Steve Jobs

by - avril 19, 2016


Dans les coulisses, quelques instants avant le lancement de trois produits emblématiques ayant ponctué la carrière de Steve Jobs, du Macintosh en 1984 à l’iMac en 1998, le film nous entraîne dans les rouages de la révolution numérique pour dresser un portrait intime de l’homme de génie qui y a tenu une place centrale.

Steve Jobs – 3 Février 2016 – Réalisé par Danny Boyle

« Think Différent » ou « Penser Différent » est aussi bien le slogan de la campagne réussi en 1997 par Apple qu'une maxime hautement efficace qui s'applique au dernier film de Danny Boyle. Car « Steve Jobs » le film est une révolution ! Non pas parce qu'il est un produit Apple, mais parce qu'il dépoussière le genre du biopic avec une audace que seul un scénariste comme Aaron Sorkin pouvait apporter, malgré une pré-production chaotique.

De sa création à nos jours, Apple a toujours présenté ses produits lors de ces grandes messes que l'on appelle des keynotes. Steve Jobs y fait le show et entraîne son public dans son «Champ de distorsion de la réalité », expression consacrée qui met en exergue la capacité de Jobs à convaincre son auditoire. Et c'est au détour de trois keynotes sur trois produits différents l'on va découvrir l'homme qui se cache derrière l'entrepreneur de génie. Tout d'abord en 1984 pour le lancement du Mac ! Une étape cruciale qui doit projeter Apple à son sommet. Puis en 1988 avec le NextComputer et enfin en 1998 avec le lancement de l'IMac qui signera son grand retour dans la maison Apple.

Au final ce n'est pas qu'une bonne surprise, c'est juste ce que j'ai vu de mieux depuis le début de l'année ! Steve Jobs est un modèle d'écriture et de justesse qui frôle la perfection, mais surtout il ne rate pas sa cible malgré sa radicalité.


Si le fantasme persistant qu'un film fait par David Fincher reste perceptible à la vision du film, on en est pas moins heureux du résultat final. Boyle crée un ensemble harmonieux et des plus réussis ou le scénario de Sorkin s’épanouit avec aisance. Inspiré par la biographie de Walter Isaacson, le scénario s'articule à la façon d'une pièce de théâtre ou d'un opéra en plusieurs actes. Aux nombre de 3, ils racontent chacun a leurs tours une part de la vie de Jobs. C'est a mon humble avis ici que l'histoire qu'a écrit Sorkin est brillante, car au final le sujet ce n'est pas Apple, mais bel et bien Steve Jobs, le Steve Jobs créateur, l'homme Jobs et le père Steve …

Tout l’intérêt de ce biopic se trouve dans la singularité du scénario de Sorkin, car il saisit l'insaisissable, ce petit truc inextinguible qui fait de chacun ce que nous sommes. Et c'est en creusant derrière l'entreprise Apple que l'on découvre comment était Steve Jobs. Cet implacable entrepreneur n'est que le reflet de son propre travail, de cette obsession sans fin pour le design, pour l'intégration verticale et pour des produits fermés qui ne peuvent communiquer avec les autres ! Steve Jobs est chef d'orchestre talentueux handicapé par son incapacité a avoir des sentiments, qui s'enferme derrière son travail et ses machines.

C'est une position qu'il affectionne, elle nourrit son égo, son obsession du contrôle et cela même si il est détesté par une grande majorité de ses collaborateurs, car il est un guide que rien ne peut arrêter et seul ses plus proches peuvent lui parler comme Joanna Hoffman. Derrière les échanges qu'il peut avoir avec eux, vif ou non, on décèle la personne consciente de ses défauts, de ses failles, de ses échecs et de ses difficultés à communiquer, ce qui est un comble pour celui qui veut mettre l'ordinateur à la portée de chacun.


Et pour lier l'ensemble, on trouve l'histoire intime de Steve Jobs et de ses difficultés a être un bon père. Ce fil rouge c'est la relation avec Lisa sa fille, une enfant qu'il rejette violemment, se répandant même dans la presse pour dénigrer son ex-femme sauf que peu a peu l'armure va se fissurer pour laisser de la place à l'imprévue, ainsi qu'a de l'affection. Au contact de Lisa, Steve Jobs se dévoile et l'on apprend les conditions de son adoption, puis le comportement de ses parents qui l'on privé d'amour et d'une vie sociale épanouie car comment donner de l'affection quand vos propres parents n'ont pas voulu vous en donné ? Un vide émotionnel qu'il a essayer d'occulter, de masquer ou de remplacer sans que cela ne marche et c'est à la fin, au cours d'une séquence pleine de simplicité et de complicité que Jobs se réalise enfin …

