A peine j'ouvre les yeux

by - novembre 12, 2015



Tunis, été 2010, quelques mois avant la Révolution, Farah 18 ans passe son bac et sa famille l’imagine déjà médecin… mais elle ne voit pas les choses de la même manière. Elle chante au sein d¹un groupe de rock engagé. Elle vibre, s’enivre, découvre l’amour et sa ville de nuit contre la volonté d’Hayet, sa mère, qui connaît la Tunisie et ses interdits.

A peine j'ouvre les yeux – 23 Décembre 2015 – Réalisé par Leyla Bouzid

La quatrième édition du F.I.F.I.B s'est achevée il y a 5 jours, par la projection du film de Valerie Donzelli « Marguerite & Julien», concluant une nouvelle édition que j'ai particulièrement apprécié. 8 films étaient présentés en compétition officielle, huit films aux qualités différentes mais mus par une cette volonté de proposer quelque chose de singulier. Et après 4 jours de présence dans les couloirs de l'Utopia de Bordeaux, j'ai vu sept des huit films de la sélection. J'en ai chroniqué 5, j'en ai oublié volontairement un (Ce souvenir de l'été de Mikhael Hers) pour pouvoir me concentrer sur mon gros coup de cœur du festival, l'un des meilleurs films que j'ai vu depuis que je me rends au fifib, un morceau pur d'énergie, de sincérité et qui vient tout droit de Tunisie. Il se nomme « A Peine J'ouvre les Yeux » qui est le premier film de la réalisatrice Leyla Bouzid !

L'histoire se déroule à Tunis pendant l'été 2010, à quelques mois de la révolution qui mettra un terme au régime Ben Ali. Malgré un calme apparent, le pays vit de plus en plus mal, le malaise grandit et les contestations se font de plus en plus vives. C'est dans cette instabilité latente que l'on découvre Farah, 18 ans et des rêves plein la tête. Une jeune femme promis à de belles études, de médecine selon le souhait de sa mère mais pas pour elle qui a de tout autres projets car son truc à elle c'est le chant !!! C'est ainsi qu'elle est la chanteuse d'un groupe de « rock local » ou elle va apprendre à se découvrir, à découvrir la vie et son pays au travers de leurs chansons ….

« A peine j'ouvre les yeux » c'est mon petit chouchou du festival de Bordeaux ! Un film avec un cœur énorme qui comme son nom l'indique « ouvre les yeux » ! Un titre idéalement choisit, qui prend tout son sens une fois le film fini car il contient tout ce que l'on doit voir et savoir sur l'histoire que nous raconte Leyla Bouzid ….

Le scénario qui est co-écrit ici par la réalisatrice et Marie-Sophie Chambon, s'articule autour du parcours initiatique de Farah. De la jeune fille qu'elle est au début, insouciante et naïve à la jeune femme qu'elle devient à la fin, elle aura connu son premier amour, sa première déception amoureuse, des conflits avec sa mère et bien sur « la réalité » avec son emprisonnement injustifié et injustifiable. Des épreuves de la vie « classique » ou presque et qui ont fait de Farah une « femme », plus mature et consciente du monde qui l'entoure ! Ce qui amène à un dénouement hautement symbolique et touchant. Toutefois c'est certainement le seul point faible de se long-métrage car il n'y a rien de surprenant dans cet aspect là de l'histoire !

Si le fil narratif principal du film est convenu, on distingue malgré tout trois points développés et apportés par Leyla Bouzid; une part de son vécu, de sa vie ainsi qu'un regard sur les vingt années de dictature du régime Ben Ali, enrichissant son histoire d'une touche féministe et bien sur d'un regard politique sur la Tunisie d'hier et de demain !

