’à réaliser par lui même que le problème vient de lui et seulement de lui. « Le Doppelgänger » à fait alors son office, celui de remettre de l'ordre dans la vie et la tête de Michio. La fin est alors extrêmement parlante, Michio refuse de se vendre et fait table rase de ce qu'il a hanté. Ce qui peut être, peut faire écho à un sentiment du réalisateur qui un jour à lui aussi perdu la foi en son art et en lui même.
Quant à la forme, elle est toujours aussi agréable à l’œil que soigné dans sa mise en œuvre. Kiyoshi Kurosawa maîtrise son sujet sur le bout des doigts, l'ambiance ou la partition musicale sont en adéquation avec l’atmosphère paranormale qu'il installe au début, avant de bousculer vers le « Doppelgänger » et un certain comique. Le réalisateur manipule alors l'image, en la segmentant à l'écran, ou les deux « Koji Yakusho » évolue, puis par des Split-screens savamment instillés pour nous faire perdre le sens des réalités. Une perte de repère que le réalisateur associe à un décalage permanent entre le personnage principal et son « doppelgänger », un comique de situation inattendue qui déclenche des rires totalement inattendue. Toutefois, il y a quelques bémols comme le rythme un peu anémique par instant et surtout un dernier quart qui tire en longueur, ainsi que totalement redondant dans ces effets comiques. Le casting quant à lui si il peut compter sur Hiromi Nagasaku, Yusuke Santamaria et Akira Emoto dans les rôles secondaires, on trouve l'excellent Koji Yakusho dans le double rôle de Michio et du « Doppelgänger ». Une performance à mes yeux XXL ou il se glisse dans les deux personnages avec beaucoup de conviction et de nuance. J'ai découvert ainsi une palette encore plus large de cet acteur qui est définitivement à l'aise dans tous les registres.
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