Moi qui n'apprécie guère le trop plein d'effet visuel qu'a tendance a utiliser Boyle, j'ai été agréablement surpris par la sobriété du réalisateur à ne pas en faire trop. C'est avec application et simplicité que Danny Boyle met en scène le scénario de Sorkin, tout d'abord en utilisant 3 formats différents par époque, le 16 mm en 84, le 35 mm en 88 et le numérique en 98 pour mieux marquer le temps qui passe et l'évolution des produits de la marque à la pomme. Mais aussi par l'usage de la steady-cam pour mieux capter l'urgence de chaque acte entre deux face a face survoltés ou les mots fusent comme une mélodie. Et malgré le scénario, le film est très bien rythmé, pensé et monté, les transitions sont subtiles et cohérentes, tandis que la musique signé Daniel Pemberton donne ce qu'il faut d'énergie au film sans le dénaturer et cela jusqu'au final riche en émotions .

Quant au casting, il est juste fabuleux ! Seth Rogen l'éternel comique se glisse avec facilité dans le rôle de Steve Wozniak. Une composition pleine de retenue ou l'on oublie l'acteur comique qu'il est très régulièrement. Jeff Daniels qui joue le rôle du PDG John Sculley est magistral de bout en bout tout comme Michael Stuhlbarg dans celui de Andy Hertzfeld. Mais les plus imposants sont sans conteste Kate Winslet et Michael Fassbender, la première fut récompensée d'une Golden Globes tandis que le second fut nommé deux fois dans la catégorie du meilleur acteur lors des Oscars et des Golden Globes. Kate Winslet joue Joanna Hoffman, c'est l'assistante et la responsable marketing de Jobs, un boulot assez ingrat, mais dont elle s'acquitte avec sérieux. Si son personnage semble effacé, il n'en est rien et Kate Winslet construit une composition délicate, très fine et pleine de nuances. C'est la seule qui comprend Jobs et qui fait jeu égal avec lui et rien que pour ça, ce que fait Kate Winslet est brillant. Michael Fassbender est quant à lui très juste, très fin et intelligent pour saisir tout la complexité de ce rôle qui lui est offert. Un personnage qu'il incarne à merveille sans faire dans le mimétisme.

Ceci est un excellent film !


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6 commentaires

  1. Je n'ai pas aimé ce film même si tu le défends très bien ! Certes, il s'agit d'un film ambitieux, je vois en tout cas où Boyle et Sorkin ont voulu en venir mais honnêtement, je me suis ennuyée, les dialogues m'ont paru incompréhensibles et débitent à tout va jusqu'à ce que ça me fatigue au bout d'un moment, pareil pour les effets clippesques. Les acteurs sont en revanche bons.

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    1. Je comprends tout a fait ! C'est un film qui peut assommer si tu n'y rentres pas dedans et je t'avoue que j'adore les dialogues dedans ...

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  2. Un film devant énormément à Aaron Sorkin. Il réussi à faire oublier l'aspect biopic habituel comme il a su le faire avec The social network. Il s'est néanmoins compliqué en prenant trois époques différentes, mais importantes à chaque fois. C'est là où entre en scène Danny Boyle. Via sa réalisation changeant de format, le montage alterné de la scène de dispute ou d'autres effets de style, il arrive à s'approprier le scénario. Je n'ai malheureusement pas pu le voir en VO, mais les acteurs sont monumentaux. Kate Winslet en vient même à voler merveilleusement la vedette à un Michael Fassbender pourtant très bien. Puis c'est bon de voir un biopic qui ne prend pas de gant avec la personnalité qu'il dévoile. Même si la fin a tendance à l'idolatrer peut être trop, le portrait est fait tout en nuance.

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    1. Je trouve que c'est encore plus fort ici ! La forme du film est inédite pour un biopic et c'est vraiment la grande nouveauté ici. Quant aux acteurs ils sont sensationnels. La fin je n'appelle pas ça de l'idolatrie, c'est plutot le regard admiratif d'une "petite fille" envers son père qu'elle retrouve.

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    2. C'est quand même Jobs illuminé par les spotlights à l'image d'une icône. Je préfère néanmoins The social network qui avait le mérite de faire d'un biopic une tragédie sur la mort d'une amitié.

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    3. Une icone pour sa fille !
      Je préfère aussi "The Social Network" a cause de Fincher :)

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