« A peine j'ouvre les yeux » sur une relation mère-fille ! Symbole d'un conflit générationnel en Tunisie. Ghalia Benali qui joue Hayet « la mère », c'est l'incarnation de la Tunisie d'avant, de celle qui a toujours connu le régime Ben Ali et qui a peur de tout changement ! Une angoisse viscérale qui contamine ses relations avec sa fille ! Mais aussi de ceux que sa fille pourrait lui faire voir … D’où les conflits, les prises de becs et les chantages affectif ! Un dialogue de sourd seulement atténué par le père qui arrondit les angles, ou lorsque qu'elle voit sa fille, fière, rebelle et téméraire, chanter devant une salle ou le groupe était interdit de se produire. Bien sur à la fin, après l'épreuve douloureuse connut par Farah (Baya Medhaffer), Hayet ouvre les yeux, elle comprend que sa fille veut juste vivre et que le pays qui lui a tant apporté ne le lui permet pas ! Et dans un élan d'amour, Hayet chante, doucement, la chanson titre du film et petit à petit elle encourage sa fille à continuer, encore et encore à chanter, à s'exprimer, à vivre …

« A peine j'ouvre les yeux » sur une « Tunisie » que je ne soupçonnais ! Engluée dans les tourments d'un régime sans fin. Ou une famille à eu la main mise sur tout un pays pendant plus de vingts ans et qui à laisser progressivement pourrir son pays de l’intérieur. Avec de la corruption a tous les étages, de la répression policière arbitraire et aussi en faisant tout pour taire les moindres désirs de la jeunesse tunisienne. Un climat que Leyla Bouzid a connu, elle a vu des amies proches disparaître et réapparaître comme par magie, ce qui serait du passée si cela ne continué pas de nos jours ! Un aspect du régime que la réalisatrice montre avec retenue, préférant crée une ambiance neutre ou l'on ne voit seulement que les petits indices qui indiquent l'oppression du pouvoir. Un devoir de mémoire pour elle et la Tunisie, une façon de ne pas oublier et de ne pas répéter les mêmes erreurs …

« A peine j'ouvre les yeux » sur une jeunesse détruite, sans but et sans avenir, qui n'a que pour seul instrument, des mots bien forts pour exprimer ce désir d'avenir qui les portes. Tourné avec des acteurs qui sont avant tout de vrais musiciens, ils donnent à l'écran ce qu'ils donnent quand ils jouent ! Une énergie formidable, sans limite et euphorisante. Créatrice de rêves, d'envies et d'amour que leurs pays ne peut donner. Et c'est ainsi que sur des airs locaux mêlés à des sons de batteries et de oud que les jeunes tunisiens s'expriment lors de concert, sans craintes et avec fougues pour dire que ce pays est aussi le leur !!! De l'émotion à l'état brute, sans filtre et sans limite mais dont la force inspiratrice donnera certainement du courage à toute une génération.

A l'image de sa bande originale, Leyla Bouzid signe un premier long-métrage vraiment généreux ! Dans sa forme comme dans le fond, elle ne se trompe que rarement et ne perd jamais de vu son scénario ainsi que le but à atteindre ! Jouant habilement sur les deux tableaux, elle alterne moment intimiste et concert avec subtilité pour mieux faire ressortir les sentiments de chacun au moment opportun. C'est bien rythmé, monté et accompagné par une musique diégétique entraînante, habilement utilisé ! On se surprend même a taper la mesure du pied … Quant au casting il est admirable ! Constitué de chanteuses et de musiciens avant tout, ils ne déméritent pas et font joués une spontanéité désarmante, de plus on sent que c'est vraiment le cœur qui parle avant tout. Pour finir je retiendrais principalement la touchante Baya Medhaffer, l'interprète de la rebelle Farah, qui symbolise à elle seul l'avenir de la Tunisie, un avenir qui s'inscrit au féminin …


Un premier film fait avec beaucoup de cœur et d'énergie, que je vous conseille fortement d'allez voir si vous le pouvez lors de sa sortie en salle ... 



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2 commentaires

  1. J’ai hésité avant de voir ce film et j’ai eu tort. Je l’ai visionné et je trouve que c’est loin d’être un navet. L’histoire de cette jeune femme et sa mère est très bien mise en images. Bref, ce long-métrage est émouvant et très enivrant.

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